Critique du film Un Français, écrit et réalisé par Patrick Asté, dit Diastème
Après avoir créé la polémique à Cannes, son réalisateur s'étant vu refuser la sortie de son film dans certaines salles par certains distributeurs, Un Français est pourtant bel et bien arrivé sur nos écrans. Y avait-il alors véritablement de quoi susciter un tel émoi ?
Un film violent et cru
Dès les premières minutes d' Un Français, le ton est donné : le film montrera toute la violence et rien que la violence, ou ne la montrera pas. Taper sur des homosexuels, effectuer des descentes dans des cafés fréquentés par des maghrébins, coller des affiches anti-socialistes la nuit entre deux altercations avec leurs ennemis, voilà le quotidien des skinheads dépeint par Diastème. Entre ses amis Braguette, Grand-Guy et Marvin, c'est vers Marc, fils d'une mère dévouée pour son " fistou " et d'un père alcoolique, élevé dans la banlieue parisienne, que va rapidement se tourner la caméra. L'on va ainsi, au fil de l'histoire de France des trente dernières années, suivre l'itinéraire de Marc, joué par Alban Lenoir, sur le chemin de la rédemption. Toutefois, si la violence est bien marquée et prend différentes formes tout au long du film, l'on ne comprend pas bien quel est le déclencheur qui va faire basculer la vie du jeune skinhead du dark side au côté des gens bons, et qui finira par faire du bénévolat pour une banque alimentaire.
Un déroulement chronologique pourtant déroutant
Mais voilà, l'on perd rapidement le fil du film Un Français : en effet, même si chaque scène est maîtrisée par un plan-séquence intéressant qui permet de délimiter chaque action temporellement et spatialement, le spectateur peut vite se retrouver perdu, notamment quant aux motivations qui conduisent Marco à la rédemption. Il pourrait s'agir d'une prise de conscience progressive, mais là encore tout est flou et l'on ne s'en sort pas. En outre, dans la deuxième moitié du film, l'histoire de Marco se superpose à celle du Front National et des mouvements d'extrême-droite en général, avec des rappels de faits historiques comme la mort d'Ibrahim Ali à Marseille en 1995, tué lors d'un heurt avec des militants d'extrême-droite. Pour citer des faits de société plus récents auxquels Diastème fait également référence dans Un Français, prenons le cas de la Manif pour Tous, dont le réalisateur souligne l'instrumentalisation religieuse et politique, notamment à travers la présence dans le cortège de la fille de Marc, qui accompagne son ex-compagne intégriste.
Le portrait d'un homme à la recherche d'un sens à sa vie, aussi touchant que dérangeant
Finalement, le portrait de ce français est un portrait atypique, car peu de films en France traitent de l'histoire des skinheads, bien qu'outre-Atlantique l'excellent American History X met en lumière ce sujet à l'échelle américaine. Néanmoins, le propos dérange, car il rappelle des problématiques encore bien actuelles : le racisme, la violence, la quête d'identité. L'on peut comprendre dans ces conditions pourquoi ce film a suscité tant de réactions au moment de sa sortie, même si l'on peut regretter l'absence d'un traitement philosophique de ces questions, le réalisateur ne faisant majoritairement que dépeindre la violence de certaines mouvances extrémistes.
Retrouvez sur Metronews un entretien avec Diastème à propos de son film polémique.
- Alban Lenoir qui joue parfaitement son rôle
- Les plans-scène correspondant à des séquences temporelles
- Le trop-plein de violence, parfois inutile
- Certaines incohérences dans le parcours du skinhead
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- Titre : Un Français
- Année de sortie : 2015
- Style : Drame
- Réalisateur : Diastème
- Synopsis : Avec ses copains, Braguette, Grand-Guy, Marvin, Marco cogne les Arabes et colle les affiches de l'extrême droite. Jusqu'au moment où il sent que, malgré lui, toute cette haine l'abandonne. Mais comment se débarrasser de la violence, de la colère, de la bêtise qu'on a en soi ? C'est le parcours d'un salaud qui va tenter de devenir quelqu'un de bien.
- Acteurs principaux : Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy
- Durée : 1h38