A Los Robles, ville-frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, un notable meurt dans un attentat. L'enquête qui s'ensuit oppose deux policiers : Vargas, haut fonctionnaire de la police mexicaine, en voyage de noces avec sa jeune épouse américaine, Susan, et Hank Quinlan, peu amène vis-à-vis de ce fringant étranger. Dès lors, le couple est séparé : Vargas part avec les policiers pour les besoins de l'enquête et Susan est entraînée chez Grandi, un caïd local qui la menace. Les pressions exercées sur eux ne cessent d'augmenter …
La Soif du Mal – 8 Juin 1958 – Réalisé par Orson Welles
La Soif du Mal est le dernier film hollywoodien du grand Orson Welles. En Octobre j'avais la chance de pouvoir le découvrir en salle lors du festival du film indépendant de Bordeaux. Mais bon quand la fatigue tombe, elle tombe et je n'ai pu aller le voir. Un brin déçu, j'ai enfin pu le rattraper il y a peu sur Arte, la chaîne des cinéphiles (Point condescendance atteint) ! Et si ce fut son dernier film a Hollywood, ce fut pour moi le premier que je découvrais de ce grand cinéaste et pour tout vous dire, je n'ai pas été déçu !
Tic tac tic tac tic tac tic tac … Une bombe ne va pas tarder à exploser et la caméra tantôt docile et aérienne, virevolte de rue en rue avec l'angoisse d'une explosion soudaine. On arrive ainsi au poste frontière entre le Mexique et les USA, les voitures défilent, les unes après les autres dans le calmes, comme les couples aussi, dont un ! Fraîchement marié et en voyages de noces, ils franchissent le poste quand une immense explosion retentit. Attiré par le chaos qu'elle déclencha, Vargas inspecteur mexicain se dirige vers les lieux de l'incident pour voir ce qui se passe. Se séparant de sa femme a qui il dit de ne pas s'approcher, Vargas tient a participer à l’enquête. Sauf que lui est mal vu par le patibulaire Hank Quinlan, qui n'a pas la même idée de la justice ... Aveuglé par cette affaire et par les manigances d'Hank, il ne voit pas le danger arrivé pour sa femme et des lors ou il creusera un peu plus le cas Quinlan sa femme sera en danger, menacée par un bandit mexicain qui ne cherche que la vengeance.
Pour ces adieux à Hollywood, Orson Welles met quand même tout le monde d'accord malgré l'attitude déplorable des producteurs. Car oui, il n'a pas eu la vie facile sur ce film. Pressé par un studio de requins qui a peur des fastes du réalisateur, il leur claquera le bec avec brio, bouclant près de 4 jours de tournage en un. Les financiers étant rassurés, Orson Welles en remet une couche en délocalisant son tournage en extérieur pour échapper a la surveillance du studio. Sauf qu'au final, il n'aura pas la main sur le montage final. Universal le fait remonter et balaie les décisions d'Orson Welles. Mécontent de cette décision, il consigna ses « volontés» sur le film dans une lettre de 58 pages adressées au studio. C'est ainsi qu'il existe deux versions du films. L'un de 95 minutes et un director's cut de 111 min et c'est ce dernier qui a été diffusé sur Arte.
Je ne saurais vous dire les différences, par contre il reste au final une œuvre singulière, forte, très bien scénarisé et mise en scènes. Inspirés par l’œuvre « Badge of Evil » de Whit Masterson. Le scénario écrit par Paul Monash est adapté par Orson Welles lui même pour une histoire tout en équilibre.
En une introduction ! Ce plan-séquences de 3 min environ, parfaitement abouti et maîtrisé de bout en bout par Welles ouvre avec fracas le film tout en posant les bases de l'intrigue. D'abord 1 intrigue, puis 2, 3 puis 1 au final, l'histoire ne cesse de surprendre même quand le début prend les bases classiques d'un polar. Mais progressivement, Welles ajoute une intrigue, la vengeance du mafieux mexicain qui s'en prend a la femme de Vargas, puis une autre avec l'antagonisme Quinlan/Vargas et très vite l'histoire va se resserrer autour de ses deux dernières histoires, jusqu'à n'en faire plus qu'une.
