Gone girl : le mariage, un processus d’autodestruction ?

Par Amandine97430
(Source:http://www.livredepoche.com)

De: Gillian Flynn

Genre: Z’histoire komela

Baizman dans la cour Patel / Gazé / Moin lé fou dou.

Résumé: Amy et Nick forment en apparence un couple modèle. Victimes de la crise financière, ils ont quitté Manhattan pour s’installer dans le Missouri. Un jour, Amy disparaît et leur maison est saccagée. L’enquête policière prend vite une tournure inattendue : petits secrets entre époux et trahisons sans importance de la vie conjugale font de Nick le suspect idéal. Alors qu’il essaie lui aussi de retrouver Amy, il découvre qu’elle dissimulait beaucoup de choses, certaines sans gravité, d’autres plus inquiétantes.

Possibles Spoilers

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Après avoir vu la bande annonce du film de David Fincher, je soupçonnais quelque chose qui s’est révélé exact. Merci à Agatha Christie, Maurice Leblanc et Esprits Criminels sans doute. J’ai beaucoup hésité entre voir l’œuvre cinématographique et lire le roman. Ceci dit, j’ai opté pour la lecture car bien souvent c’est le plus réussi. Ben Affleck et Rosamund Pike se superposent facilement lors de la lecture car ils sont taillés pour les rôles qu’ils leur ont été attribués.

Il y a une différence entre aimer vraiment quelqu’un et aimer l’idée qu’on se fait de quelqu’un.

( Gone Girl, Gillian Flynn)

J’ai été capturée dés la première page de Gone Girl grâce à un rythme haletant et une histoire passionnante. Ceci dit, ce fut quelque peu épuisant et parfois même, malsain d’être plongé ainsi dans la tête de Nick et d’Amy quotidiennement. Même une fois le livre fermé pendant une pause, il m’était difficile de me détacher d’eux comme si au final l’histoire ne s’arrêtait pas et que j’en faisais partie moi aussi.

Bien loin d’être un roman policier, ce livre malgré son titre est un roman qui parle des Hommes. En effet, il propose une  » belle » réflexion sur le mariage ou tout du moins, l’idée que nous nous en faisons. Sur la façon qu’on voit l’autre, sur notre capacité ou incapacité à voir l’autre tel qu’il est véritablement. A la place, on se berce d’illusions, on fait des projections sur la personne qui dort à nos côtés. On croit que l’autre est celui qui nous sauvera de nos névroses, de nos blessures, des nos handicaps émotionnels et familiaux. Alors que la seule personne qui puisse le faire c’est nous-même.

Il y a aussi le poids de la société, la pression sociale qui fait qu’on a toujours besoin d’entrer dans le moule pour se sentir en sécurité. A aucun moment, être soi-même être honnête ne vient à l’esprit d’Amy ou de Nick car il y a les jugements, le regard des autres. Et aussi, cette crainte perpétuelle de ne pas être aimé des autres; et de les décevoir également. Alors, on se protège comme on peut à coup de mensonges et de sourires forcés pour sauver les apparences. Tout n’est que rôle donc, n’est-ce pas un certain et brillant Shakespeare qui disait que le monde était un théâtre et les gens des acteurs? Peut-être que chaque acte ou l’acte ultime dévoilera une leçon existentielle pour les personnages; et peut-être, pour le lecteur qui sait.

Le monde entier est un théâtre, Et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs. Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles.

(William Shakespeare)

Tout le monde a des attentes, des besoins mais certains plus que d’autres. Par exemple, Amy a un fort désir de changer l’autre, de le modeler à son image et à l’image qu’elle se fait de ce que doit être un homme. Ce n’est d’ailleurs pas sans rappeler le personnage de Scarlett Johanson dans Don Jon lorsque cette dernière fait une scène à JGL parce qu’il adore nettoyer son appartement. Tout comme Amy, la demoiselle veut un mec, un vrai genre le héros à cheval qui vient en détresse à une demoiselle éplorée. Cette dernière quant à elle, est méga cool (ou sensée l’être), belle et doit tout accepter. La faute à qui? La société, la télévision et les tests féminins sans oublier les stéréotypes. Finalement, il y a tellement de pression de volonté de ne pas connaitre l’autre et de l’aimer tel qu’il est que c’est navrant; et dans un sens, dramatique.

Je parlais plus haut de télé, parlons-en. Parlons-en de ces pseudos journalistes qui mettent au pilori Nick tout simplement parce qu’il n’arrive pas à montrer ses émotions. Ce n’est pas sans rappeler l’extrême rapidité avec laquelle on avait accuser Meursault tout simplement parce qu’il n’avait pas pleuré à l’enterrement de sa mère. Et, que dire de Ben dans Secrets and lies? Des médias donc qui ne s’intéressent qu’à l’image, au sensationnel sans jamais aller plus loin que ce qu’il voit, des apparences donc. Voilà en quoi, ce livre est si intéressant car il est si représentatif de notre époque, de notre société. L’idée est d’ailleurs dérangeante car on aura beau se dire qu’on est ni Nick ni Amy mais à des degrés divers et variés, on l’est et c’est tout sauf plaisant de le reconnaitre.

Les médias ont saturé l’univers juridique . Avec Internet , Facebook , YouTube , les jurys impartiaux , ça n’existe plus . On ne part jamais de zéro . 80 , 90 % d’une affaire se décide avant même d’entrer dans une salle d’audience .

( Gone Girl, Gillian Flynn)

J’aurai pu continuer sur cette route élogieuse mais le final a couté deux points à ma note de départ. J’aurai préféré 100 pages de plus pour vraiment avoir quelque chose de soigné et de crédible. On aurait eu droit à une vraie conclusion mais surtout à une maitrise qui avait caractérisé tout le reste de l’intrigue. A la place, on a du rocambolesque et j’ai presque envie de dire, du grotesque indigne de Nick et d’Amy. Là, on est plus proche de l’affaire Ashley Abbot et de Victor Newman pour ne pas dire plus ( oui, je sais j’ai d’excellentes références télévisuelles!).

Je suis pas détective certes mais quand même; il y a beaucoup d’incohérences et des petits détails qui auraient fait frémir la moustache de notre ami british préféré, Mr Hercule Poirot. Par ailleurs, il y a aussi un gros problème de rythme dans la dernière partie du roman. Ça s’enchaine qu’importe si le fond est plausible, il faut finir un point c’est tout.  Est-ce que je dis ça parce que le gagnant de l’histoire n’est pas une figure habituelle? Peut-être que oui peut-être que non.

A mi chemin entre The Game et La guerre des Roses, Les apparences dressent le portrait saisissant d’un homme et d’une femme englués dans leurs mensonges. Mensonges accentués par la désillusion conjugale et la récession. Pire qu’un livre d’Agatha Christie; et pour une fois, tout le monde est coupable.

18 SUR 20