« Dans la forêt d’Aokigahara, au pied du Mont Fuji, Arthur Brennan est venu mettre fin à ses jours, comme beaucoup avant lui en ces lieux. Alors qu’il a trouvé l’endroit qui lui semble idéal, il aperçoit soudain un homme blessé et perdu. Assailli par un sentiment d’humanité irrépressible, Arthur se porte à son secours.
Alors qu’il s’était décidé à mourir, il va devoir aider un homme à survivre. »
« The Sea of Trees est une belle histoire d’amour, un récit initiatique spirituel. »
Même si l’on ne connaît pas parfaitement sa carrière en tant que metteur en scène, Gus Van Sant est un nom qui résonne dans la tête de nombreux cinéphiles français. Jamais récompensé dans sa partie natale, si l’on ne compte pas les deux récompenses reçues au Festival de Deauville il y a 24 ans de cela, Gus Van Sant est un habitué de la croisette. Présent tous les deux ou trois ans au Festival de Cannes, le cinéaste persiste chaque année après avoir l’avoir conquis de la plus belle des manières en 2003 avec son fameux Elephant. Alors que chaque nouveau long-métrage mis en scène par Gus Van Sant est attendu comme l’un des évènements de la quinzaine, cette année c’est avec l’arrivée de ce long-métrage qu’est née LA polémique du 68e Festival de Cannes. Surprise, la polémique est née par le nouveau-née du cinéaste américain et non par la projection du nouveau film de Gaspar Noé : Love. Pourquoi The Sea of Trees fut sifflé lors de la première projection presse (veille de sa présentation officielle au Grand Théâtre) ? Est-il si honteux que ce qu’on veut nous faire croire ?
La réponse est simple. Emporté par l’engouement du festival, des journalistes qui ne savent rien faire de leurs deux mains mis à part taper sur des cinéastes talentueux, veulent exprimer leur mécontentement à l’égard d’un film qu’ils ont jugé de : « très mauvais ». Ils n’ont pas aimé le film ? Certes, mais est-ce un acte tolérable vis-à-vis de ceux qui ont contribué à la production de ce long-métrage ? Clairement non. C’est ce qu’on appelle de l’irrespect. Même si ces derniers ont le droit de s’exprimer et d’hurler leur colère à propos d’un film, ils peuvent le faire par écrit puisque là est, soi-disant, leur véritable talent. Qu’ils arrêtent de faire les « grandes gueules » dans le noir, prennent en main une caméra et on en reparlera. The Sea of Trees n’est pas un film qui va vous émerveiller ou vous émouvoir. Ce n’est pas pour autant une honte pour le septième art, ni même un mauvais film. Long métrage hautement symbolique, Gus Van Sant entraîne le spectateur dans un lieu sombre et angoissant, la forêt des suicides. Située au Japon, La Forêt Aokigahara est un lieu reconnu par les japonnais, mais pas que, comme étant une forêt au cœur de laquelle s’aventurent des humains qui souhaitent en finir avec la vie. Un lieu paisible et maudit, comme le dit sa légende.
Hanté et fasciné par la mort, Gus Van Sant y plonge corps et âme par le biais de cette forêt aux différents aspects. Pouvant être lugubre et angoissante par endroits, comme belle et luxuriante à d’autres. Tourné majoritairement dans une forêt du Massachusetts, le cinéaste n’en a pas pour autant laissé de côté les différentes sensations pouvant faire ressentir la forêt japonaise. Par le biais d’une mise en scène bien pensée et d’une réalisation qui alterne entre plans de demi-ensemble et plans rapprochés (voire gros plans pour les personnages), le réalisateur offre à la forêt une tout autre dimension. Comme vivante et hantée par des esprits pouvant faire croire à l’impossible (et si tout n’était qu’un rêve…), cette forêt est un élément majeur, véritable protagoniste faisant d’Arthur Brennan sa marionnette. Interprété par un Matthew McConaughey à la fois songeur et en perdition, Arthur Brennan est un personnage dont l’histoire se dévoile au travers de flashbacks incorporés au récit initiatique de la forêt par un montage parallèle. Aussi convenue soit-elle, cette narration faite d’allers et retours entre la forêt et la vie rurale effectue des juxtapositions pertinentes entre le passé et le présent. Un présent et un passé étroitement lié et dont la corrélation entre les mouvements de caméra et les cadres choisis resserrent l’étau autour de l’état psychologique du personnage principal.
Empreint de la culturelle nippone omniprésente grâce aux thématiques fortes de la mort et de l’espoir qui prennent vie grâce à la forêt et aux lignes de dialogues immiscés par l’acteur Ken Watanabe, le cinéaste en fait néanmoins trop par le biais de la bande sonore. Essayant de renforcer la dramaturgie et d’accentuer l’aspect spirituel du récit par le biais de sonorités japonaises, celles-ci s’avèrent plus redondantes et agaçantes que stimulantes. La direction artistique et les cadres choisis sont suffisamment parlant pour donner vie à la forêt et à cette présence spirituelle. La musique est en surplus, un ajout négligeable qui ici alourdi le tout et peut aller jusqu’à rendre risible certains plans du film. Risible est un adjectif qui peut également être employé pour qualifier la fin maladroite du film. Explicative jusque dans les moindres détails, cette fin ne laisse à aucun moment la place à l’imagination du spectateur et le traîne par la main afin de bien lui faire comprendre ce qui doit être compris. Découpé un peu plus tôt et sans l’utilisation d’une voix off finale, le film aurait gagné en mystère et en profondeur grâce à l’appui de la réflexion du spectateur. Ce n’est pas grand-chose, mais en l’état ça laisse le spectateur sur une mauvaise note. Sur l’impression d’être pris pour un idiot fini.
The Sea of Trees est une belle histoire d’amour, un récit initiatique spirituel et inspiré. Doté d’une narration qui alterne entre moments présents et passés, celle-ci ne laisse rien au hasard et même si le montage est par moment trop dynamique, l’imagerie est suffisamment belle pour charmer et mettre en image cette belle histoire. Une histoire simple et convenue dans le fond comme dans la forme, mais qui réussit à charmer avec l’aide d’un casting convaincant ainsi que d’une mise en scène qui ne laisse pas la place au hasard. La direction artistique est belle et les teintes de couleurs majeures embellissent et développent l’aspect devant dégager cette forêt. The Sea of Trees n’est pas un grand film. Ce n’est pas un film qui vous marquera ou qui marquera le cinéma, mais c’est un bon film. Rien de plus, rien de moins.