[Contre Critique] Big Eyes réalisé par Tim Burton

Par Kevin Halgand @CineCinephile

Critique par Jess (Twitter : @jess_tchb)

« BIG EYES raconte la scandaleuse histoire vraie de l’une des plus grandes impostures de l’histoire de l’art. À la fin des années 50 et au début des années 60, le peintre Walter Keane a connu un succès phénoménal et révolutionné le commerce de l’art grâce à ses énigmatiques tableaux représentant des enfants malheureux aux yeux immenses. La surprenante et choquante vérité a cependant fini par éclater : ces toiles n’avaient pas été peintes par Walter mais par sa femme, Margaret. L’extraordinaire mensonge des Keane a réussi à duper le monde entier. Le film se concentre sur l’éveil artistique de Margaret, le succès phénoménal de ses tableaux et sa relation tumultueuse avec son mari, qui a connu la gloire en s’attribuant tout le mérite de son travail. »

Le 18 mars est sorti Big Eyes, nouveau film de Tim Burton, et Kevin nous a écrit un bien bel article dessus (voir critique @kev44600). Néanmoins, je ne suis pas tout à fait d’accord avec lui. Malgré quelques appréhensions je suis sorti de la salle conquise.

À la fois adulé (Sleepy Hollow, Edward aux mains d’argent…), puis très critiqué (Alice au pays des merveilles, Dark Shadow…), Tim Burton ne cesse de fasciner. Et malgré les critiques je ne trouve pas qu’il « tourne en rond ». Il est vrai que son cinéma semble moins inspiré ou fascinant que dans les années 80-90, mais le talent reste. Et même si Big Eyes reste le film le plus modeste du réalisateur, Burton a su imposer son style avec justesse. En commençant par ces tableaux d’enfants aux grands yeux, qui font beaucoup penser à certains de ses personnages, comme Jack ou Victor des Noces Funèbres. Ou même les grandes lunettes rondes de Willy Wonka. Les fans du cinéaste retrouveront aussi les maisons d’Edward aux mains d’argent dans cette version fantasmée des sixties dès la scène d’ouverture.

Cette fois le cinéaste n’a pas fait appel à son ami de toujours Johnny Depp, c’est Christoph Waltz qui interprète Walter Keane et qui, à mon gout, est un peu grotesque dans ce rôle (peut être due la VF) quant à Amy Adams elle est très touchante en Margaret. Je ne trouve en aucun cas que Tim Burton « n’arrive pas à faire de cette femme une femme forte ». Margaret reste une femme naïve et douce, mais sa force réside dans le combat d’une femme pour son art et d’une mère pour son enfant. Au début du film, Margaret quitte son premier mari à une époque où ça n’était pas convenable, et passera le film à se heurter à une société où les femmes sont tenues à l’écart autant par leur époux que par la société elle-même. Lorsque Walter Keane affirme que dans les années 60 les artistes femmes ne peuvent pas être prises au sérieux, on peut réaliser à quel point l’effacement des femmes artistes dans l’histoire de l’art est bien réel. Margaret n’a même pas l’autorisation de penser qu’elle a du talent et doit se battre pour ses droits (de femme et d’artiste). Burton arrive à nous faire ressentir la détresse de cette femme soumise à son mari très caractériel, et même à nous émouvoir.

Dans ce film Burton dénonce l’hypocrisie du marché de l’art, des critiques, des propriétaires de galeries, des bourgeois amateurs de tableaux. Sa satire est pleine d’humour. Et la citation d’ouverture donne le ton:

« Je pense que ce que Keane a fait est tout simplement extra. C’est forcément bon. Si c’était mauvais, il n’y aurait pas tant de gens pour aimer ça. » Andy Warhol

Quelques plans sont mémorables, lorsque Margaret voit les passants avec les mêmes yeux que ses tableaux, scène très « burtonienne » et qui fait sourire quand on connait le style du réalisateur ou le plan de l’œil de Christoph Waltz dans le trou de serrure et sa réplique « I can see you » qui fait tout de suite penser au « Here’s Johnny » de Jack Nicholson dans Shining.

Comme on dit, on ne change pas une équipe qui gagne. La musique de Danny Elfman rappelle à l’évidence que nous faisons face à un film signé Tim Burton et non d’un de ses confrères, et un gros coup de cœur pour la chanson « Big Eyes » de Lana Del Rey, très envoutante. Au fond, c’est l’histoire de ce couple qui captive et le réalisateur arrive à imposer son style sans trop en faire, très bien filmé, monté et interprété, Big Eyes prouve à l’évidence que Tim Burton a encore des choses à raconter au cinéma.

Un pur plaisir.