Première standing ovation au Théâtre Lumière. Mia madre de Nanni Moretti a reçu huit minutes d’applaudissements nourris lors de sa projection officielle. Il faut dire qu’avec ce mélange de comédie irrésistible et de drame poignant, d’éléments intimes et de sujets universels, le cinéaste italien avait mis tous les atouts de son côté pour séduire la Croisette. Surtout si on ajoute à cela la performance sensible de Margherita Buy, formidable en alter-ego féminin du cinéaste, et le numéro de cabotinage génial de John Turturro dans le rôle d’un acteur américain déjanté.
Le film tourne autour d’une réalisatrice quinquagénaire en pleine tourmente, qui doit faire face à la fois à un tournage compliqué et à la fin de vie de sa mère. Elle qui a l’habitude de tout contrôler est soudain obligée de lâcher prise, et le choc est douloureux.
Premiers sifflets de la compétition, également, pour The Sea of trees de Gus Van Sant. Mérités? Oui et non. Ce n’est clairement pas un grand film, mais ce n’est pas la pire des purges jamais projetée sur les écrans cannois. Le problème vient de la différence entre les attentes que le film et son titre poétique avaient suscitées et le résultat à l’écran. On peut raisonnablement se demander si le Gus Van Sant qui avait triomphé jadis avec son brillantissime Elephant et celui qui a signé ce mélodrame confondant de mièvrerie et de naïveté sont bien le même homme. Hors compétition et réalisé par quelqu’un d’autre, les festivaliers auraient peut-être été moins enclins à huer le film. La réaction est juste à la hauteur de la déception.
Si cela peut consoler le cinéaste, un mauvais accueil critique et public n’hypothèque en rien ses chances dans la course à la Palme d’Or. Et il se sentira moins seul en apprenant que Maryland, d’Alice Winocour, présenté à Un Certain Regard, a également suscité un profond rejet de la part des festivaliers.
Première séance de minuit, enfin, avec la projection de Amy, l’excellent documentaire qu’Asif Kapadia a consacré Amy Winehouse. Le cinéaste réussit, à l’aide d’un gros travail de recherches d’images d’archives, à retracer l’ascension fulgurante et la chute tout aussi impressionnante de la chanteuse, décédée en 2011 après plusieurs années de comportement erratique et autodestructeur. Il montre surtout à quel point les textes écrits par la jeune femme exprimaient son mal-être, son incapacité à gérer la célébrité et la présence permanente des paparazzi, et les hauts et les bas de sa relation amoureuse tumultueuse avec son conjoint Blake Fielder.
Le film réhabilite totalement l’image de la chanteuse, qui avait été ternie par ses frasques, ses excès et les parodies de concerts qu’elle avait données les mois précédant sa mort. Il met en avant le talent d’une jeune artiste hors normes, vivant par et pour la musique, une chanteuse de jazz qui voulait jouer sa musique dans des petites salles, devant un public de connaisseurs, mais qui s’est retrouvée du jour au lendemain propulsée superstar planétaire de la chanson pop, se brûlant les ailes au passage.