Le Festival de Cannes est une formidable tribune pour les cinéastes originaux, qui aiment expérimenter de nouvelles formes d’écriture ou de mise en scène.
La preuve avec les deux films en compétition du jour,The Lobster et Le Fils de Saul.
Le premier se distingue par le fond. C’est une fable d’anticipation époustouflante, entre comédie et drame, romance et science-fiction, qui offre différents niveaux de lecture aux spectateurs. On peut y voir une réflexion sur la difficulté d’aimer dans un univers de plus en plus étouffant et formaté ou une critique féroce des systèmes économiques et politiques qui gouvernent le monde depuis plus d’un siècle.
Le second se distingue par la forme, de longs plan-séquences qui collent de très près le personnage principal, presque en vue à la première personne, et nous plongent en même temps que lui dans l’horreur d’un camp de concentration. Un parti-pris de mise en scène très fort, qui a bien évidemment fait débat sur la Croisette, comme à chaque fois qu’un cinéaste décide de réaliser un film sur ce sujet ultra-sensible.
Les deux films ont fortement divisé les festivaliers. Certains adorent, crient au génie absolu. D’autres détestent et parlent d’impostures, de films de petits malins. Chez nous, on apprécie les deux films, à des degrés différents, et on applaudit l’audace de leurs réalisateurs.
Il y a eu moins de surprises avec le nouveau film de Woody Allen, L’Homme irrationnel, présenté en sélection officielle, hors compétition.
Il s’agit d’une nouvelle variation sur les thèmes dostoïevskiens chers au cinéaste newyorkais. Une histoire de crime et de châtiment dans laquelle s’affrontent avec délice Joaquin Phoenix et Emma Stone. Rien de bien nouveau au niveau du scénario, donc, ce qui ne l’empêche pas de parfaitement tenir la route. Et rien de neuf non plus dans la façon de filmer, qui porte indéniablement l’ADN cinématographique de Woody Allen. Ou plutôt si. Pour une fois, le générique de début ne contient pas du tout de musique. Elle ne surgit qu’après, avec une chanson qui reviendra en boucle pendant tout le film, pour mieux symboliser l’esprit malade du personnage principal, un prof de philosophie dépressif qui ne va reprendre goût à la vie qu’en commettant un meurtre.
On reste dans le cinéma étonnant avec Hrutar de Grimur Hakonarson, présenté à Un Certain Regard. Il s’agit d’un drôle de drame islandais qui a pour cadre un petit village de bergers. Après un concours agricole, les services vétérinaires découvrent que plusieurs troupeaux sont frappés par la tremblante du mouton et que toutes les bêtes de la vallée doivent être abattues. Cela ravive les querelles entre deux frères, voisins et rivaux, qui ne se parlent plus depuis des années.
On ne sait pas si les deux autres films présentés aujourd’hui dans la même section, The Shameless et Chauthi Koot étaient aussi surprenants, mais ils devaient être en tout cas aussi dépaysants, le premier se déroulant en Corée du Sud et le second en Inde.
Dans les sections parallèles, les festivaliers ont également pu découvrir Paulina de Santiago Mitre, à la Semaine de la Critique, ainsi que le long-métrage de Ciro Guerra, El Abrazo de la serpiente, et Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin, qui a été très applaudi à la Quinzaine des réalisateurs.