Fight Club (Chaos, confusion, savon)

Par Olivier Walmacq

genre: thriller, inclassable (interdit aux - 16 ans)
année: 1999
durée: 2h19

l'histoire : Le narrateur, sans identité précise, vit seul, travaille seul, dort seul, mange seul ses plateaux-repas pour une personne comme beaucoup d'autres personnes seules qui connaissent la misère humaine, morale et sexuelle. C'est pourquoi il va devenir membre du Fight club, un lieu clandestin ou il va pouvoir retrouver sa virilité, l'échange et la communication. Ce club est dirigé par Tyler Durden, une sorte d'anarchiste entre gourou et philosophe qui prêche l'amour de son prochain. 

La critique :

Dans les années 1990, David Fincher est déjà un réalisateur reconnu dans le cinéma hollywoodien. En effet, le cinéaste s'est distingué avec Alien 3, certes assez critiqué au moment de sa sortie, et surtout avec Seven, qui a marqué durablement les esprits. En 1999, avec Fight Club, David Fincher adapte le roman éponyme de Chuck Palahniuk avec un réel enthousiasme.
Au niveau de la distribution, le long-métrage réunit Edward Norton, Brad Pitt, Helena Bonham Carter, Meat Loaf, Zach Grenier, Jared Leto et Eion Bailey. Pour ce qui est du casting, David Fincher fait appel à Russel Crowe pour interpréter Tyler Durden. Mais entre temps, l'équipe technique du film rencontre Brad Pitt, finalement préféré à Russel Crowe.

Pour le rôle du narrateur anonyme, David Fincher et ses acolytes pensent à Matt Damon, puis à Sean Penn. Mais, au même moment, le réalisateur est séduit par la performance d'Edward Norton dans Larry Flynt. L'acteur est donc engagé pour le film. Même remarque concernant le rôle de Marla Singer. Plusieurs actrices seront approchées : Janeane Garofalo, Winona Ryder, Courtney Love et même Reese Whiterspoon. Finalement, c'est Helena Bonham Carter qui écope du personnage.
Au moment de sa sortie au cinéma, Fight Club suscite la controverse. Certaines critiques y voient un film mysogine qui ressemble étrangement aux produits (la consommation en générale) qu'il dénonce. 
D'autres le considèrent comme un film novateur, totalement original et à part entière dans le système hollywoodien.


Fight Club ne remporte pas un immense succès dans les salles obscures. Pire encore, Fight Club est même un échec commercial et un four retentissant pour David Fincher. Heureusement, le long-métrage va se rattraper par la suite et se forger une solide réputation au fil des années. Aujourd'hui, Fight Club est même classé parmi les films cultes et les classiques du cinéma américain.
Attention, SPOILERS ! Le narrateur, sans identité précise, vit seul, travaille seul, dort seul, mange seul ses plateaux-repas pour une personne comme beaucoup d'autres personnes seules qui connaissent la misère humaine, morale et sexuelle. C'est pourquoi il va devenir membre du Fight club, un lieu clandestin ou il va pouvoir retrouver sa virilité, l'échange et la communication.

Ce club est dirigé par Tyler Durden, une sorte d'anarchiste entre gourou et philosophe qui prêche l'amour de son prochain. Tout a été dit ou presque sur Fight Club. Un film sur la société de consommation, un film anarchiste et révolutionnaire et même une oeuvre fasciste pour certains. Incontestablement, Fight Club est une véritable diatribe contre notre société consumériste, mais pas seulement.
En vérité, le film se focalise surtout sur les conséquences néfastes de la mondialisation et du capitalisme triomphant, nous transformant en individus hédonistes et égotistes. Avec Fight Club, David Fincher nous propose un périple malsain dans l'esprit malade de son personnage principal.

