[Critique] Tomorrowland réalisé par Brad Bird

A-La-poursuite-de-demain

« Casey, une adolescente brillante et optimiste, douée d’une grande curiosité scientifique et Frank, un homme qui fut autrefois un jeune inventeur de génie avant de perdre ses illusions, s’embarquent pour une périlleuse mission. Leur but : découvrir les secrets d’un lieu mystérieux du nom de Tomorrowland, un endroit situé quelque part dans le temps et l’espace, qui ne semble exister que dans leur mémoire commune… Ce qu’ils y feront changera à jamais la face du monde… et leur propre destin ! »

[Attention, cette critique contient des spoilers]

Tomorrowland. Derrière ce mot plein de promesses, se cachent de nombreuses significations. Le premier parc Disneyland aux USA. Un épisode de Mad Men. Un festival belge qui fait rêver la majorité des amateurs d’électro. Le nouveau film de Brad Bird, génie au talent rarement contesté,  peu connu du grand public mais aux projets qui font partis des plus alléchants à Hollywood. Et aujourd’hui, l’un d’eux est enfin arrivé sur nos écrans. Après une longue et rude attente. Alors que vaut, finalement, le nouveau morceau de ciné de Brad Bird?

Tout d’abord, il est important de dire que le monsieur a scénarisé son film avec Damon Lindelof (le papa de Lost et The Leftovers, également derrière Prometheus ou le dernier Star Trek). Niveau pop-culture, on a pas affaire à des manchots (on est en présence du réalisateur de Mission Impossible Ghost Protocol ou des Indestructibles, pour les deux du fond qui arrivent pas à se rappeler). Et la première chose à dire, c’est que le film porte la marque de ses deux auteurs, tant le scénario transpire de l’écriture de Lindelof, et la réal des artifices de Brad Bird. En bien, comme en mal.

C’est rare de voir des films qui font passer des idées de scénario par le visuel. La semaine dernière, Mad Max Fury Road nous rappelait comment faire, mais cette semaine, Brad Bird, nous montre que lui aussi sait y faire. Malheureusement, le film part dans des directions, certes inattendues, mais aussi peu propices à de la démonstration visuelle, comme Bird sait si bien le faire. En effet, le film a beau se nommer Tomorrowland en version originale, son action s’y déroule finalement assez peu, ce qui ne serait pas gênant, si le film ne donnait pas l’impression de développer un univers costaud, avec un vrai background et un tas d’histoires à raconter à propos de Tomorrowland. Mais ces histoires ne sont pas contées, ou alors rapidement. Si les 3 personnages principaux ont des storylines développées, on sent tout de même derrière toutes les histoires, et tous les films qu’il y aurait à raconter et à faire sur Tomorrowland, et on a l’impression de passer à côté de films grandioses, sacrifiés au profit de celui-ci.

L’aspect méta du film pointe justement ce défaut (intentionnellement ou non) lorsqu’à l’aide d’un flashback, Tomorrowland nous est très rapidement introduit, avant de revenir au présent. L’un des personnages principaux dit alors que l’on a le droit a « un coin de ciel bleu, quelques jetpacks » et c’est tout. Et effectivement, c’est tout. Si on a plus tard le droit a un plan séquence de folie qui nous révèle Tomorrowland dans toute sa splendeur (et nous remontre à quel point Brad Bird est bon réalisateur), Tomorrowland, dans cette splendeur, s’arrêtera ici.

Il y a également un autre problème, pas imputable au film, mais bien à sa promotion, qui laissait croire à un grand film d’action/sf/aventure, alors que l’on se retrouve avec, certes, un récit futuriste et avec quelques moments d’actions, mais peu. Finalement, on est face à un récit initiatique, parfois très philosophique, méta, à propos de l’humanité, d’amour, de ce qui est juste, et du futur. Deux visions s’opposent d’ailleurs, une très sombre, qui renvoit à notre présent actuel, et une optimiste et pleine d’espoir. C’est d’ailleurs ce qui est probablement le plus réussit dans Tomorrowland, faire d’un récit finalement très simple, une quête pour sauver le futur, et installer l’optimisme dans le monde.

Mais c’est aussi dans cette force que Tomorrowland tire sa plus grande faiblesse : le film ne sait pas vraiment sur quel pied danser. Il sera certainement trop long et compliqué pour les plus jeunes, avec trop peu de ses moments d’émerveillement Spielbergien (qui sont pourtant là parfois), et trop bancal, trop simple et plein de promesses inexploitées pour les adultes. C’est en cela qu’il aurait certainement été préférable de garder l’univers du film, mais avec une autre histoire, pour allier tous ces éléments. Le film souffre aussi d’une résolution finale un peu trop facile, avec des mystères désamorcés de façon assez décevante, d’un climax inexistant et ultra frustrant, ou de l’effacement total de certains personnages en fonction des séquences et personnages qui sont impliqués dans celles-ci.

Et bien que je trouve beaucoup à redire sur ce Tomorrowland, mais cela n’enlèvera néanmoins pas ses qualités certaines. Déjà, pour rester sur l’écriture, le film évolue de façon certes classique, mais très fluide, sans trou narratif ou sauts dans le temps réellement dérangeants (malgré ce que j’ai évoqué plus haut), les personnages principaux sont bien développés, et le message optimiste du film fait très plaisir à voir.

Et puis visuellement, même si le film aurait pu en envoyer beaucoup plus, et bah on est déjà dans du lourd. La mise en scène de Bird dans les (rares) scènes d’actions est toujours aussi efficace, et sa manière d’y inviter le burlesque est très plaisante. Je parlais de Spielberg plus tôt, et c’est vrai que l’on y pense parfois, notamment lors des découvertes de Tomorrowland, qui tiennent de l’émerveillement pur. Ajoutons à cela une photo magnifique et une bande son qui prouve que Michael Giacchino sait se réinventer et offrir de grands scores sur quasiment tous ces films (mais comment fait-il), et le film est donc loin de décevoir sur tous les points.

Et même si le film n’est pas parfait, il serait quasiment charitable d’aller le voir. déjà parce que c’est un projet original de Brad Bird, et que mine de rien les projets originaux deviennent des comètes ces temps-ci (même si des projets moins originaux peuvent s’avérer meilleurs), et qu’ils doivent être supportés. Ensuite parce que Bird a des projets sous le coude, et qu’ils peuvent se transformer à n’importe quel moment en grands films sortis de nulle part. Et sinon, vous pouvez également relire cette critique, parce que je ne dis pas que du mal de Tomorrowland. Et qu’il serait malhonnête de ne retenir que les défauts d’une telle œuvre.

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