Fausse piste.
Prince du petit écran devenu roi du box-office, Will Smith se découvrit simple mortel lorsque M. Night Shyamalan, autre divinité dans le creux de la vague, le fit redescendre sur Terre. Plus qu’une faillite financière, After Earth signa surtout, pour lui, la fin d’une époque, celle où il parvenait à garantir le succès d’une œuvre sur son seul nom. La chute de ce dieu fut spectaculaire, violente, rude. Elle le brisa, dans son amour propre, parce qu’il y a découvert la nocuité de cette religion du succès, cage dorée dans laquelle il avait enfermé son ego, parce qu’il est également celui par qui les ailes de son ange, Jaden, avec lequel il souhaitait pourtant partager son héritage, seront coupées. Désormais un homme nouveau, cherchant davantage les rencontres artistiques qu’a attirer, seul, la lumière des projecteurs, il se joint à la Diversion échafaudée par Glenn Ficara et John Requa. Ayant fait de l’imposture sentimentale et de l’arnaque pécuniaire leur spécialité (cf. I Love You Phillip Morris et Crazy Stupid Love), les deux cinéastes entrainent la star dans un jeu de séduction, partition qu’il connait que trop bien, en lui taillant le costume d’un as de l’escroquerie au cœur tendre qui s’éprend secrètement d’une jeune et belle pickpocket (Margot Robbie, solaire). Le film, palais dans lequel ces deux muses, glissés dans leurs luxueuses toilettes, rayonnent, vitrine où trainent les effluves de ces appétissant mannequins que se plait à faire défiler ce type d’établissement feutré, porte finalement la robe de ces dizaines de romances aux reflets cauteleux produits sur les métiers des ateliers hollywoodiens depuis une quinzaine d’année. Tout l’art de cette illusion est alors de nous laisser croire à un au-delà, dissimulé derrière ces apparentes dorures. La mise en scène, aussi discrète soit-elle, se montre ainsi douée d’intelligence pour aiguiser les attentes, cherchant constamment, dans son esthétisme, le trompe l’œil, s’appliquant subtilement et régulièrement à brouiller la lecture de ses scènes et de la composition de son cadre, devenant le support parfait à cette exploration de la face caché de ce bel oiseau si sincèrement campé par Will Smith. Mais à l’arrivée, la superficialité et la prévisibilité d’un récit qui ne parvient jamais à sublimer ses intentions par le dialogue et la dramatisation finissent par ternir ce coup de bluff qui restera, malheureusement, sans lendemain. (2.5/5)
Focus (États-Unis, 2015). Durée : 1h45. Réalisation : Glenn Ficarra, John Requa. Scénario : Glenn Ficarra, John Requa. Image : Xavier Grobet. Montage : Jan Kovac. Musique : Nick Urata. Distribution : Will Smith (Nicky), Margot Robbie (Jess), Adrian Martinez (Farhad), Rodrigo Santoro (Garriga), Gerald McRaney (Owens), BD Wong (Liyuan), Brennan Brown (Horst), Robert Taylor (McEwen).