D'ailleurs, celui-ci (interprété par Edward Norton) n'a pas de nom. Ce qui n'est pas un hasard. Ce héros morose et taciturne mène une vie parfaitement réglée et agencée, avec une activité professionnelle fastidieuse. Ce personnage n'est qu'un individu lambda et un vulgaire quidam parmi tant d'autres, à la recherche (comme tout le monde) du bonheur existentiel.
Vaste chimère. C'est à partir de là que le narrateur va faire la connaissance de Tyler Durden. Cette rencontre va bouleverser sa petite existence monotone jusqu'à provoquer l'inéluctable : la dislocation totale de son esprit. David Fincher réalise alors un sorte de trip sous acides dans le cerveau chaotique de son héros principal.

Car en dehors de la critique au vitriol de la société consumériste, le film brosse avant tout le portrait d'un schizophrène. Finalement, l'affiche de Fight Club résume bien de quoi il en retourne : chaos, confusion, savon. Bienvenue dans la dissociation mentale qui se traduit ici par des idéations, des raptus violents, des crises clastiques, une tendance pathologique à la quérulence et la perte de tout contact avec la réalité ; comme si l'hémisphère droit du cerveau n'était plus connecté à l'hémisphère gauche !
C'est probablement pour cette raison que le film cherche constamment à distiller un sentiment de malaise et de souffrance au spectateur. Celui-ci est littéralement pris à la gorge par cette succession d'images obscènes. C'est par exemple le cas de cette séquence se déroulant dans un cinéma, avec des enfants qui assistent impuissants à une suite de priapées particulièrement indécentes.

Bienvenue dans l'esprit de Tyler Durden ! Evidemment, cet individu pittoresque, sorte de gourou charismatique, et chef du Fight Club, n'est qu'un personnage fictif, une création de l'aliénation mentale du narrateur anonyme. Pour celui-ci, Tyler Durden représente l'idéal du moi : un homme au physique attractif, à la fois sec, gracile et musclé, qui sait se faire entendre et respecter auprès du monde qui l'entoure. Paradoxalement, ce personnage tance, vitupère et admoneste notre société moderne.
C'est aussi pour cette raison qu'il crée le Fight Club avec tout un ensemble de préceptes assez simplistes. Auprès de ses prosélythes, Tyler Durden glose, pontifie et pérore contre notre société consumériste. Ce n'est pas nous qui consommons les produits et les objets, mais l'inverse.

Nous vivons désormais dans un monde où ne règne plus aucune idéologie dominante, hormis celle du capitalisme triomphant. La globalisation et ses effets délétères ont transformé l'individu en une sorte de cacochyme et de consommateur apathique, avachi, couard et égocentrique. Pire encore, cette société consumériste nous conduit inéluctablement vers un état de déréliction, de décrépitude totale et à la paupérisation de la population, en particulier la classe moyenne et/ou populaire.
Finalement, l'hébéphrénie mentale du narrateur n'est qu'une subséquence des effets pervers de la mondialisation. Nous sommes tous malades, des aliénés en puissance, recroquevillés sur nous-mêmes et donc en proie à la dépersonnalisation.

En ce sens, Fight Club est bien un film révolutionnaire et même anarchique. Face à cette société chaotique qui conduit inexorablement à la faillite intellectuelle et à la neurasthénie mentale, le narrateur prône la destruction, l'annihilation et la néantisation totale de ce monde illusoire. David Fincher opacifie son propos en cornaquant son héros dans les méandres les plus obscurs de la société américaine.
C'est par exemple le cas lorsque le narrateur se rend dans des réunions de cancéreux au destin funeste. Le caractère mysogine du film est tout à fait justifié. En l'occurrence, Marla Singer apparaît comme une sorte de péronnelle qui subit (de façon passive) la violence, l'autodestruction et les satyriasis de son nouvel amant. Elle assiste, impuissante, à la lente déliquescence du narrateur.
Finalement, elle n'a aucun rôle majeur dans le film ni aucune influence. Mais ne soyons pas trop sévères. Pour une fois qu'un film hollywoodien sort des conventions habituelles, il serait tout de même dommage de faire la fine bouche. En l'état, David Fincher réalise un film totalement inclassable, étrange, souvent assez malsain, mais toujours passionnant, et tenant le spectateur en haleine jusqu'à sa conclusion finale, elle aussi chaotique...

Note: 18/20

 Alice In Oliver