Avec Régina Casé, Michel Joelsas, Camila Márdila,
Karine Teles, Lourenço Mutarelli, Helena Al Bergaria
Née en 1964, elle a étudié le cinéma à l'université de Sao Paulo. Elle devient d'abord critique de cinéma avant de rejoindre une émission télévisée en 1988. Elle participe également à la création et au lancement de plusieurs émissions et séries pour les enfants. Elle passe à la réalisation dans les années 90 et rencontre son premier succès avec les courts métrages A Origem dos Bebês Segundo Kiki Cavalcanti
Déclaration de la réalisatrice.
"J'ai commencé à écrire le scénario il y a plus de 20 ans. Je venais d'avoir un bébé et je prenais tout juste conscience de ce que voulait dire "élever un enfant", de ce que représentait cette tâche, de sa noblesse en quelque sorte. Je réalisais alors à quel point cela était déprécié dans la culture brésilienne. Autour de moi, du moins dans le monde dans lequel j'évoluais, les gens préféraient le plus souvent confier leur enfant à une nounou qu'ils installaient chez eux, dans leur maison, plutôt que de s'en occuper eux-mêmes. Or ces nounous avaient elles-mêmes des enfants qu'elles avaient dû confier à quelqu'un d'autre afin de pouvoir s'acquitter de leur travail et s'intégrer dans un tel dispositif. Ce paradoxe social m'est apparu comme l'un des plus frappants au Brésil car ce sont toujours les enfants qui en sont les grands perdants tant du côté des patrons que des nounous. En fait, il y a un problème majeur dans le fondement même de notre société : l'éducation. Celle-ci peut-elle réellement exister sans affection ? Cette affection peut-elle s'acheter ? Et, si oui, à quel prix ?"
Mère et fille vont se retrouver mais un fossé s'est irrémédiablement creusé entre elles. Jessica s'installe chez les employeurs de Val, peu accueillants, surtout Barbara la mère de famille.
Barbara a beau répéter que Val fait partie de la famille, et éprouver une certaine affection à son égard, elle reste malgré tout une domestique, et se doit d'être corvéable à merci. Pareil pour le père , tout aussi condescendant.
Chacun sa caste, chacun sa place, même si personne ne se l'avoue.
ne comprend pas sa mère, qui l'empêche par exemple de plonger dans la piscine. Jessica juge sa mère trop servile... Son irruption va bouleverser le quotidien tranquille de la maisonnée...
Au Brésil, tout le monde connaît Regina Casé. C'est une star.
L'actrice mène, en parallèle, une carrière au cinéma et à la télé (dans la série La cité des hommes), où elle participe également à des émissions pour enfants.
Elle interprète dans ce film le rôle de Val.
La participation de la comédienne Regina Casé au tournage n'a pas été chose facile. Pourtant, elle et la réalisatrice ont parlé du rôle pendant cinq ans avant de passer à l'action. Elles avaient chacune un grand désir de travailler ensemble. Compte tenu de sa grande notoriété et de son emploi du temps très chargé, Regina n'a pu se libérer qu'une semaine avant le tournage. Anna Muylaert a donc décidé de mettre directement les actrices en situation : "Je les ai réunies, elle et (qui joue Edna), une après-midi entière pendant trois heures et je leur ai demandé de faire un gâteau, de le cuire et ensuite de nettoyer la cuisine. Je trouvais que c'était le meilleur moyen de préparer leurs rôles et de voir ce qu'elles pouvaient apporter d'elles-mêmes aux personnages."
Le tournage a duré un mois. Regina Casé n'avait que très peu de temps disponible. Pourtant, sa présence a donné au film une toute autre dimension, sa célébrité étant susceptible d'attirer un public plus large.
Bien que Regina Casé connaisse son texte par coeur, elle a choisi de le jouer en utilisant ses propres mots à chaque fois, ce qui n'a pas dérangé la réalisatrice, bien au contraire : "Elle improvisait tout en restant très proche du scénario."
