[Critique] Un peu, beaucoup, aveuglement réalisé par Clovis Cornillac

Un-Peu-Beaucoup-Aveuglement

« Lui est inventeur de casse-têtes. Investi corps et âme dans son travail, il ne peut se concentrer que dans le silence. Elle est une pianiste accomplie et ne peut vivre sans musique. Elle doit préparer un concours qui pourrait changer sa vie. Ils vont devoir cohabiter sans se voir… »

« Feel good movie inspiré et créatif qui donne envie d’être le voisin de Mélanie Bernier. »

Présent depuis maintenant 30 ans sur nos écrans, Clovis Cornillac n’est pas un acteur à la filmographie parfaite. Entre films indépendants complètement ratés et films de commandes insipides, voire effarants, cet acteur français agace autant qu’il attise la curiosité. En effet, parmi cette longue filmographie l’on retrouve quelques films qui nous avaient prouvé qu’il était un acteur passionné capable de belles choses. Radiostars, Scorpion, Eden Log, Le Serpent… des films qui ne sont pas parfaits ou même pas bons tout court, mais dans lesquels son interprétation fait mouche grâce à une envie de bien faire. Cette envie, on la retrouve dans ce projet qui se nomme Un peu, beaucoup, aveuglement et qui n’est autre que son premier film en tant que réalisateur. Film qu’il a également co-écrit avec sa compagne Lilou Fogli. Un acteur et donc un cinéphile passionné par le cinéma, par son métier et par la réalisation. Il dit avoir vécu « la plus belle chose possible dans sa vie au cinéma » en passant derrière la caméra et ça se ressent au travers de ce long-métrage.

Un peu, beaucoup, aveuglement raconte l’histoire d’un homme et d’une femme qui vont devoir apprendre à se supporter, car même si ne vivant pas dans le même appartement, leurs appartements partagent une cloison qui laisse passer absolument tous les sons qu’ils produisent dans leur habitation respective. Simple comédie romantique sur le papier, Un peu, beaucoup, aveuglement part avec une bonne note d’intention au préalable grâce à cette belle idée de cloison. Pouvant être interprétée de plusieurs façons possibles, cette cloison va être au centre du film et va permettre à Clovis Cornillac de sortir du carcan formé par les comédies romantiques modernes. Possédant des personnalités opposées, même s’ils ont en commun l’envie d’être seuls une partie de leur temps afin de se ressourcer et assouvir leurs passions respectives, ces personnages vont devoir cohabiter et apprendre à respecter les envies de l’autre. Tel un couple en phase de se former, cette cohabitation sonore va donner lieue à une guerre de voisinage et à des chamailleries afin de savoir lequel aura le dernier mot. Astucieux dans son écriture comme dans ses inspirations, le film va réussir à alterner entre moments de comédie burlesque proche du cartoon sans l’irréalisme du film d’animation et moments de tendresses pures. Grâce à un montage dynamique, le spectateur ne s’ennuie pas une seule seconde et arrive à nouer une relation avec les personnages jusqu’à se demander : « que ferais-je à leur place ? ». A partir du moment où l’identification prend le pas sur l’histoire ou la recherche du détail technique par le spectateur, c’est que le pari du film est réussi. Il réussit à créer une émotion chez le spectateur. Une empathie qui va se proposer jusqu’à la volonté d’avoir une happy end. Le happy end étant un élément conventionnel et sans surprise, mais qui procure son petit effet et qui fait plaisir, car lorsque le spectateur est attaché à un personnage il souhaite le voir heureux et non malheureux.

Au-delà de son écriture qui repose essentiellement sur cette cloison séparatrice, cette dernière permet avant tout à Clovis Cornillac de s’épanouir en tant que metteur en scène et de ce permettre de se focaliser sur peu de décors afin de les soigner et de les faire parler. Au travers des décors et du placement des objets dans les deux appartements, le spectateur identifie les personnages. Deux personnages maniques et organisés, mais avec des différences. Des différences qui peuvent se transformer en complémentarité par le développement de leur relation. Ça manque de subtilité dans le placement des objets ou dans les choix artistiques, mais ça donne du cachet au film et permet de développer les personnalités des personnages. La mise en scène a son mot à dire, mais si les personnages sont si attachants c’est grâce aux excellents. Mélanie Bernier est à la fois tendre, drôle et ravissante. Clovis Cornillac est drôle et forme un duo atypique avec l’excellent Philippe Duquesne. Alors que Lilou Fogli apporte un peu de fraîcheur et de joie de vivre. Un très joli casting qui ne compte pas que des acteurs de renom et ce e n’est pas plus mal. Ce n’en est même que mieux !

Derrière son aspect d’acteur bancable, se trouve en Clovis Cornillac un metteur en scène malin qui a fait un film qui repose intégralement sur l’idée d’avoir un mur entre deux personnages et arrive à jouer avec ce mur en créant deux espaces, puis un seul. Par ses choix de cadres et de mise en scène, il va faire apparaître la cloison pour montrer sa présence, puis va la cacher afin de simplement la suggérer laissant croire à la présence d’un seul espace et non de deux. Ce thème de l’espace qui prend tout son sens au cours d’une scène de repas qui malgré la présence de cette séparation et d’un cadrage frontal (ou légèrement décentré) permet la destruction de ce mur et la réunification des deux appartements. Une des belles idées visuelles dont regorge ce très beau film. Néanmoins, par l’image on peut faire passer beaucoup de choses, mais on peut également le faire par la parole. Et c’est peut-être en prenant davantage en compte ce détail et en jouant moins sur les champs et contre champs que le film aurait pu gagner en intensité et en sous-texte. Ici de beaux choix de cadres, quelques sous-textes par l’image, mais une sous-exploitation du principe de la conversation par mur interposé. La parole n’a que peu d’importance, mis à part la création de conversation et quelques jeux de mots qui permettront d’esquisser quelques sourires.

Feel good movie inspiré et créatif, Un peu, beaucoup, aveuglement fait partie intégrante de ces comédies françaises que l’on se doit de ne pas mettre dans le même panier que toutes les comédies françaises qui prennent le spectateur pour un abrutit. Par son propos de départ, Clovis Cornillac établit un film dans lequel il arrive à faire parler sa créativité scénaristique comme de metteur en scène. A la fois tendre, drôle et touchant, le film oscille avec facilité entre les différents genres pour donner au final une comédie romantique prévisible, mais qui fait du bien et par laquelle il se permet d’effectuer quelques critiques envers notre société telle que l’utilisation abusive de la technologie… Il y avait peut-être encore mieux à faire, mais l’essentiel est là et pour un premier film ça donne envie de voir ce qu’il nous réserve par la suite.

3.5

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