« Il était une fois trois royaumes voisins où dans de merveilleux châteaux régnaient rois et reines, princes et princesses : un roi fornicateur et libertin, un autre captivé par un étrange animal, une reine obsédée par son désir d’enfant… Sorciers et fées, monstres redoutables, ogre et vieilles lavandières, saltimbanques et courtisans sont les héros de cette libre interprétation des célèbres contes de Giambattista Basile. »
Comme chaque fois au Festival de Cannes, l’on a retrouvé cette année encore en compétition des noms de cinéastes que l’on commence à bien connaître. Peut-être le moins connu du grand public, Matteo Garrone fait parti intégrante du listing des habitués de la compétition cannoise. Déjà présent à deux reprises et reparti à chaque fois avec un Grand Prix (2008 pour Gomorra et 2012 pour Reality), Matteo Garrone a fait son retour en cette année 2015 avec un troisième film en tant que réalisateur : Tale of Tales. Adaptation libre du recueil éponyme écrit par Giambattista Basile, ce Tale of Tales n’a pas fait son entré au palmarès du festival, mais ce n’est pas pour autant le film le moins méritant de la filmographie du metteur en scène italien. Bien au contraire…
Libre adaptation du recueil qui se nomme lui-même Tale of Tales comme on l’a déjà dit, ce long-métrage fait office d’extraterrestre au cœur d’une décennie cinématographique qui ne se renouvelle pas en terme de cinéma fantastique. Ce déroulant dans des mondes utopiques au cœur desquels évoluent des personnages stéréotypés afin de faire avancer une trame scénaristique manichéenne qui cherche à prôner les valeurs humaines de chacun, les contes tels que nous les connaissons aujourd’hui sont calqué sur un unique modèle démocratisé par Disney. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Retour aux sources pour Matteo Garonne, qui avec cette adaptation des contes de Giambattista Basile trouve des similitudes avec les contes de Grimm. A la manière des frères Grimm, Matteo Garrone et son équipe de scénaristes, mettent en avant l’absurde des situations et détournent les codes sur lesquels sont fondés les contes que l’on qualifie comme « merveilleux ». Irrévérencieux et politiquement incorrect, les protagonistes sont dépeints comme des personnages torturés et dénués de morale. Prêt à tout pour obtenir ce qu’ils veulent, ces personnages agissent tels des enfants égoïste qui ne pensent qu’à leur bon plaisir, suivant leurs pulsions et envies. Ces personnages qui sont de la haute et détiennent les pleins pouvoirs de leur château respectif, vont être jugé par les gens de la cours, ceux qui n’ont rien pour vivre et qui les regardent dépenser sans compter.
Déjà centrale au récit de ses deux premiers films, cette stratification sociale est ici majeure et permet au scénario d’allier le drame à l’absurde, voire le burlesque. La misère face à une richesse qui est tournée en dérision et dont les moindres actes ont de quoi faire sourire. Loin d’être aussi manichéen que les contes merveilleux, les histoires qui nous sont racontées ne s’enferment pas dans un carcan et essayent chacune de développer une morale en lien avec les thèmes abordés. Les thématiques sont les mêmes d’histoire en histoire, mais par une écriture malicieuse des personnages, elles ne se ressemblent pas et leur conclusion n’en est que plus réjouissante. Des histoires sombres vécues par des personnages plus ou moins attachants, mais nourries par le désir et l’envie. Une dramaturgie qui fait vivre le récit, mais qui n’empêche pas ce Tale of Tales d’allier avec subtilité le drame et la comédie pour donner à chaque séquence une émotion singulière. Chaque séquence est unique et le montage parallèle employé afin de conter simultanément chaque histoire et non l’une après l’autre, permet à chaque histoire de ne pas être redondante ou d’avoir de problème de rythme. On regrettera tout de même un découpage trop franc par moment, ainsi qu’une utilisation abusive de cut au noir (écrans noir) afin de bien faire comprendre au spectateur que l’on change à nouveau de royaume et donc d’histoire.
Drôle grâce à l’absurdité des situation et aux réactions exagérées des personnages, mais également tendre et frappant lorsqu’il implante le spectateur