« Lecture viscérale de la tragédie la plus célèbre et captivante de William Shakespeare, celle d’un vaillant guerrier autant que chef charismatique, plantée sur les champs de bataille au milieu des paysages de l’Ecosse médiévale, Macbeth est fondamentalement l’histoire d’un homme abîmé par la guerre qui tente de reconstruire sa relation avec son épouse bien-aimée, tous deux aux prises avec les forces de l’ambition et du désir. »
Michael Fassbender, Marion Cotillard et Justin Kurzel. Voici le trio qui a enflammé le 68e Festival de Cannes en son dernier jour de compétition officielle. Attendu au tournant, le trio est venu présenter en sélection officielle et en compétition, le nouveau film du réalisateur Australien : Macbeth. Adaptation d’un des romans cultes de Shakespeare, ce Macbeth a divisé les critiques et ça n’ira pas en s’arrangeant. En attendant que le trio ne s’attaque à la production de l’adaptation cinématographique de la licence Assassin’s Creed, les voici donc respectivement dans le rôle de Macbeth, Lady Macbeth et derrière la caméra. Pari audacieux que de vouloir adapter du Shakespeare pour un second long-métrage et encore plus lorsqu’il s’agit de Macbeth, mais pari réussi ?
Au cinéma, l’on peut adapter un roman ou un texte théâtral dans le sens littéral de la chose, en conservant chaque aspect, monologue et ligne de dialogue du texte ou, l’on peut en faire une adaptation librement inspirée. Hamlet est par exemple le texte de Shakespeare qui fût le plus adapté et retravaillé par divers metteur en scène que ce soit pour le cinéma comme pour le théâtre. Cette fois, retour au texte le plus viscéral, mais également pour ma part, le plus chiant des « grands textes » de Shakespeare, Macbeth. Racontant avec folie et violence le désir d’ascension au trône d’un guerrier instigué par sa femme dont il devient la marionnette, Macbeth possède un récit simple de prime abord, mais dont le développement va reposer sur la mise en exergue de la folie des protagonistes. Rongés par la haine, la colère et le désir du pouvoir, ils vont commettre l’irréparable sans se reprocher quoi que ce soit. La quintessence d’une folie autodestructrice et viscérale. Choisissant d’effectuer une adaptation littérale du texte original, le cinéaste Justin Kurzel prend le parti de réaliser un long métrage qui va diviser, mais qui ne peut laisser de marbre.
Jonglant entre longs dialogues et monologues, le tout ponctué par des batailles aussi sanglantes que brutales, la narration employée par le film ne ressemble en rien à ce qu’on peut voir au cinéma de nos jours. Dans le but d’accentuer la folie des protagonistes, le film va littéralement impliquer le spectateur lors de longs monologues mis en scène de manière théâtrale, allant jusqu’à utiliser des regards caméra. Regards caméra qui cassent les codes de la narration et du cinéma, en s’adressant directement au spectateur. De cette manière, une fois que la séquence est contextualisée, c’est le personnage qui va dévoiler son mal-être et sa réflexion personnelle au spectateur. Méthode qui permet également d’accentuer la folie et de développer la psychologie de Macbeth et de Lady Macbeth, pouvant être caractérisé comme schizophrénique par un dédoublement. Les personnages participent à l’avancement de la scène, mais en sont également témoins pour la raconter plus en détail, en mettant le temps sur pause. Un spectateur omniscient, qui est mis dans la confidence par les protagonistes, mais qui reste malgré tout dans l’attente d’une fin s’annonçant tragique.
Pouvant diviser sur le point de la narration, car si l’on ne rentre pas dans le jeu mis en place par le metteur en scène, c’est bien sur le point de la technique que Justin Kurzel et son équipe technique, peuvent mettre tout le public d’accord. Alliant le cinéma contemplatif de Nicolas Winding Refn avec un montage assez lent et de longs plans sur les environnements et une direction artistique très prononcée qui allie un aspect gothique et baroque dans certaines séquences de batailles avec un aspect plus moderne et viscéral lors d’une tout autre séquence, Macbeth épate et ébloui notre rétine. Un spectacle de tous les instants, dont la direction artistique et les différents effets visuels (brume et usage de sources lumineuses internes à l’image comme des ralentis) s’avèrent être des parties intégrantes de la narration. À l’instar d’un George Miller qui cherche avec sa précédente œuvre Mad Max : Fury Road, à faire un film visuel dont l’histoire peut-être comprise uniquement par l’image, Macbeth possède la volontée de faire transparaître par l’image la férocité et la haine qui ronge Macbeth.
Attendu au tournant lors de présentation au 68e Festival de Cannes, l’on peut dire que ce Macbeth avait tout à fait sa place en compétition. Contrairement à ce que pourraient nous faire croire les images et affiches du film, il ne s’agit en rien d’un film de guerre hollywoodien. Macbeth est bien plus. Ce Macbeth est une œuvre cinématographique à part, une adaptation du texte de Shakespeare qui en reprend chaque grande ligne. Pour cela, Justin Kurzel s’adapte et casse les codes du cinéma, nous offrant une œuvre unique. À la fois viscéral et violent, la technique vient compléter la narration et la mise en scène, offrant au film une tout autre dimension. Porté par un très beau casting et notamment un Michael Fassbender charismatique et bestial, ce Macbeth ne laissera personne indifférent. On aime où on déteste, par ma part, j’aime et j’aime beaucoup ce qui nous est proposé par ce trio à suivre.