La tectonique du genre.
En 1974, le réalisateur Mark Robson faisait vibrer les nobles façades de la Cité des Anges en pénétrant dans la faille ouverte quelques années plus tôt par le producteur Irwin Allen. Tremblement De Terre est alors devenu l’un des emblèmes de cet âge d’or du cinéma catastrophe, faisant croitre la côte de popularité du genre au même titre que L’Aventure Du Poseidon et La Tour Infernale, jusqu’au jour où le souffle de la lassitude a balayé ces productions pour les porter au large du système hollywoodien. Bien sûr, quelques répliques se sont fait sentir, vingt ans plus tard, dans nos salles obscures (Twister, Le Pic De Dante, Volcano, Daylight). Mais cette vague semble aujourd’hui véritablement à l’agonie, les rivages cinématographiques qu’elle embrassait jadis ne portant dorénavant plus que les traces laissées par ce teuton d’Amérique pour qui Le Jour D’après sera polaire. Alors, lorsqu’un autre prédicateur se lance dans l’arène du « porn destruction », forcement, les fans mouillent de voir le résultat sur grand écran. Brad Peyton, après avoir visiter une infime partie du répertoire de Jules Verne (le médiocre Voyage Au Centre De La Terre, le fort sympathique L’île Mystérieuse), se prend donc à vouloir flatter l’interstice de la belle Californie en lui glissant un Rock entre ses rocailleuses hanches. L’ancien catcheur, figure de proue du cinéma d’action contemporain, glisse ainsi sa carrure bovine dans l’uniforme de Ray, pilote du récit et spectateur du Big One qui menace d’engloutir une partie de la West Coast, interprétant une nouvelle fois un colosse de muscle aux pieds d’argile. Car, secrètement brisé par le décès de sa fille cadette, il voit la dorsale se creuser avec son ex-femme, désormais en ménage avec le roi de l’architecture (Ian Gruffud, en succédané de Richard Chamberlain), ainsi qu’avec sa fille ainée (Alexandra Daddario), en passe de partir vivre la fin de son adolescence à l’autre bout de la côte. La fracture familiale est consommée et produit déjà ses effets sur les personnages alors même que la nature n’a pas encore réveillé sa fureur devant nos yeux impatients, bien que Paul Giamatti, parfaitement inquiétant en prêcheur du péril tellurique, conseil fortement aux amateurs de destructions massives de ne pas décoller leurs arrière-trains de leurs sièges afin de profiter du spectacle. Le réalisateur ne bouscule donc pas ici la lithosphère du cinéma catastrophe, mais ce terrain dramatique lui permet d’accueillir ce châtiment que d’aucun jugeront divin. Ouvrir les plaies pour mieux les panser. Détruire pour mieux reconstruire. Purifier la terre des arrivistes impurs pour dessiner un monde plus vertueux. Ce précepte a toujours été la loi du genre, et loin de s’écarter de cet enseignement, le prophète à l’œuvre sur cet apocalypse se montre pour l’occasion suffisamment adroit pour que la bonne morale chrétienne et les effusions lacrymales glissent sur nos regards venus avant tout pour se repaitre d’éclats de verre et de gravats. Sans surprise, nos rétines ne manqueront pas de frémir devant des scènes de destructions habillement introduites (des couverts sursautant sur une nappe comme avertissement de la catastrophe à venir) et menées avec suffisament de professionnalisme par Brad Peyton pour nous emporter dans son maelström catastrophiste. Du divertissement bête et efficace, voilà bien tout ce que l’on demandait à San Andreas. (3.5/5)
San Andreas (États-Unis, 2015). Durée : 1h54. Réalisation : Brad Peyton. Scénario : Carlton Cuse. Image : Steve Yedlin. Montage : Bob Ducsay. Musique : Andrew Lockington. Distribution : Dwayne Johnson (Ray), Carla Gugino (Emma), Alexandra Daddario (Blake), Paul Giamatti (le professeur Lawrence Hays), Ioan Gruffud (Daniel Riddick), Hugo Johnstone-Burt (Ben), Art Parkinson (Ollie), Archie Panjabi (Serena).