“Votre vol aller pour le Japon est bien enregistré”, confirme l’hôtesse. “Voulez vous réserver tout de suite votre vol de retour?”. Non, Arthur Brennan (Matthew McConaughey) ne veut pas prendre de billet retour. Et pour cause : il se rend au Japon pour mettre fin à ses jours. Il a trouvé l’endroit idéal pour cela, la forêt Aokigahara, au pied du Mont Fuji. Un endroit où de nombreuses personnes viennent chaque année se suicider. Des panneaux tentent bien de dissuader les promeneurs de commettre l’irréparable, mais généralement, ceux qui ont fait l’effort d’arriver jusque là ne se dégonflent pas si facilement que cela.
Pourtant, alors qu’Arthur est en train d’avaler les premières gélules de somnifère censées le plonger dans le sommeil éternel, il entend un homme appeler à l’aide. Il s’appelle Takumi Nakamura (Ken Watanabe) et a visiblement raté sa tentative de suicide. Il ne demande qu’à sortir de la forêt au plus vite, mais est trop confus pour retrouver son chemin. Arthur décide de l’aider à retrouver le sentier. Une bonne action avant de se donner la mort, cela ne peut pas faire de mal. Mais retrouver son chemin dans cette “mer d’arbres” n’est pas si simple.
Plus les deux hommes pensent s’approcher de la sortie, plus ils s’enfoncent au coeur de la forêt. Au cours de ce périple, Arthur se remémore la suite d’évènements qui l’ont mené jusque là, et notamment les relations compliquées avec son épouse, Joan (Naomi Watts)…
Au vu du sujet et de la filmographie de Gus Van Sant, on s’attendait à une oeuvre d’errance contemplative dans l’esprit de Gerry ou à une oeuvre poétique et funèbre comme Restless. Raté! La Forêt des songes est un mélodrame confondant de mièvrerie, maladroit, mal écrit et mal rythmé, qui réussira probablement à tirer les larmes de quelques desperate housewives peu regardantes sur la qualité du film, mais laissera de marbre les cinéphiles purs et durs.
On en vient à se demander si le Gus Van Sant de La Forêt des songes ne serait pas un homonyme du brillant réalisateur de Elephant et Paranoid park, tant l’oeuvre tranche avec le reste de sa filmographie. Bien sûr, on se rappelle que Van Sant a connu une phase plus “mainstream”, plus grand public, après le succès de Will Hunting, mais même à l’époque, il n’avait jamais signé de long-métrage aussi anecdotique et plat.
Comment peut-il oser présenter un film pareil en compétition à Cannes ? Pour donner une idée sommaire de l’ampleur des dégâts, disons que c’est comme si La Forêt de Mogari de Naomi Kawase, avait été revu et corrigé par un scénariste hollywoodien maniaco-dépressif. La dernière demi-heure du film est particulièrement embarrassante, car le cinéaste ne nous épargne aucun cliché narratif, aucune idée scénaristique foireuse, versant dans le merveilleux de pacotille ou dans le mysticisme de bazar, assénant sa morale religieuse avec la grâce d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Restons mesurés, La Forêt des songes n’est pas le plus épouvantable nanar de l’année. Même raté, même bâclé, il reste bien plus convaincants que la plupart des films sortis cette année. Tout n’est pas à jeter. Le film est correctement filmé et monté, s’appuie sur des performances d’acteurs solides, même si ces derniers n’ont pas grand chose à défendre. Et si nous sommes restés interloqués devant la naïveté du spectateur, il n’est pas certain que le grand public partage notre avis…
Si le rejet est aussi violent de la part de la presse, française comme internationale, c’est que le film est très différent de ce qu’ils espéraient voir de la part d’un cinéaste comme Van Sant, et que son niveau est indigne de la compétition cannoise.
Souhaitons que ce film ne soit pas récompensé lors de la cérémonie de clôture, dimanche prochain, sinon la forêt Aokigahara risque bien de voir débarquer des centaines de journalistes au bout du rouleau…