Les Crimes de Snowtown (Serial killer made in Australia)

Par Olivier Walmacq

Genre: drame (interdit aux - 16 ans)
Année: 2011
Durée: 1h55

L'histoire: Jaimie, 16 ans, vit avec sa mère et ses frères dans la banlieue d'une petite ville gangrenée par le chômage et la violence. Son existence va basculer tragiquement lorsque John Bunting fait la connaissance de sa mère et s'introduit dans sa vie. Fasciné par le charisme de cet individu affable et sûr de lui, Jaimie le considère un peu comme le père qu'il n'a jamais eu. Mais l'adolescent va vite se rendre compte que cet homme, sous des dehors sympathiques, est en fait le plus grand criminel que l'Australie ait jamais connu. 

La critique :

A la fin des années 90, la ville de Snowtown, en Australie, fut le théâtre d'un terrible fait divers. Le 20 mai 1999, la police de cette petite bourgade du Queensland, découvrit huit cadavres affreusement mutilés dans les coffres d'une banque désaffectée. Le principal suspect est un homme âgé d'une trentaine d'années, il s'appelle John Bunting. Après un procès retentissant, lui et son complice, Robert Wagner, furent accusés de vingt et un assassinats sur des homosexuels ou supposés l'être.
Les deux hommes seront condamnés à perpétuité. 
Ce sont ces événements que Justin Kurzel a choisi de transposer à l'écran pour son premier film. Et le jeune réalisateur s'en est plutôt bien tiré comme en témoigne le nombre impressionnant de récompenses que Les Crimes de Snowtown a raflé dans son pays d'origine. Malgré un titre français quelque peu trompeur, l'oeuvre de Kurzel n'a pas grand chose à voir avec un film classique de serial killer. Le réalisateur plante son action dans les milieux défavorisés d'une petite ville anonyme, loin de l'Australie "carte postale" des surfeurs bodybuildés.

Snowtown, ça sent la pisse et ça pue la crasse. Le film est avant tout un drame social, une chronique du malheur ordinaire filmée à la limite du documentaire. On flirte, au début en tout cas, avec l'univers d'un Ken Loach mais en beaucoup plus sombre et beaucoup plus violent. Kurzel nous présente sans concession le quotidien de pauvres gens frappés de plein fouet par le chômage et la dépression économique. Dans cette ambiance désespérée, les personnages se réfugient unanimement dans l'alcoolisme. 
Pire encore, certains d'entre eux, aux déviances sexuelles prononcées, pratiquent régulièrement viols et abus sur les adolescents du coin. C'est là qu'intervient le fameux John Bunting... Attention spoilers: Snowtown, petite ville miteuse à une centaine de kilomètres d'Adélaïde. C'est là que Jaimie, un ado de 16 ans, vit avec sa mère et ses trois frères. Entre chômage, désoeuvrement et alcoolisme, Jaimie subit fréquemment des abus sexuels de la part de son beau père et même de son frère aîné.
Le soir, les habitants du quartier se réunissent pour des discussions enflammées sur la société qui, bien souvent, tournent à la beuverie improvisée.

Le petit groupe est bientôt rejoint par un certain John Bunting qui devient le compagnon de la mère de Jaimie. Cet homme, de prime abord aimable et sympathique, va peu à peu s'immiscer dans l'existence de l'adolescent. Et il s'avère que Bunting n'est pas du tout ce qu'il laisse paraître. Très vite, il conditionne le groupe pour débarrasser la ville de tous les pédophiles et homosexuels. 
Avec son acolyte, Robby Wagner, il créé de petites milices qui effectuent des expéditions punitives extrêmement violentes, torturant et exécutant tous ceux dont il condamne l'orientation sexuelle. Progressivement, Bunting exerce une emprise psychologique de plus en plus forte sur l'adolescent au point de prendre totalement le contrôle de sa vie. Il lui inculque sa propre idéologie et teste ses capacités de façon incroyablement brutale. Ainsi, il le forcera à abattre son chien de sang froid. Quand il apprendra que Troy, le frère aîné de Jaimie, a violé son protégé, Bunting le torturera jusqu'à ce que mort s'en suive et fera même participer Jaimie à l'exécution...

Avec Les Crimes de Snowtown, Justin Kurzel signe une première oeuvre tétanisante de réalisme. Ce film est un véritable coup de poing asséné à la face du spectateur. Baigné tout du long par une musique lancinante et hypnotique, Snowtown va vous glacer le sang et laisser une trace indélébile dans votre mémoire. Certaines scènes sont difficilement supportables sans que le réalisateur ait besoin de donner dans le gore outrancier. Et je vous garantis qu'elles risquent de mettre à mal la sensibilité de quelques uns. Snowtownne suit en aucune manière la trame d'un thriller classique en ce sens où il n'y a ni policiers ni enquête. C'est donc bien un drame. 
Drame social avant tout, qui démolit allègrement les clichés largement répandus sur l'Australie que beaucoup d'européens considèrent comme un eldorado. Ici, les gens sont pauvres, sales et dégénérés. Drame humain évidemment, avec le récit de ces meurtres épouvantables et la lente descente aux enfers du jeune Jaimie, fasciné puis totalement manipulé par un criminel à l'intelligence bien au dessus de la moyenne. Bunting est ici incarné de façon extraordinaire par Daniel Henshall qui fait une composition proche de la perfection.

A mon humble avis, son interprétation est à classer dans le top 5 des acteurs ayant personnifié des psychopathes au cinéma. Petit, barbu, rondouillard, cet homme à l'apparence insignifiante révèle une tout autre personnalité lorsqu'il prend la parole pour déverser son idéologie nauséabonde. Évidemment, le film aborde le très sensible sujet de la pédophilie, mais Kurzel est assez adroit pour ne pas tomber dans le piège de la provocation facile. Tout n'est pas parfait, bien sûr. 
Et parmi les petites réserves que je pourrais émettre, il y a le fait que le réalisateur ait totalement occulté le parcours de Bunting. Celui ci débarque trop soudainement, d'on ne sait où, dans la vie de cette famille qui était déjà bien ravagée de l'intérieur. Mais il est vrai que Bunting n'est pas le personnage central du film. Cette histoire est d'abord celle de Jaimie, adolescent martyr qui se fait violer à tour de bras (si j'ose employer cette expression) par les membres de sa propre famille. Avec l'arrivée d'un tel beau père, le jeune homme peut laisser libre cours à toute ses haines accumulées et à cette violence subie qu'il retourne désormais contre les autres.

Les Crimes de Snowtown nous embarque dans une étude quasi sociologique des moeurs d'une communauté où il n'y a plus rien à espérer ni personne à sauver. Le réalisme glaçant de la mise en scène est là pour nous rappeler que nous sommes confrontés à un triste état des lieux et que ces faits se sont réellement déroulés, de nos jours dans un pays dit civilisé. 
Snowtown ne doit surtout pas être considéré comme une oeuvre qui choque pour le plaisir de choquer. Justin Kurzel n'a pas besoin d'en rajouter, l'histoire se suffit à elle même. D'une noirceur absolue, d'une froideur terrifiante, d'une violence traumatisante, Les Crimes de Snowtown ferait passer n'importe quel autre drame pour une gentille comédie. Un film dont on ne sort pas indemne, mais un film à voir de toute urgence. 

Note: 16.5/20

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