Genre: érotique-hard, trash, inclassable (interdit aux -18 ans dans sa version intégrale)
Année: 1971
Durée: 1h32 (cut)/ 1h45 (uncut)
L'histoire: Le jeune Zenoff est amoureux de Xenia. Mais celle-ci s'apprête à épouser en grandes pompes le grand maître Yeno, libertin notoire et excentrique. Zenoff décide alors d'empêcher à tout prix ce mariage en se rendant au château, théâtre des futures noces. Là bas, il découvrira un univers de débauche qu'il combattra tout d'abord avant de se laisser emporter par le tourbillon de la dépravation.
La critique:
Bon, là les amis, on tient du lourd. La Philosophie Dans Le Boudoir est un film français, réalisé par Jean Pierre Scandelari, tourné en 1969, mais sorti seulement deux ans plus tard. Très librement adapté des écrits du Marquis de Sade dont les oeuvres originales s'intitulent également Les Instituteurs Immoraux, ce film n'est ni plus ni moins que le plus gros ovni filmique que j'ai jamais vu dans le cinéma français. Et j'en ai vu quelques uns. Mais là, on touche le surréaliste, on frôle le hors normes.
Qui dit Sade dit bien sûr libertinage, tortures et transgressions en tous genres. Rassurez vous, Scandelari applique à la lettre tous ces préceptes et délivre une oeuvre qui colle parfaitement aux thématiques chères au divin Marquis.
En effet, le réalisateur ne fait pas dans la dentelle pour offrir aux spectateurs médusés, un festival quasi ininterrompu de scènes chocs, dont beaucoup outrepassent les frontières de la morale et dont certaines même, flirtent avec l'extrême limite de la légalité. Nous y reviendrons. Scandelari réalise ce film à l'âge de 28 ans. Précoce le bonhomme. Avant cela, quelques pornos insignifiants, un court métrage et après, un film, Macédoine avec Pierre Brasseur, s'il vous plaît.
Et puis, plus rien. La Philosophie Dans Le Boudoir aura donc été le seul film notable de sa carrière. Mais quel film ! Sade 76 (au fait, pourquoi 76 ?) est une oeuvre en tous points mémorable. Une météorite de perversion qui traversa le ciel du cinéma français.
Certes, le Maléfices Pornos (1976) de Éric de Winter va encore (largement) plus loin, mais il a été totalement interdit dans l'hexagone. Je zapperai le casting, les acteurs étant pratiquement tous des amateurs. A moins que les noms de Souchka ou Fred Saint James ne vous disent quelque chose... Prêts pour le feu d'artifice ? Attention spoilers: Le jeune Zenoff a jadis aimé Xenia mais celle ci l'a abandonné pour tomber dans les bras du grand maître Yeno, un noble libertin et excentrique, qu'elle s'apprête à épouser. Afin d'empêcher cette union, Zenoff arrive de nuit au château de l'aristocrate.
Il débarque au beau milieu d'un repas orgiaque où tous les convives sont masqués, grimés et vêtus de façon carnavalesque. Tout d'abord insoumis à son hôte et farouchement déterminé à récupérer sa maîtresse, le jeune homme va peu à peu se laisser submerger par l'atmosphère de luxure qui règne dans le château. Une atmosphère insolite et dépravée, empreinte d'une sexualité exacerbée.
Les fêtes succèdent aux fêtes, les orgies aux orgies, on donne des chasses à courre où des femmes nues servent de gibier, on offre des spectacles où tout le monde peut assister à l'accouplement forcé de filles offertes en cadeaux à une créature monstrueuse mi-homme mi-bête... Toute la communauté est à la recherche perpétuelle du plaisir des sens et ce, par n'importe quel moyen: homosexualité, nécrophilie, zoophilie. Ainsi, à la moitié du film, arrive LA scène choc et immédiatement culte: une femme, allongée sur un lit couvert de poissons morts, se recouvre entièrement le corps de la bave d'un poulpe, avant de s'introduire une truite vivante dans le vagin et de s'en servir comme d'un sex toy !!
Après une courte pause romantique entre Xenia et Zenoff, la deuxième partie du métrage bascule progressivement dans l'horreur et le trash le plus répugnant.
Par exemple, lorsqu'un "artiste" se sert de ses propres excréments pour composer une toile puis, quand il se transforme en tapis de bain humain où chacun s'essuie les pieds. Alors que Zenoff supprime Yeno et qu'il croit reconquérir Xenia, celle-ci devenue tyrannique et sanguinaire, le réduira à l'état d'esclave pour son bon plaisir. Elle fera également punir les renégats qui seront marqués au fer rouge et sévèrement fouettés. Voyeuriste, malsain, impur même, La Philosophie Dans Le Boudoir, c'est la rencontre improbable de Warhol et de Pasolini. Une oeuvre hors du commun où les personnages affichent sans retenue et au grand jour, leurs fantasmes et leur lubricité.
Amateurs de curiosités (et de mauvais goût), jetez-vous sur ce film, vous n'en croirez pas vos yeux. Décors kitschissimes, costumes flashy, ambiance psychédélique, utilisation répétée du kaléidoscope et, cerise sur le gâteau, des acteurs qui se debrouillent assez bien pour des amateurs.
Bref, Scandelari nous en met plein la vue. C'est très rare pour un film underground. Et s'il ne contient aucun passage pornographique, le film n'en demeure pas moins extrêmement choquant avec toutes ces scènes qui flirtent avec l'interdit. Par cette transgression ouverte et déclarée, le réalisateur réussit à faire de La Philosophie Dans Le boudoir, une bacchanale impie, un carnaval hérétique et un spectacle décadent. En somme, tout l'univers de Sade concentré en quatre vingt quinze minutes.
Pour les petits polissons que cela intéresse, sachez que le film en version longue (donc avec la fameuse scène de la truite) est trouvable sous le nom de Sade Story, mais la version censurée pousse déjà très fort. Et pour les plus pressés, une version cut est disponible sur YouTube sous le titre anglophone Beyond Love And Evil. Témoignage d'une époque depuis longtemps révolue, ce film outrancier restera à jamais une énigme.
Comment un tel flot d'images subversives a-t-il bien pu être diffusé dans la France bien pensante et sclérosée de l'immédiat post gaullisme ? Mystère. Mais les années 70 pointent le bout de leur nez et avec elles, leurs moeurs légères et court vêtues. Emmanuelle de Just Jaekin va bouleverser l'ordre établi et imposer un nouveau style libertaire.
Désormais, le sexe s'affiche partout et surtout sur les écrans des cinémas. Jusqu'au début de l'année 1976, les queues de spectateurs (sans mauvais jeu de mots) s'allongeront devant les salles obscures qui proposent non seulement des films érotiques, mais aussi pornographiques. Scandelari était donc en avance sur son temps. Cinq ans avant les gentils déshabillés de Sylvia Kristel, La Philosophie Dans Le Boudoir explosait déjà tous les codes de la bienséance et de la moralité.
Dans l'univers cinématographique français, ce film n'a pas d'équivalent. Près d'un demi siècle plus tard, on reste encore abasourdi devant ces scènes d'une provocation extrême, dont seul le cinéma underground est capable. La Philosophie Dans Le Boudoir, c'est Salo version club échangiste, paillettes et confettis. C'est surtout le film d'une scène incroyablement audacieuse qui aura marqué l'imaginaire de ceux qui l'ont vue, et je parie qu'après avoir lu cette chronique, le prochain poisson que vous dégusterez aura peut-être comme un arrière goût...
Note: ???
Inthemoodforgore