Affaire courante.
Les avocats, qu’ils préparent leurs défenses sur la banquette arrière d’une Lincoln de 88 ou dans l’anti-chambre de l’enfer, ont toujours été une source d’inspiration pour le cinéma américain et de fascination pour les spectateurs, notamment pour cette part d’ombre qu’ils abritent, cette moralité symbolique déchirée par leur arrogance, l’appât du gain et la quête de notoriété. Cette fois, c’est au fin fond de l’Indiana que la justice met en balance la vie d’un homme. Cette fois, c’est un juge, récemment veuf et réputé psychorigide, qui se retrouve sur le banc des accusés, dans le palais même où il rendait ses jugements. Un vieux bonhomme au bout du chemin, mis en examen pour homicide sur un redneck élevé à l’alcool de contrebande et venant tout juste de franchir les portes du pénitencier. Défendu par son fils indigne, Hank, un champion du barreau étouffant de suffisance, cette affaire de famille sera donc l’occasion pour eux de régler les contentieux et de s’acquitter de leurs dettes. Le réalisateur David Dobkin, las de son statut de serial noceur de la comédie américaine, joue donc cette fois dans une toute autre cours que celle où il avait pour habitude de plaider. Mais de prétoire, on ne verra finalement que le bout de la barre. Le Juge s’emploie en effet davantage à mettre en examen la conscience de ce père intransigeant et de ce fils cynique en dehors du tribunal, au cœur de ces paysages sylvestres du Midwest américain, sous les contres jour de la luminescente photographie de Janusz Kaminski, dont l’écrin séraphique se trouve être le parfait messager de ces vérités douloureuses et impalpables que les personnages tentent de dissimuler à l’ombre de leur égos. La déchéance de cet accusé pas comme les autres est alors d’autant plus touchante qu’elle est incarné à l’écran par l’un des derniers géants du septième art, Robert Duvall. La présence altière de ce vénérable totem du cinéma raffermit considérablement l’écorce d’un récit émouvant mais malheureusement fossilisé dans un académisme paresseux auquel contribue fortement la présence dévorante de Robert Downey Jr, une nouvelle fois jeté dans cet insolent costume que les producteurs lui prêtent abusivement depuis Iron Man. En jouant cette carte, le portrait ordinaire de cet avocat imbuvable qui révèle, au contact de son passé, ses fêlures les plus intimes, prive l’ensemble de l’intrigue de ces coups de théâtre qui font le charme des spectacles judiciaires, en plus de refuser à certains ténors de briller davantage sur la modeste estrade que le cinéaste leur dresse (en témoigne la performance étouffée de Billy Bob Thornton). Cet insignifiant procès alors de s’éterniser indéfiniment autour de livides mobiles psychologiques, laissant le verdict final tomber comme un couperet, dépourvu de cette grâce à laquelle le réalisateur semblait de tout manière avoir renoncé. (3/5)
The Judge (États-Unis, 2014). Durée : 2h21. Réalisation : David Dobkin. Scénario : Nick Schenk, Bill Dubuque. Image : Janusz Kaminski. Montage : Mark Livolsi. Musique : Thomas Newman. Distribution : Robert Downey Jr. (Hank Palmer), Robert Duvall (Joseph Palmer), Vera Farmiga (Samantha Powell), Vincent D’Onofrio (Glen Palmer), Jeremy Strong (Dale Palmer), Dax Shepard (C.P. Kennedy), Billy Bob Thornton (Dwight Dickham).