Regina Casé et Camila Mardila ne se connaissaient pas avant le tournage : "Je les ai installées de chaque côté d'un grand drap noir et je leur ai proposé de retracer ensemble les dix ans au cours desquelles Val n'a pas vu sa fille : une sorte de conversation imaginaire qui allait ensuite enrichir leurs personnages. J'avais écrit une trame qui servait de base à l'exercice, ensuite j'allais et venais entre elles deux leur demandant à chaque fois de réagir et de rebondir. À la fin de cette journée, quand j'ai enlevé le drap, elles sont tombées dans les bras l'une de l'autre. Leur complicité se retrouve à l'image", explique Anna Muylaert.
Val et Jessica incarnent deux générations différentes au Brésil.
La première respecte les traditions anciennes et accepte d'être considérée comme une "citoyenne de seconde classe" comme lui reproche sa fille. Jessica elle, est plus libre, assume ses opinions et revendique son statut de citoyenne plutôt que de le subir.
Ces deux femmes sont donc le reflet d'un Brésil en pleine mutation, une personnification assumée et voulue par la réalisatrice.
Anna Muylaert a beaucoup modifié son scénario au fil des années. D'abord concentrée sur la relation employeur/nounou et ce dans un style plutôt imaginaire, elle adopta par la suite un style plus réaliste, sans pour autant tomber dans les clichés. Puis, en écho à la situation politique du pays, alors en pleine mutation, elle choisit de mettre en exergue les changements notables de la société brésilienne.
La réalisatrice avance : "En 2013, au moment où le film entrait en production, je me suis finalement rassise à mon bureau et j'ai réécrit le scénario de manière à rendre compte des changements et des débats intervenus dans la société brésilienne. Au lieu d'être seulement gentille et malchanceuse, et donc un peu cliché, la fille de la nounou était dotée désormais d'une personnalité suffisamment forte et noble pour affronter les conventions sociales en vigueur et ainsi tourner le dos à un passé colonial."
Avant de tourner, Anna Muylaert a pour habitude d'avoir chaque scène en tête. La cinéaste fait même des maquettes qu'elle appelle "demofilmes" afin de présenter une esquisse de son projet : "Concrètement, avant de démarrer un tournage où je sais que nous serons au moins une soixantaine de personnes chaque jour sur le plateau, je filme en vidéo chaque plan dans les décors même de l'action avec l'aide des comédiens et d'un seul assistant. Cela me prend une journée, c'est un travail rapide et spontané, mais je sais ensuite quelle sera la forme définitive du film."
Déjà multi récompensé, Une seconde mère est le quatrième long-métrage de la réalisatrice. Le premier à être diffusé en France.
Au travers d'un scénario fouillé, parfaitement écrit, un rien cruel mais sans manquer d'humour, la scénariste et réalisatrice Anna Muylaert offre un magnifique portrait de femme interprétée par une grande Artiste, star en son pays. Je la découvre dans ce film.
Incroyable et magnifique Regina Casé. De toutes les scènes son charisme balaie quelques petites longueurs qui n'enlèvent rien à l'intérêt de ce film qui, je le souhaite, sera vu par le plus grand nombre.
Tout au long de cette Seconde mère se dégage une belle et profonde émotion.
À la fois délicate et dénonciatrice d'un système, toujours d'actualité au Brésil, la mise en scène, impeccable, met en avant la vie de ces femmes obligées d'élever des enfants de familles aisés, pour gagner leur vie et ce, au détriment de leurs propres gamins. Sans les abandonner pour autant.
"L'égoïsme est devenu une structure de pouvoir, de corruption" a déclaré la réalisatrice.
Quelques scènes, entre la riche propriétaire, fardée à outrance, et la jeune fille de l'employée de maison, resplendissante de naturel, démontrent parfaitement la cruauté de la situation. On peut relever un semblant de bienveillance, d'attachement aussi, mais mêlé de mépris, de la classe privilégiée envers ceux qui travaillent à leur service.
"Comme quoi le pays est vraiment en train de changer" entend-on dans les dialogues.