Critique de Elle marchait sur un fil, le dernier roman intimiste de Philippe Delerm.
À cinquante ans, Marie se retrouve seule. Telle la marée montante, la vie a effacé la trace de ses pas. Un autre chemin reste à inventer. La rencontre d'un groupe de jeunes comédiens lui ouvre de nouveaux horizons : elle montera avec eux le spectacle qu'elle avait imaginé pour son fils. Mais le rêve peut tourner à la tragédie, la frontière est plus mince qu'il n'y paraît.
Philippe Delerm s'est fait connaître du grand public avec son magnifique recueil La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules. C'était en 1997 et je m'en souviens encore tellement ce livre était délicieux. Philippe Delerm a l'art de magnifier les petits bonheurs du quotidien que la vie nous offre. Il m'évoque la magie de l'enfance. Je m'attendais à retrouver ces sensations avec Elle marchait sur un fil. J'avoue avoir été déçue. Ce roman ne me laissera pas le souvenir de la première gorgée de bière. Elle marchait sur un fil se lit très vite et malheureusement s'oublie tout aussi rapidement.
Une femme fragile
Elle marchait sur un fil raconte l'histoire d'une femme, Marie. Marie a cinquante ans. Son mari la quitte. Marie navigue entre Paris et la Bretagne. Son travail d'attachée de presse dans l'édition ne la passionne plus. Elle le quitte. Marie a une passion qu'elle partageait avec son fils : le théâtre. Étienne avait même réussi à intégrer le Conservatoire national d'art dramatique. Il aurait pu devenir un grand comédien si, et seulement si, il n'avait pas abandonné sa carrière. Heureusement, Marie peut compter sur son ami de toujours, André. Oui mais voilà, André est gravement malade. Rien ne va plus pour Marie, tout son univers s'écroule. Ses fêlures se révèlent. Peu à peu elle sombre, jusqu'au jour où Marie donnera un nouvel élan à sa vie en faisant la connaissance de ses jeunes voisins, comédiens débutants. Avec eux et de connivence avec Léa, sa petite-fille et fille d'Étienne, Marie va vivre sa passion par procuration et monter une pièce de théâtre : Le Fil. Marie deviendra professeur mais également metteur en scène. Elle vit de nouveau. Vivre pour Le Fil, sur un fil. Sa chute n'en sera que plus rapide.
Une autre connivence avec Léa. Le mensonge. Oui c'était du mensonge. Avec un enfant, ça commence souvent comme ça. " On ne le dira pas. " Une omission jésuitique. Mais vite, " on ne le dira pas " devient " on dira autre chose ". On mentira. On ne peut pas faire autrement. D'emblée, c'est Léa elle-même qui avait choisi ce camp-là. Après le départ de ses parents, Marie lui avait dit :
- Je ne peux pas abandonner le spectacle maintenant. Mais on ira à la plage l'après-midi quand même. Si tu veux, le matin, je peux t'inscrire au club de voile. Tu as toujours eu envie... Ou t'emmener au club d'équitation, c'est juste à cinq kilomètres...
Mais Léa avait coupé court :
- Non ce que je veux, c'est ton spectacle, voir ton spectacle. Et puis je peux vous aider...
Ah ça ! Elle avait su aider. Jeanne l'avait vite surnommée Régisseur en chef, tant elle devançait les moindres désirs techniques, révélant au passage une intuition fantastique de ce que devait être L e Fil - comme si Le Fil existait déjà.
Un roman intimiste
Elle marchait sur un fil est un roman intimiste qui trace le portrait d'une femme qui est à un tournant de sa vie. Plongée dans la solitude, à bout de souffle cette femme se raccroche à sa passion. Sur un fil, son équilibre est très fragile.
Dans ce roman, Philippe Delerm évoque la difficulté de vivre sa passion et comment, lorsque l'on ne peut pas la vivre, on peut s'en nourrir par procuration. Elle marchait sur un fil est un roman emprunt d'une douce nostalgie, empli d'émotions. Évidemment, on reconnaît la patte de Philippe Delerm. Les chapitres sont courts, l'écriture est précise et fluide. Le quotidien de la vie, le détail des choses, les références littéraires (à Proust) ou cinématographiques (Philippe de Broca ou Claude Sautet) sont omniprésents. Pour autant, je trouve que Elle marchait sur un fil est un roman qui manque d'épaisseur et ce n'est pas seulement parce qu'il ne compte que 201 pages. Non, il manque à Elle marchait sur un fil un je ne sais quoi de vertigineux. Du coup, il ne me laissera pas en bouche cette sensation de La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules. Dommage !
Elle marchait sur un fil de Philippe Delerm a été sélectionné dans le cadre du prix du meilleur roman 2015 des lecteurs de Points en avril 2015.
Elle marchait sur un fil - Philippe Delerm
- L'auteur & son style
- Le fil du roman
- Le manque d'épaisseur du livre (au sens propre mais surtout au sens figuré)
- Le fait qu'à peine refermé, on a oublié ce livre...
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- Titre : Elle marchait sur un fil
- Année de sortie : 2015
- Maison d'édition: Points
- Auteur: Philippe Delerm
- Nombre de pages : 216