Dernier Oscar du meilleur film en date, Birdman (ou la surprenante vertu de l’ignorance) est un film pour lequel ma prof d’anglais aurait pu prendre comme exemple pour montrer qu’il ne faut pas traduire mot pour mot une phrase en anglais. L’homme-oiseau est un film réalisé par Alejandro González Iñárritu à qui l’on doit 21 grammes ou même le très bon Babel qui est un grand film et non un petit, sinon il se serait appelé Babybel. Mais j’avoue que cette blague est de mauvais goût. Tout comme mon introduction où vous me direz que c’est incohérent car le titre exact du film est ‘Birdman or (The Unexpected Virtue of Ignorance)’ donc bien traduit en français.
Bref. Birdman raconte l’histoire de l’acteur Riggan Thomson qui est connu pour avoir incarné le célèbre super-héros Birdman et qui va monter une pièce de théâtre à Broadway dans l’espoir de revenir au-devant de la scène et, en quelque sorte, retrouver la gloire qu’il a connue avec le rôle de l’oiseau. Réunissant Michael Keaton, Emma Stone, Naomi Watts, Zack Galifianakis et Edward Norton, ce casting solide permet au film de ne pas battre de l’aile pendant 1h40.
Alejandro a pris le pari de filmer le film en un seul plan séquence. Ce pari a déjà été pris par le maître Hitchcock qui, avec sa corde, a voulu le rendre en un seul plan. Malheureusement, les techniques de l’époque n’ont pas pu assouvir le désir d’Alfred. Les subterfuges permettant à Hitchcock de passer d’une pellicule à une autre sont visibles, il tire sur la corde et, au final, il fausse son idée de départ. Mais cela ne lui empêche pas de la tenir auprès des autres réalisateurs car, comme on le sait, il en avait plus d’une à son arc. Cessons de jouer avec les mots et parlons de ce pari d’Alejandro. Vouloir filmer en un seul plan séquence est synonyme d’audace, d’assurance et d’un certain culot. Et puis, en osant ce plan, on touche ma petite et sensible corde.
Car oui, le plan séquence demande une chorégraphie millimétrée de la part des acteurs au niveau de leur dialogue, de leur déplacement spatio-temporel. En même temps, la caméra doit elle aussi travailler ses mouvements et filmer au bon moment tout en gardant un œil sur les différents acteurs qui jouent sur les planches. Grâce aux trucages techniques, les différents plans séquences de Birdman sont raccordés et reliés en un seul plan.
Mais au final, que vaut cet Oscar du meilleur film ?
Doté d’une prouesse technique imparable, Birdman filme de façon énergique les envolées théâtrales de chaque acteur qui respire la performance artistique à chaque image. La dynamique de la mise en scène et donc de ce plan séquence permet au spectateur de s’immerger complètement dans l’histoire et de participer au coup de gueule des personnages. On a vraiment l’impression d’être dans un de ces repas de familles où papa et maman s’engueulent à cause du tonton trop bourré et qui tient des propos polémiques.
Iñárritu bouge sa caméra de façon logique aux différents évènements de l’histoire, il l’arrête dans les moments les plus sensibles sans pour autant perdre cette dynamique assurant un rythme effréné entre les divers actes du film. On aurait pu prendre peur que le film se brûle les ailes avec son seul plan mais, au contraire, il vole de ses propres ailes quand il explore la psychologie fragile de Riggan Thomson.
Michael Keaton alias Julien Lepers interprète ce personnage avec brio et avec cette complexité propre à Riggan. La caméra transpose parfaitement son état d’esprit jouant entre la schizophrénie, la paranoïa et la dépression et, en plus, joué par Keaton qui étonne toujours. Les couleurs sombres autour de Riggan symbolisent sa conscience, sa vision de la situation. De plus, son caractère autoritaire et perfectionniste se mélange avec les mouvements de la caméra dynamique qui vole autour de lui et des autres personnages pour montrer qu’il a besoin de tout contrôler.
On peut tout de même reprocher la faiblesse de l’histoire qui ne propose qu’une succession de querelles entre les différents acteurs de la pièce de théâtre ou bien entre Riggan et sa fille. Notons aussi le reste du casting qui est un des points forts du film. La performance d’Emma est à souligner une nouvelle fois, interprétant une fille désunie face à la descente psychologique de son père et du monde qui est stone. Loin d’être un antivirus au film, Edward Norton excelle dans son rôle extraverti, déjanté et fou et s’impose comme le meilleur second rôle.
Iñárritu réalise ici un film d’une qualité et d’une maîtrise imparable. Chaque plan, chaque mouvement de la caméra est pensé par rapport à ses personnages, à leurs sentiments, à leurs psychologies et aux situations qui s’enchaînent. Birdman a eu 4 oscars dont meilleur réalisateur et meilleur film.
Il ne les a pas volés.
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