Genre: shockumentary, trash, death movie (interdit aux - 18 ans)
Année: 2006
Durée: 1h33
L'histoire : Junk Films est une compilation de treize courts-métrages traitant du thème de la mort sous toutes ses formes. Déjà responsable de l'effroyable (mais néanmoins excellent) Orozco the Embalmer, le réalisateur nippon Kiyotaka Tsurisaki récidive et va toujours plus loin dans l'étalage de sa fascination pour les chairs putrides. Ici, la mort n'est vraiment pas du cinéma...
La critique :
Après Orozco the Embalmer et Des Morts, je viens aujourd'hui de clôturer définitivement un triptyque macabre sur Cinéma Choc. Certains vont penser que je suis légèrement obsédé par l'idée du trépas. Ce n'est pas faux et forcément, arrivé à un certain âge, on y pense plus souvent qu'à 20 ans. Mais revenons à Junk Films. Réalisée entre 1995 et 2004, cette série de courts documentaires nous emmène dans un funèbre voyage de la Thaïlande à la Colombie, en passant par l'Inde, le Japon ou la Palestine.
Dans un style de pur reportage et sans aucun artifice, Tsurisaki saisit l'instantané de différentes situations mortelles. Caméra au poing, le réalisateur ne lésine pas sur les images chocs et nous propose souvent des plans insoutenables. Pas de voix off, pas de musique. Juste les bruits de la rue et les attroupements qui se créent inopinément à la faveur d'un crime ou d'un accident.
Junk Films regroupe un ensemble de documentaires où ce n'est pas le réalisateur, mais la mort elle-même qui met et se met en scène. A ce sujet, comment ne pas être effrayé terriblement banales des villes thaïlandaises où Tsurisaki s'attarde un peu plus : le quotidien terrifiant de ces gens si pauvres qu'ils s'entretuent pour un rien. Âme sensibles, ce film n'est pas fait pour vous. Pour les autres, bienvenue en enfer ! Attention, SPOILERS ! Le premier documentaire se déroule à Krung Thep (Thaïlande) en mars 1997, où nous suivons une ambulance qui roule à tombeau ouvert.
Au milieu de la route, un homme git avec un trou béant au niveau du thorax. Alors que la foule des curieux commence à grossir, la police prélève les organes éparpillés sur la chaussée. Toujours dans cette ville thaïlandaise, d'autres cadavres sont filmés au plus près. Ce sont pour la plupart, des victimes mortes par armes blanches, que l'on aperçoit souvent abandonnées à côté des corps.
Après un bref détour à Santa Fe de Bogota (ville de notre vieil ami Orozco, l'embaumeur), où Tsurisaki filme un cadavre en décomposition en train d'être dévoré par des corbeaux, le réalisateur retourne en Thaïlande. A Phuket précisément, pour le "Vegetarian Festival". Un curieux rassemblement de milliers de personnes où certains se font percer les joues par des aiguilles géantes, des anneaux, des sabres même. Ainsi affublés, les participants à cette manifestation défilent dans les rues de la ville, jusqu'au temple, où ils déposeront des offrandes aux divinités. Dès lors, le réalisateur enchaîne avec une série de plusieurs reportages sur les accidents de la circulation dans différentes villes thaïlandaises.
Et là, il n'épargne aucun détail au spectateur : des corps de prisonniers de taules broyées, des victimes gisantes à moitié découpées, des organes éparpillés sur la chaussée... L'image la plus choquante étant certainement celle d'un homme dont le visage a été au trois quart arraché par le pare buffle d'un 4X4.
Dans sa dernière partie, le métrage bifurque vers le mondo. Tsurisaki s'intéresse à la communauté exhumant les cadavres de tous les défunts qui n'ont ni descendants ni famille proche afin d'enterrer les nouveaux morts. Enfin, le dernier documentaire qui nous est proposé, parle d'un jeune américain, David Atkeen, qui a trouvé la mort au Japon en septembre 1997, loin de son Kansas natal. Après son incarcération, les employés de la morgue nettoient précautionneusement ses ossements un à un et les déposent dans une urne qu'ils rendent à sa famille, via l'ambassade américaine.
Junk Films ne fait que confirmer la fascination pour le morbide de Tsurisaki, dont nous avions pu déjà nous rendre compte dans Orozco the Embalmer. En ce sens, il rejoint les réalisateurs allemands, Jorg Buttgereit et Marian Dora, qui affichent également un goût prononcé pour le macabre. Mais eux font des films de fiction qui, malgré leurs aspects lugubres et horrifiques, paraissent bien peu de chose à côté des images réelles de la mort.
Junk Films est un shockumentary terriblement humain, corporel et charnel. Et pourtant, si quelqu'un avait pu rapporter des images de l'enfer, nul doute qu'elles ressembleraient comme deux gouttes d'eau à celles qui nous sont proposées ici. La vision de ces corps disloqués, de ces chairs en décomposition, de ces vies tranchées net, est un sérieux coup de massue porté à notre dérisoire et chimérique sentiment d'immortalité. Oui, ça doit ressembler à ça, l'enfer... Cependant, c'est bien en ce bas monde que Tsurisaki a tourné ces terribles images. Se prend-t-il pour Dieu ? Je l'ignore.
En tout cas, cette accumulation d'images cauchemardesques et le choix de ne montrer que des victimes fauchées en pleine fleur de l'âge, ne me paraît pas anodin. La vie ne tient qu'à un fil, semble nous dire le réalisateur, en faisant l'implacable constat de la fragilité de l'existence humaine.
Tel un prophète de mauvaise augure, il semble nous avertir à nous tenir toujours prêts pour la Grande Faucheuse. Junk Films est un recueil mortuaire intolérable. Intolérable car les prochains "clients" de Kiyotaka Tsurisaki, ce sera moi, ce sera nous tous, tandis que l'idée même de notre propre disparition, bien que programmée et inéluctable, nous apparaît comme insupportable.
Atroce, choquant, abominable, Junk Films l'est assurément. Comme tout ce qui est vrai et qui comporte une vérité difficile à admettre, le documentaire de Kiyotaka Tsurisaki fascine autant qu'il révulse. Le réalisateur nous brosse un portrait sans fard de la mort dans les différentes formes qu'elle peut prendre, mais dont l'issue est toujours la même. Définitive.
Note : ?
Inthemoodforgore