André Wilms, Genevieve Casile, Liu Ling Zi, Dong Qing, Yilin Yang
part en Chine pour la première fois de sa vie afin de rapatrier le corps de son fils, mort dans un accident. Plongée dans cette culture si lointaine, ce voyage marqué par le deuil devient un véritable voyage initiatique.
Le choix de la Chine est donc apparu comme une évidence dans mon désir de réaliser un film un peu animiste : je voulais faire le récit d'un apprentissage où une femme française, Liliane
(interprétée par Yolande Moreau), extraite de son univers athée et rationnel, rencontre au cours
d'un voyage a priori tragique, une forme de spiritualité et d'apaisement.
Pourquoi avoir tourné dans la région du Sichuan ?
La région du Sichuan s'est imposée parce que le taoïsme y est prégnant. Par ailleurs son fort syncrétisme religieux m'intéressait. Au village, le temple où se déroule la cérémonie taoïste est en réalité un temple bouddhiste chargé de représentations taoïstes.
Cet entremêlement des religions va de soi, il nous suggère une autre façon de voir le monde et d'appréhender la mort.
La végétation si particulière du Sichuan, notamment sa luxuriance, était aussi une manière de suggérer l'omniprésence du fils de Liliane dans la nature. C'est par certains détails végétaux et animaux
(par exemple un gecko dans le cadre d'une fenêtre) que le film raconte le cheminement de Liliane. Comme si, après la perte de son fils, elle était conduite par une force qui la dépasse et va peu à peu l'entraîner dans la vie.
Comment s'est fait le choix de votre actrice principale ?
Sa présence m'a accompagné tout au long de l'écriture, avant même d'avoir son accord. Et le film ne se serait pas fait si elle avait dit non.
Le choix des acteurs chinois a été assez évident. Qu Jing Jing
(Danjie, l'amie du fils) est solaire,
magnétique. Son jeu est précis, subtil. Elle ne surjoue pas le drame et est capable d'exprimer des
sensations opposées, passant aisément du rire aux larmes.
Liu Ling Zi, (la logeuse de Liliane), vient du théâtre, j'ai été immédiatement touché par son côté mutin, l'évidence de son jeu dénué d'artifice. Par sa force de caractère, son humour, une trace de l'enfance toujours présente en elle, et qui caractérise aussi la personnalité de Yolande.
Comme les Chinois le disent :
Nous étions également d'accord pour privilégier les lumières indirectes et les faibles éclairages. Pour revenir au découpage, je réfléchis autant à ce qu'il est important de filmer qu'à ce qu'il est important de ne pas filmer. Les personnages ne sont pas toujours dans le plan, ils le traversent, on devine parfois leur présence en hors champ.
Dans la première partie du film, qui se passe en France, nous avons travaillé sur les reflets pour évoquer la dualité du personnage de Liliane, étrangère à elle-même.
L'enjeu profond d'une scène, c'est moins l'évidence de la situation que ce qu'elle laisse deviner des arcanes du récit, comme un fil rouge de l'invisible et des liens entre les personnages.
La musique est peu présente dans le film mais elle intervient à des moments-clés.
Le travail sur le son est lui aussi épuré, narratif et non illustratif.
Oui, le minimalisme de la mise en scène se retrouve dans la musique. Celle du percussionniste
Steve Shehan m'a plu parce qu'elle faisait écho à la sensibilité du film. Par ailleurs, l'essentiel de la musique est "in". C'est grâce à Vesoul de Jacques Brel que Liliane rencontre les amis de son fils. J'aimais l'idée d'entendre tout à coup cette musique européenne dans cette atmosphère très chinoise.
Il agit comme un sous-texte où chaque son est un personnage, pas un figurant. Nous avons construit des "familles de sons" : des sons liquides (pluie, rivière), des sons cristallins (cloches, verres, grelots), des cris d'enfants, des chants d'oiseau qui scandent l'arrière-plan du film. Les chants d'oiseau sont comme une manifestation de Christophe. C'est toute une dramaturgie sonore mais très discrète qui contribue à l'élan vital du film et à son paradoxal goût d'optimisme.
Parce que dans Voyage en Chine , l'épreuve du deuil conduit aussi à aller vers ses rêves et à aller vers la vie.
L'histoire de cette femme aurait de quoi bouleverser. Dès les premières images il est aisé de ressentir la banalité d'une vie sans relief. Une vie d'une grande morosité dans laquelle l'amour n'a plus de place. Cette mère, confrontée au plus horrible des deuils, celui d'un enfant mort dans un accident en Chine, va entreprendre avec l'administration française, quantités de démarches afin de pouvoir récupérer son corps et le rapatrier dans son pays.
Le chemin sera long, difficile, douloureux. Quasi impossible. C'est donc en Chine qu'elle se rendra, un pays dont elle ignore tout, de la géographie, aux us et coutumes, en passant par le taoïsme et bien entendu le langage.
"Cet entremêlement des religions va de soi, il nous suggère une autre façon de voir le monde et d'appréhender la mort." déclare le réalisateur. Effectivement c'est là qu'elle trouvera une aide salutaire et indispensable, une écoute attentive, une compréhension totale.
Le scénario manque de consistance et l'ensemble m'a davantage fait penser à un beau documentaire, qu'à un film qui aurait pu laisser l'émotion déborder. Il n'en est rien.
La photographie est magnifique de bout en bout. Les visages tout d'abord, l'ensemble des paysages de cette région de la Chine tout autant.
Pour son premier long-métrage, Zoltán Mayer favorise une mise en scène qui ne manque pas d'élégance, d'un esthétisme certain, au détriment d'une histoire qui reste trop satinée, sans toutefois tomber dans une banalité excessive.