La Tête Haute d'Emmanuelle Bercot

Par Kevin Halgand @CineCinephile

La Tête Haute
d’Emmanuelle Bercot. Film d’ouverture du Festival de Cannes.

Malony est un petit garçon. Un bout de chou qui regarde avec effroi sa propre mère (Sara Forestier) tenter de se débarrasser de lui, l’insultant de fardeau, dans le bureau d’une juge pour enfant au regard tendre, (Catherine Deneuve). En grandissant, l’enfant ne lui en tiendra pas compte, devenant un adolescent (Rod Paradot) empli d’amour pour sa génitrice. Seulement, cette affection débordante ne le sauvera pas. Il enchaînera les mauvais choix et les « bêtises »* d’adolescent perdu.

La Tête Haute c’est une plongée dans le quotidien d’un délinquant mineur. On frisonne avec lui lorsqu’il conduit à folle allure une voiture volée, (ce, qui plus est sans permis – un petit détail pour lui, beaucoup moins au regard de la loi). On tremble lorsqu’il risque la prison. On veut le sauver, l’éduquer nous même lorsqu’il est en centre fermé. On suit, larme à l’œil, son histoire d’amour, différente des autres, ses déboires et ses « bêtises »* (parfois commises avec un bon fond).

On se surprend à vouloir le rassurer, le calmer, le câliner. On ne souhaite que son bien. C’est ici que réside la force du film. Les choix d’Emmanuelle Bercot rendent cet enfant attachant. Ceci est du au fait qu’elle le filme avec dureté, certes, mais avec une pointe de tendresse. On s’attache à cet enfant perdu, que la société tente à maintes reprises de sauver.

Les acteurs. Catherine Deneuve a une autorité naturelle, une tendresse touchante envers les enfants dont elle s’occupe. La plupart du temps enfermée dans son bureau, ceci ne l’empêche en aucun cas de déployer avec force son talent. Emue, émouvante, belle et juste. Catherine Deneuve est une juge pour enfant, définitivement. Benoît Magimel joue le rôle de l’éducateur de Malony. Un homme écorché, à vif, qui s’occupe d’ado finalement comme lui. Profond, il n’en fait jamais trop. L’éducateur qui trouve les mots, parfois avec un peu de mal, mais toujours avec bienveillance. Sara Forestier est une mère-enfant de temps en temps touchée par l’intelligence, mais ce de manière aussi foudroyante qu’imprévisible et sommaire. Elle est méconnaissable. Dans le drame, Sara Forestier excelle (comme dans Suzanne!). Rod Paradot est LA révélation du film. Tantôt colérique, boudeur puis moqueur. Il a, avec une maturité déconcertante, toutes les émotions d’une palette de comédien qui se dessinent sans effort sur son visage enfantin.

Aucun envie de comparer ce film à Mommy. Steve O’Connor et Malony sont différents. Leurs histoires aussi. Leurs seuls points communs se résument au chiffre de 3 : bouleversés sentimentalement, fous d’amour pour leur maman et victime de l’absence d’un père.

Emmanuelle Bercot signe un film d’apprentissage pas comme les autres. Ici on se bat avec le quotidien et la colère d’un adolescent. Celui de notre bel ami, Malony. Clémence Pouletty * »bêtises » ; terme utilisé puisque finalement il ne s’agit « que » d’un enfant.