« Le Commandant Tommy Egan, pilote de chasse reconverti en pilote de drone, combat douze heures par jour les Talibans derrière sa télécommande, depuis sa base, à Las Vegas. De retour chez lui, il passe l’autre moitié de la journée à se quereller avec sa femme, Molly et ses enfants. Tommy remet cependant sa mission en question. Ne serait-il pas en train de générer davantage de terroristes qu’il n’en extermine ? L’histoire d’un soldat, une épopée lourde de conséquences. »
« Good Kill où la brutalité aride de la guerre à distance »
Cinéaste américain à la carrière prestigieuse, même si une filmographie limitée, Andrew Niccol avait cependant déçu ces derniers temps. Entre un léger passage à vide avec un film de science-fiction au background intéressant, mais au fond conventionnel (Time Out) et un autre film de science-fiction, mais cette fois dans la lignée des « teenage movie » qui sortent chaque année (Les Âmes Vagabondes), le réalisateur de talent revient pour notre plus grand plaisir avec un film qui lui colle à la peau. Retour à la dure réalité au cœur d’un duo de pilote de drones de l’armée américaine avec Good Kill. 18 ans après le très acclamé Bienvenu à Gattaca, le duo Andrew Niccol/Ethan Hawke se forme de nouveau pour un film terre à terre qui met un point d’orgue à ne pas prendre parti pour ou contre les différentes guerres menées par l’armée américaine, tout en entrant dans la tête d’un soldat qui n’est pas au front, mais à l’abri dans un conteneur avec entre ses mains un pouvoir de vie ou de morts.
Il y a quelques années de cela, 10 ans pour être précis, Andrew Niccol scotchait les spectateurs en mettant en lumière les ventes d’armes au travers le monde par le saisissant Lord of War. Encore aujourd’hui, le film est cité comme référence, non pas parce qu’il dénonçait, mais qu’il réussissait à mettre en avant une profession que l’on imaginait comme existante, mais dont on ne savait rien ou presque. Comme l’on dit bien souvent, on ne change pas une équipe qui gagne. Avec Good Kill, on retrouve cette volonté de mettre en avant une profession qui permet de gagner sa vie, mais qui n’est pas des plus simples. Que ce soit sur les lieux de conflits ou dans les grandes métropoles, les drones sont omniprésents et le seront de plus en plus afin de surveiller les moindres faits et gestes de chacun dans le but de protéger et servir la population. Télécommandé à distance, le drone, qu’il soit de surveillance ou armé de missiles, a dans ce dernier cas, le pouvoir d’ôter la vie. Mais est-ce que tuer est la bonne solution ? Est-ce que sacrifier des civils pour atteindre celui que l’on désigne comme un terroriste est valable ? Ce sont quelques-unes des question que posent l’histoire que nous conte ce film, histoire vécue par Tommy Egan, ancien pilote de chasse reconverti en pilote de drone.
Force est de constater que ce film pose les bonnes questions et même s’il n’y répond pas directement dans le but de ne pas prendre directement parti, il laisse au spectateur la libre interprétation de ce qu’il a vu. Romancé comme tout bon film américain tel qu’on le conçoit, Good Kill a la force de tenir en haleine le spectateur sur la durée grâce à un scénario qui ne s’étire pas, mais qui s’appuie sur la psychologie de son protagoniste qui va évoluer en fonction de la répercussion de la difficulté de son métier sur sa vie personnelle. Doté d’une durée « réduite » (une petite 1h40), le long-métrage ne s’essouffle pas et va directement au cœur des problèmes. Avant tout fiction et non documentaire, même si l’histoire intègre une histoire d’amour convenue et prévisible dans son déroulement, celle-ci n’interfère pas avec la reconstitution presque parfaite du métier de pilote de drone. À la fois stressante et épuisante, mais avant tout ennuyante lors des longues phases de surveillance, on découvre cette facette du soldat moderne, sans que lui soit collée une étiquette accrocheuse. Bien décrypté au travers de dialogues soignés et notamment d’un monologue du Lieutenant Colonel Jack Johns, ce métier de l’armée est dévoilé avec la brutalité nécessaire et non pas dans le but de promouvoir le recrutement au sein de l’armée américaine.
Si l’on pouvait regretter de ne pas en savoir plus sur les personnages secondaires, l’arc narratif principal (l’histoire de Tommy Egan, son métier et sa vie personnelle) se suffit à lui même pour mettre en place une problématique et argumenter par l’image sur les différents points sensibles. Minutieux et épuré dans sa mise en scène, le film est suffisamment bien écrit pour ne pas être ennuyant ou redondant. Intéressant sur le plan visuel grâce à un montage dynamique qui joue avec habilité sur le double parallèle entre la précision de la vue subjective du drone et l’oppression dans le conteneur, ainsi que la vie professionnelle et la vie personnelle, Andrew Niccol trouve toujours l’angle de caméra permettant de jouer sur une opposition. Le montage aidant, le spectateur trouve en ce jeu sur l’image, une mise en abime du protagoniste plus appuyée et des oppositions aussi intéressantes à analyser qu’à décrypter. Avec une direction artistique soignée qui exacerbe l’aridité du Nevada et de ce fait la solitude au sein de ce désert du protagoniste, Good Kill est une œuvre cinématographique aussi belle qu’intelligente.
Nécessaire est un mot assez fort pour qualifier un film. Good Kill n’est peut-être pas un film nécessaire, car il n’apporte rien de concret ni une position sur un sujet. Mais c’est un film qui permet de découvrir ou de redécouvrir en toute neutralité l’un des aspects de la guerre les plus difficiles de la guerre. La guerre à distance est de plus en plus présente et avec Good Kill, Andrew Niccol dépeint la vie d’un de ses pilotes dont la difficulté psychologique du métier ne va faire qu’envenimer sa vie dans sa globalité. C’est un film fort dont l’écriture à la fois juste et sans concessions permet de tenir en haleine sur toute sa durée. Porté par une mise en scène épurée, mais soignée ainsi que des interprètes remarquables, Good Kill ne laissera personne de marbre. La guerre à distance telle que vous ne l’avez, pour le moment, jamais vue.