Ainsi parlait Brad Bird.
Fermez les yeux, ouvrez votre cœur, et imaginez. Imaginez, par-delà notre dimension, une cité baignée d’une lumière bienveillante où auraient élu domicile des créateurs, des visionnaires, des nec plus ultra dont l’inépuisable imagination ensemencerait, dans le plus grand secret, notre futur. Une utopie tissée de merveilleuses innovations et de pensées positives. Une terre arable où germerait les idées de demain. Un éden technologique. Maintenant, ouvrez-les. Les génies ont cessé de rêver en l’avenir. La faillite politique, sociale, écologique et économique dépeinte par les écrivains, les artistes et les penseurs dans leurs dystopies, se concrétise. L’espérance est désormais devenue une vaine souffrance. Elle quitte le corps de l’humanité. Elle assiste, lâchement, à sa lente agonie, attendant patiemment que les Hommes entrent dans cette nuit éternelle qui voile le lointain. Mais Brad Bird, qui voyait déjà en un imposant robot de fer un parfait camarade de jeu, et pour qui aucune mission n’est impossible, ne voit pas les choses sous cet angle. En baladant son regard dans la section futuriste de Disneyland, le réalisateur fut soudainement ému par cette perspective d’un avenir radieux que nourrissaient, jadis, les fondateurs de ce parc. Il tenait alors à « retrouver cet optimisme sans borne », à leur rendre hommage en couchant leur enthousiasme sur pellicule. Ainsi, dans la cervelle intrépide de son héroïne, la pétillante Cassey, demain ne meurt jamais vraiment. Fille d’un ingénieur au chômage, elle enrage de voir ses rêves de voyages et de découvertes interstellaires abandonner son horizon, luttant comme une louve pour que l’avenir de son centre de recherche spatial ne soit pas sans lendemain. Une indestructible détermination qui lui vaut alors d’être mystérieusement récompensé d’un pin’s lui ouvrant les portes de cette fameuse métropole aux attractions ultramodernes dans le but de désamorcer la fin prochaine du monde, aidé en cela par une jeune androïde et un inventeur désabusé interprété par George Clooney. L’acteur, célèbre de part le monde pour ces précis de pédagogie concernant la gouvernance de son pays (le sympathique Les Marches Du Pouvoir) et l’histoire occulte des grands évènements (l’informatif Good Night And Good Luck, le mollasson Monuments Men), s’engage ici dans une nouvelle action cinématographique afin d’éveiller les consciences. A La Poursuite De Demain de devenir alors une ode à la persévérance et à la force de l’esprit, propre à courber tous les pourcentages et à ébrécher les plus sombres prévisions. Du positivisme infiniment ordinaire qui réserve néanmoins d’agréables surprises sur le plan formel comme sur le plan narratif. On savait depuis longtemps que Dr. House n’était pas Mickey Mouse. Hugh Laurie de troquer alors sa blouse d’éclopé de la médecine empirique pour celle d’un nouveau Zarathoustra, un prédicateur éclairé inséminant l’idée du désastre à venir dans l’inconscient collectif afin de bousculer l’évolution des mentalités. Diverses pièces que Brad Bird, dont la virtuose humilité et le ludisme de son écriture pour l’action n’est plus a prouvé, parvient à connecter, réussissant tout ce que Joss Whedon avait échoué à créer cette année avec Ultron, parvenant à proposer un contre-point philosophique cohérent et soutenable. Candide, le metteur en scène poursuit pourtant son voyage sur son indéfectible optimiste, conduisant le récit vers un épilogue flamboyant de naïveté, preuve que, pour lui, rien n’est jamais vraiment impossible. (3.5/5)
Tomorrowland – A World Beyond (États-Unis, 2015). Durée : 2h10. Réalisation : Brad Bird. Scénario : Brad Bird, Damon Lindelof. Image : Claudio Miranda. Montage : Walter Murch, Craig Wood. Musique : Michael Giacchino. Distribution : Britt Robertson (Cassey Newton), George Clooney (Frank Walker), Hugh Laurie (le gouverneur Nix), Raffey Cassidy (Athena), Tim McGraw (Eddie Newton).