Ce qui est la meilleure idée car premièrement, on se déleste d'une intrigue inintéressante qui n'avance pas, pour qu'ensuite le film prenne un tout autre tempo ! Et Welles coupe pour ça, son monde en deux et en joue à merveille. Non pas que le film soit alors manichéen, loin de là mais cette façon de faire permet bien des variations. Quelle soit purement spatiale, avec ce changement constant de lieu (La frontière US/Mexique), qui entretien la sensation d'une menace omniprésente. Ou encore d'un point de vue intrigue, avec des histoires qui se passent en simultanées et qui entretiennent une certaines ironies glaçantes ; notamment avec le couple Mike/Susan car des que l'un n'est pas en danger, l'autre l'est ! Et ce n'est pas un hasard si le film se finit sur un pont …
Au delà de ces considérations narratives, ce film est aussi un duel entre deux grands noms du cinéma que sont Charlton Heston et Orson Welles. Et dans cette affrontement se trouve « La Soif du Mal », le vecteur de tous ses actes et de la tension qui les mène a prendre des décisions inconsidérées. Un mal qui touche tous les personnages, volontairement ou pas, frôlant constamment avec la limite, d’où la frontière usa/mexique comme lieu mais aussi tout ses sauts de l'un a l'autre. Hank Quinlan et Mike Vargas ne sont finalement pas si différents, seul leurs visions de la société et du métier change.
Ils sont ainsi les deux revers d'une même pièce ! Presque identiques ou seulement la « soif du mal » (Touche de mal serait plus approprié si on prend le titre original « The Touch of Evil ») diffère chez eux. D’où cette complexité dans la caractérisation des personnages. Hank Quinlan n'est pas un monstre mais quelqu'un qui poursuit inlassablement un but (Venger la mort de sa femme ou le criminel n'a jamais été appréhendé) ou seul son intuition le guide, créant son propre monde et ses propres règles, qui sont impitoyables envers les criminels. Chose que Mike est sur le point de faire quand il se trouve confronté a une situation similaire, perdant son sang froid, son objectivité et toutes raisons. Une « Touch of Evil » qui est là, présente, sournoise et implacable qui fait et défait les âmes, avec précision mais surtout sans concession ! Sans oublier ce qui pour moi est aussi un tacle adresser a l'industrie du cinéma et a ses producteurs qui croyant mieux faire, profite et s'accapare des œuvres dans un but purement lucratif, à l'opposé des producteurs plus respectueux qui laissent travailler leurs artistes. Il fait ainsi écho a sa propre situation avec élégance.
Un constat vis a vis de son studio qui n'enleva pas le talent de Orson Welles en tant que réalisateur, car il nous en met plein la vue. Des le début avec un habile plan-séquence, il lance son film de la meilleur des façons pour ne jamais retomber. Jouant ensuite sur de belles séquences d'affrontements, visuel avec des jeux de lumières et d'ombres, ou physique avec des champs/contre-champs bien pensés et dynamiques. Il puisera aussi dans le cinéma d'horreur, dans l'angoisse pure pour la partie se passant dans le motel coté américain, ou la folie, l'isolation et le voyeurisme se côtoie pour un malaise absolu, nous concoctant dans cet endroit la séquence insoutenable du film ! Absolument bien cadrés, montés et racontés, on peut aussi rajouter le choix d'Henry Mancini pour compositeur ainsi que son travail qui donne un stress constant supplémentaire ! Bien sur il faut aussi ajouter la formidable direction d'acteurs du film et du talent de Welles a les diriger. La performance de Janet Leigh alors a quelques années de son succès dans Psychose est superbe, celle de Charlton Heston convainc en flic modèle, puis il y a aussi les compositions toutes en sobriété de Joseph Calleia, d'Akim Tamiroff et de Valentin de Vargas ou encore l'excentricité d'un Dennis Weaver halluciné en veilleur de nuit, parfaite opposition d'une sublime Marlene Dietrich calme et taciturne.
Après la Soif du mal vous aurez une soif d'Orson Welles. Un envie indispensable pour prolonger le plaisir après un film noir d'une précision sans égal !