Genre : Drame, Thriller, Fantastique
Année : 2015
Durée : 1h35
L'histoire : Dans une ville qui se meurt, Billy, mère célibataire de deux enfants, est entraînée peu à peu dans les bas-fonds d’un monde sombre et macabre, pendant que Bones, son fils aîné, découvre une route secrète menant à une cité engloutie. Billy et son fils devront aller jusqu’au bout pour que leur famille s’en sorte.
La critique :
Comme nous le savons tous, Hollywood se meurt depuis un petit bout de temps transitant entre les remakes et autres refontes sans grand intérêt, ainsi que les blockbusters certes impressionnants visuellement, mais aux scénarios inexistants et/ou sybillins. Tout cela dans le but (vain) de cacher son manque d'originalité et de prise de risque dans un cinéma américain grand public actuel de plus en plus formaté et mou du genou. Modèle "glorieux" du capitalisme américain oblige, l'argent passe avant les premières préoccupations de tous, et les producteurs sont de plus en réticents pour financer des oeuvres plus risquées et inspirées, au risque éventuellement de perdre de l'argent.
Evidemment, et vous l'aurez compris, l'avenir du cinéma américain se situe bel et bien dans un cinéma moins accessible, mais plus riche, et la tâche me revient de chroniquer une des dernières pépites de l'année 2015.
Tout d'abord, cette chronique sera assez spéciale en son genre car la personnalité derrière la caméra n'est autre que l'acteur du 21ème siècle admiré par de nombreuses dames, j'ai nommé Ryan Gosling. Celui-ci s'est déjà distingué par le passé en arborant les personnages principaux du très bon Drive, du surprenant et très bon Only God Forgives, ainsi que de Gangster Squad, pour ne citer que les plus connus.
Ici donc, il prend un tournant radicalement différent en produisant son propre film tout en étant derrière la caméra. Un pari assez risqué mais Gosling s'est déjà distingué en tournant, malgré sa belle gueule, dans des films intelligents, et semble visiblement être un passionné de cinéma. C'est ainsi que 2015 vit la naissance de sa première oeuvre du nom de Lost River.
ATTENTION SPOILER : Dans la cité de Détroit, témoignage d'une crise économique sans précédent ayant entraîné la fermeture de quasiment toutes les industries, survivent tant bien que mal des marginaux voués à la solitude et à l'abandon. L'un d'entre eux, Billy, tente par tous les moyens de survivre financièrement et n'hésite pas à franchir les portes d'un monde macabre et étrange.
Parallèlement, son fils Bones, après une petite escapade, découvre la trace d'une mystérieuse cité engloutie liée à un maléfice pour le moins étrange. FIN DU SPOILER. Voilà un synopsis qui a le mérite de se démarquer et d'être intéressant. Maintenant le tout n'est pas seulement de proposer une accroche de qualité, mais encore faut-il poursuivre dans cette voie en nous livrant une histoire qui tienne la route. Est-ce que Lost River remplit bien son contrat ? La réponse est postive malgré quelques petits soucis que je développerai plus tard.
Clairement, ce qui frappe au premier abord en lançant le visionnage, c'est bien l'esthétisme et la photographie tout simplement somptueuse. Gosling réalise là un sans faute et rarement il m'a été donné de voir un film aussi beau visuellement au point d'en saliver presque derrière mon écran. Cependant, c'est une très grosse qualité assez subjective car le film se pare d'un esthétisme rétro oscillant avec l'onirisme, et la présence assez forte de couleurs à l'écran ne plaira pas à tout le monde.
Certains jugeront cela trop flash ou trop artificiel mais rien que sur ce point, Lost River mérite d'être visionné. Gosling a tout compris aux cadrages et aux effets de lumière et nous sert un boulot d'orfèvre et de professionnel, rien que ça !
J'ai déjà parlé de l'esthétisme somptueux du film, Gosling s'inspire du travail d'un des réalisateurs les plus controversés du XXe et XXIe siècle en la personne de David Lynch, réputé pour ses atmosphères et son esthétisme jazzie et propre à lui-même. Car justement, comment ne pas penser directement à Lynch en observant les images ci-dessus ? Le danger était bien évidemment d'avoir droit à un copier-collé d'une ambiance versant le film dans un plagiat outrancier.
