L'Invasion des Profanateurs - 1978 (L'Apocalypse est pour demain !)

Par Olivier Walmacq

genre: science fiction (interdit aux - 12 ans)
année: 1978
durée: 1h55

l'histoire: Elizabeth s’aperçoit un jour du comportement étrange de son ami. Puis, peu à peu, d'autres personnes se transforment ainsi bizarrement. Pendant leur sommeil, une plante fabrique leur double parfait, tandis que l'original disparaît. 

La critique :

En 1956, L'Invasion des Profanateurs de Sépultures, de Don Siegel, crée un véritable choc dans le cinéma de science-fiction américain. Le long-métrage est perçu comme une allégorie des angoisses générées par la Guerre Froide. Désormais, n'importe quel voisin de pallier est susceptible de servir ses propres intérêts et surtout, celles de sa communauté ou de sa cause politique.
Impossible de ne pas y voir une métaphore sur le communisme, surtout dans un contexte de tension permanente entre les Etats-Unis et la Russie. Les envahisseurs prennent ici la forme d'extraterrestres hostiles, capables de copier l'apparence de leurs victimes, dont le comportement change subitement.

Déjà, en 1951, le cinéma de science-fiction américain avait évoqué ce danger potentiel, avec La Chose d'un autre Monde, d'Howard Hawks. A l'origine, L'Invasion des Profanateurs de Sépultures est l'adaptation d'un roman de Jack Finney, L'Invasion des Profanateurs. Le film de Don Siegel va inspirer trois nouveaux remakes : L'Invasion des Profanateurs (1978) de Philip Kaufman, Body Snatchers (1993) d'Abel Ferrara, et Invasion (2007) d'Oliver Hirschbiegel.
Toutes ces adaptations sont réussies et possèdent leurs propres qualités. Seul le remake faisandé d'Oliver Hirschbiegel fait figure d'exception. Le but de Philip Kaufman est à la fois de respecter l'essence du film original tout en apportant une vision personnelle au roman de Jack Finney.

Au niveau de la distribution, L'invasion des profanateurs réunit Donald Sutherland, Brooke Adams, Jeff Goldblum, Veronica Cartwright et Leonard Nimoy. Robert Duvall et Don Siegel effectuent, quant à eux, une courte apparition, néanmoins remarquée. Aujourd'hui, à l'instar de son modèle, L'Invasion des Profanateurs fait partie des classiques du cinéma de science-fiction.
Le film est clairement apprécié par les critiques et la presse cinéma. Il obtient même deux Saturn Awards lors de sa présentation à l'Académie des films de science-fiction, fantastique et horreur en 1978. Attention, SPOILERS ! A la suite d'une tempête cosmique à la périphérie de la Terre, une pluie de particules végétales tombe sur l'Ouest des Etats-Unis.

Elisabeth Driscoll, employée du Ministère de la Santé à San Francisco, découvre d'étranges fleurs se mettant à pousser sur les arbres de son quartier. Elle va cueillir un bourgeon pour l'étudier et tenter d'en identifier l'origine. Elle informe son collègue et fiancé, Geoffroy, de sa découverte. Ce dernier ne semble y prêter aucune attention. Le lendemain, il lui semble même étranger tant son comportement a changé.
Plutôt déconvenue, Elisabeth se confie à Matthew Bonnell, spécialiste de l'hygiène alimentaire et collègue de travail, qui va tenter de la distraire en l'entraînant dans une soirée où le psychologue, David Kibner, doit dédicacer un livre. Lors de cette soirée, une femme hystérique tente de convaincre son auditoire que le comportement de son mari a lui aussi changé.

Le lendemain, Elisabeth constate peu à peu que des plantes se métamorphosent en êtres humains et se substituent aux personnes qui l'entourent. Bientôt, San Francisco devient la proie de mutations génétiques qui sèment la panique dans toute la ville. Plus qu'un film sur la peur d'une invasion communiste, le long-métrage de Don Siegel s'apparentait à une critique à peine déguisée du Maccartysme.
En l'occurrence, à la fin des années 1970, les Etats-Unis et la Russie sont toujours en pleine guerre froide et dans une course effrénée à l'armement. La version de Philip Kaufman n'est pas vraiment une allégorie sur cette paranoïa ambiante, ni sur cette angoisse d'une éventuelle guerre nucléaire.

Le remake de Philip Kaufman s'apparente davantage à une diatribe sur notre société moderne et sur les effets de la mondialisation. L'individu n'existe plus. Seul le groupe compte, à condition qu'il soit uniformisé, semblable et indissociable. Le but est donc de fonder une société totalement déshumanisée, repliée sur elle-même et à la poursuite d'ennemis potentiels.
C'est probablement pour cette raison que le couple, formé par Brooke Adams et Donald Sutherland, est au coeur du récit. Elisabeth Driscoll (Brooke Adams) symbolise le féminisme qui tente de libéraliser une société moderne, bien-pensante et élitiste.

Elle représente donc un danger qu'il faut balayer, exterminer et annihiler. Pour Philip Kaufman, la menace extraterrestre n'est qu'une conséquence ou plutôt un symptôme de notre propre isolement, de notre solitude et de notre individualisme. Désormais, nos grandes villes ne sont plus que des métropoles anonymes transformant les individus en super consommateurs avides, veules, couards, avachis et égoïstes.
Philip Kaufman opacifie son propos par des gros plans sur des visages stoïques, fermés et dénués de toute humanité. Le réalisateur filme aussi des rues vides et des immeubles désertés représentant toute la vacuité de notre société. Ce n'est pas un hasard si les êtres humains sont remplacés par des coquilles vides, copiant leur modèle à l'identique.

Le but est de construire une société harmonieuse, sans guerre, sans conflit, sans crise économique, mais aussi sans amour, comme pour atteindre une forme de pureté. La menace est non seulement invisible, mais elle est aussi ineffable, invincible et insidieuse. Il est parfaitement inutile de lutter contre cette force inexpugnable et incoercible. L'individu est donc condamné à subir toute la déshumanisation de notre société moderne et sa mondialisation galopante.
Si le film doit beaucoup à la mise en scène terrifiante et anxiogène de Philip Kaufman, le long-métrage peut aussi s'appuyer sur les excellentes compositions de Donald Sutherland et Brooke Adams. Bref, Philip Kaufman parvient à réaliser un remake à la hauteur de son modèle. Une réussite dans son genre, tout simplement.

Note: 17/20

 Alice In Oliver