Après une 67ème édition qui avait suscité quelques débats quant à la faible représentativité des femmes cinéastes au sein de la sélection officielle, les organisateurs du Festival de Cannes ont clairement souhaité changer la donne pour ce cru 2015, comme en atteste la cérémonie d’ouverture, qui s’est tenue hier soir.
Si c’est un homme qui a été choisi pour animer la cérémonie, en la personne du toujours très élégant Lambert Wilson, son long discours inaugural n’a eu de cesse de mettre en avant les femmes oeuvrant pour la pérennité du septième art, les productrices, les actrices, les réalisatrices…
Lambert Wilson a commencé par inviter les festivaliers à se prêter à une petite expérience : fermer les yeux et penser à la première image qu’évoque le festival. Le résultat fut sans appel. Quand on pense à Cannes, on imagine une silhouette ou un visage d’actrice, de starlette, de réalisatrice, on a la réminiscence d’un parfum de femme.
On pense à Jane Campion, présidente du jury l’an passé, à Agnès Varda, qui recevra une Palme d’Or d’honneur pour l’ensemble de sa carrière à la fin de la manifestation, à Catherine Deneuve, présente cette année encore sur la Croisette pour défendre le film d’ouverture, mais aussi à Ingrid Bergman, dont le sourire illumine l’affiche de cette 68ème édition.
Bref, comme l’a conclu le maître de cérémonie,“Cannes est une femme”. Le Cinéma aussi, puisque “lorsque l’on ferme les yeux et que l’on pense au Cinéma, nos pupilles restent accrochées aux cils d’une actrice”. Jolie formule…
Lambert Wilson a rappelé que la douceur des femmes est, aujourd’hui plus que jamais, un rempart contre la barbarie, un symbole d’Amour qui s’oppose à la vague de violence et d’intolérance qui a frappé la planète au cours des derniers mois. Il s’est ensuite lancé dans un vibrant plaidoyer en faveur des droits des femmes, trop souvent bafoués. Dans certains pays, elles sont battues, violées, asservies aux hommes. On veut les cacher, les laisser dans l’ombre. Le cinéma, au contraire, cherche à les mettre dans la lumière. Et le festival entend bien leur offrir toute la place qu’elles méritent.
Fort logiquement, après tant de louanges à l’égard de la gent féminine, c’est à une femme qu’est revenu l’honneur de déclarer ouverte cette soixante-huitième édition. Julianne Moore est venue recevoir sur scène son prix d’interprétation féminine remporté l’an passé pour Map to the stars et en a profité pour lancer officiellement les festivités.
La cérémonie a été également l’occasion de rendre hommage aux origines du cinématographe, et notamment aux Frères Lumière, qui filmèrent, il y a 120 ans, la sortie de leurs usines, à Lyon, réalisant ainsi le tout premier film de l’histoire du cinéma.
Elle s’est poursuivie avec un ballet aussi élégant que vertigineux, chorégraphié par Benjamin Millepied sur la musique que Bernard Hermann composa pour le Vertigo d’Alfred Hitchcock.
Enfin, Lambert Wilson a présenté le jury, ironisant sur l’opportunité de confier le jury à deux présidents, Ethan et Joel Coen : “Deux présidents, cela fait deux suites à l’hôtel, double ration de petits déjeuners… En temps de crise, peut-on vraiment se le permettre? Heureusement que Madame Coen n’a pas eu des triplés…”. Cela n’a pas empêché l’assistance de réserver un triomphe aux deux frangins, habitués de la Croisette et de la compétition officielle.
La soirée s’est achevée avec la projection du film d’ouverture. Un film réalisé par… une femme, évidemment : Emmanuelle Bercot.
Force est de constater qu’elle s’en sort bien mieux que les deux cinéastes masculins qui l’ont précédée en ouverture du festival (Baz Luhrmann et Olivier Dahan).
Sa Tête haute est une oeuvre sensible et forte qui fait honneur à notre cinéma hexagonal.
(lire notre critique).
Bref, cette édition 2015 commence sous les meilleurs auspices, et on a hâte de découvrir la suite des festivités…