Mais heureusement, sur ce dernier point, Gosling a su s'inspirer d'une ambiance tout en la modifiant à sa propre sauce pour nous offrir quelque chose de radicalement proche dans l'inspiration, mais de différent dans la mise en scène. C'est un boulot subtil mais du plus bel effet. Au niveau de la bande originale, rien à dire non plus vu que nous avons droit à une panoplie de musiques bien intégrées à l'atmosphère envoûtante et presque expérimentale du film.
Donc nous obtenons ici, pour résumer brièvement, un aspect artistique exquis à tout point de vue . Maintenant, peut-on décemment parler de Ryan Gosling comme du nouveau David Lynch ? Là, la question mérite de ne pas être encore posée. Ne réalise pas Mulholland Drive qui veut. En effet, quelques petits soucis entachent un peu l'expérience. On sent bien que Gosling n'est pas encore complètement à l'aise derrière la caméra et on peut presque observer une certaine hésitation tout au long du film, que cela soit dans le déroulement de la mise en scène, ou de l'histoire.
Evidemment, il s'agit de sa première oeuvre et il faut aussi accepter certaines faiblesses qui, espérons-le, disparaîtront dans un futur proche.
Tout d'abord, et là est le souci majeur du film, le scénario est trop vague, trop abscon. Certes, le sujet principal est très bien pensé, la mise en scène est intéressante (bien qu'un peu hésitante) et l'univers est superbement bien trait. Mais on se demande où justement le réalisateur veut en venir. La cité engloutie est bel et bien mentionnée mais elle est trop occultée.
L'histoire autour demeure assez vague et les révélations se montrent un peu trop faiblardes pour vraiment donner une âme propre à cette Nécropolis engloutie. De même, la fin reste assez obscure et trop vite expédiée. Clairement, une durée d'1h35 est trop faible pour traiter son sujet de manière complète et un ajout de 30 à 40 min supplémentaires n'aurait pas été de trop.
Enfin, la performance de Bones incarné par Iain De Caestecker est loin d'être exemplaire, alors que les autres personnages, incarnés par Christina Hendricks, Saoirse Ronan, Eva Mendes, se défendent plutôt voire même sacrément bien. Mention spéciale à Matt Smith incarnant un psychopathe de service particulièrement terrifiant, inquiétant et charismatique pour l'occasion.
Enfin, certains pourront peut-être reprocher un certanin manque de rythme par moment. Néanmoins, Lost River est un film jouant plus la carte du contemplatif que du suspens pur. Ici, pas d'atmosphère chaude ni agréable, mais une ambiance inquiétante qui, sous son patchwork étendu de couleurs variées, se montre glauque, malsaine mais terriblement envoûtante.
En conclusion, Ryan Gosling réalise une oeuvre, qui malgré des défauts un peu gênants mais loin d'être insupportables, d'une grande beauté et d'une grande poésie, oscillant entre le macabre et le rêve éveillé. Véritable oeuvre contemplative qui se vit plus qu'elle ne se comprend réellement, elle se montre être un exemple visuel (je sais, je me répète), parfois un peu difficile à suivre.
Evidemment, Gosling n'est pas (encore ?) David Lynch et a du mal à jouer avec toutes les subtilités d'un scénario complexe et intelligent, mais il se défend plutôt bien pour un premier essai. Rajoutez à cela de nombreuses séquences d'une efficacité redoutable (dont une surréaliste mêlant le gore et la poésie), et vous obtenez un film particulièrement intéressant qui ne plaira pas à tout le monde.
Néanmoins, Lost River reste une oeuvre hautement recommandable pour tous les amateurs de poésies visuelles, d'ambiances différentes et de cinéma se démarquant du melting-pot américain un peu fâné et en panne d'inspiration. Un réalisateur qui mérite d'être encouragé.
Ma note : 15/20