« À 51 ans, après 20 mois de chômage, Thierry commence un nouveau travail qui le met bientôt face à un dilemme moral. Pour garder son emploi, peut-il tout accepter ? »
« Plongée objective et sans concessions au cœur de notre société auprès d’un Vincent Lindon épatant. »
Réalisateur de deux longs-métrages qui comportaient déjà Vincent Lindon dans le rôle principal, Stéphane Brizé réalise ici le film qui pourrait lui permettre d’accentuer la reconnaissance du public, mais avant tout celui des professionnels. Déjà reconnu par un certain publique après avoir réalisé Mademoiselle Chambon ou encore Quelques Heures de Printemps, c’est avec La Loi du Marché qu’il atteint le Festival de Cannes et la sélection en compétition officielle dans l’un des festivals les plus prestigieux au monde. Ça semble anecdotique, mais La Loi du Marché à l’allure d’un film qui a le potentiel d’être primé et pour lequel la simple sélection peut permettre de voir son public s’élargir. Puisque oui, La Loi du Marché n’a pas l’allure du grand film de cinéma comme on peut en voir chaque mois ou encore dernièrement avec Mad Max: Fury Road. C’est le genre de film qui n’est pas certain de trouver son public lors de sa sortie salles, mais qui mérite la reconnaissance, malgré un parti pris qui en laissera certain dubitatif.
Pour La Loi du Marché, Stéphane Brizé s’aventure hors des sentiers battus et s’oriente vers un projet relevant énormément du travail de documentariste sans pour autant abandonner toute idée de mise en scène. Bien au contraire. La mise en scène est ici au service du propos. Loin du cinéma humaniste et plein d’espoir tel qu’on le conçoit aisément, ce long-métrage immerge le spectateur auprès d’un homme pour lequel la société n’a plus grand-chose à offrir, mais qui ne va pas attendre d’elle pour tenter de s’ouvrir un nouvel avenir. L’histoire d’un homme qui a une famille, qui fait tout pour elle, mais pour lequel il va être difficile de concevoir que la société dans laquelle il évolue n’est plus la même que celle qu’il connaissait avant de perdre son travail. Avec son titre évocateur, La Loi du Marché donne un regard sur la société telle que nous la subissons et la formons actuellement. Nous vivons dans une société qui se traine, une société qui se regarde le nombril et dans laquelle il faut se battre pour survivre. C’est ce qu’on appelle : la loi du plus fort. Ce n’est pas l’image que l’on souhaite avoir de sa société, mais c’est notre société de tous les jours et c’est la société qui est dépeinte dans le long-métrage.
Laissant de côté la recherche du cadre parfait au profit d’une utilisation constante de caméra à l’épaule renforçant l’immersion et le focus sur les protagonistes, La Loi du Marché est un film intelligent dans son écriture puisqu’il observe, mais ne juge à aucun moment que ce soit les personnages ou la société elle-même. Débutant dans un bureau de chez Pole Emploi, le film va enchaîner les tableaux avec comme seul point d’accord Thierry, le personnage principal. Doté simplement d’un prénom et n’ayant pas de nom de famille prédéfini, permettant plus aisément l’identification entre lui et le spectateur, cet antihéros va être confronté à la société, ainsi qu’à ceux qui font vivre cette société. Demandeurs d’emplois ou employés, chacun vit sa vie sans se soucier de la vie des autres. Par le biais d’une mise en scène soignée et d’une utilisation harmonieuse de longs silences qui coïncident avec des mises au point sur le protagoniste, le film met en évidence l’humanisme de Thierry et son incompréhension de la société dans laquelle il évolue. Les silences valent mieux que de longues paroles dans ce film et grâce au jeu sensible et humain de Vincent Lindon, également doté d’une répartie immédiate qui nourrie et enrichie le propos, le réalisateur peut s’appuyer sur lui pour faire passer des émotions et offrir au film une tout autre dimension. Une dimension émotionnelle, car même si le personnage reste impassible et ne cherche pas à réagir avec violence, des regards fuyants et silences en disent long sur ses ressentiments vis-à-vis de ce qu’il voit et est contraint de faire pour pouvoir gagner sa vie et survivre.
À mi-chemin entre le documentaire et la fiction, La Loi du Marché emprunte au premier son regard sur le monde, ainsi que son aspect visuel recherchant avant tout le réalisme et au second, sa mise en scène travaillée. Faisant écho à la vie de chacun, le long-métrage parle à beaucoup et réussi à outrepasser son aspect visuel totalement délaissé au profit de messages justes et objectifs sur notre société et l’homme tel qu’il est vraiment. La société est à l’image de l’homme, nombriliste et cherchant avant tout sa propre survie. Une plongée dans notre société auprès d’un homme qui croit la connaître, avec lequel on va vivre des moments de joie, comme des moments de doute. Une plongée humaine et objective sur notre monde qui n’est pas si beau que ça, mais qui n’est pas encore totalement mort. Comme nous le porte à croire Thierry, interprété avec brio par un Vincent Lindon qui se donne corps et âme et fait vivre le personnage comme rarement un acteur ne le fait.