Aujourd’hui, je vous propose de découvrir deux romans de Stephen King. Sans plus tarder, voici ce que j’en ai pensé:
A l’origine, j’ai voulu lire cette nouvelle car elle est signée Stephen King; et aussi, parce qu’elle a inspirée une série que j’aime beaucoup ( et que je n’ai pourtant jamais chroniquée), Haven.
Je savais que cette dernière se démarquait totalement de l’œuvre donc je m’attendais à ce que ça soit différent. Quand on est prévenu, ce n’est pas grave; rien à voir avec Under the dome par exemple confirmant ma règle: toujours lire le roman avant de voir l’adaptation. Heureusement, c’est que j’ai fait!
Bref, le seul point commun entre Haven et le Colorado Kid c’est bien entendu l’affaire du même nom; la stagiaire Stef qui m’a fait penser à Claire mais surtout Vince et Dave, les patrons fantasques du Herald Magazine.
Dans la vie réelle, le nombre d’histoires véritables – avec un commencement, un milieu et une fin – est très réduit. Mais si vous savez donner à vos lecteurs un seul élément inexpliqué (deux, au grand maximum), et que vous balancez ce que Dave Bowie ici présent appelle du « ça tombe sous le sens », alors le lecteur se racontera lui-même une histoire.
Les deux compères ( et frères) sont des personnages très attachants et comiques que ce soit dans la série ou dans le livre d’ailleurs. Caractériel, pince-sans-rire, curieux, « à l’ancienne », » chients et chats », sont des mots qui me viennent immédiatement à l’esprit quand je pense à eux.
Avec le recul, je me dis qu’il n’y a que John Irving et SK pour inventer des personnages pareils. Des hommes plutôt ordinaires voir quelconques mais qui ont un truc en plus. Un don, une certaine habileté , une personnalité qui éclipse le reste ou qui le magnifie d’une certaine façon. C’est le cas de Vince et Dave.
On pourrait se demander quelle mouche a piqué SK pour mettre deux vieillots sur le devant de la scène. De quoi, pourraient-ils bien nous parler? Que pourraient-ils nous apprendre? L’art de la patience pour commencer; et remettre au gout du jour l’expression » pour sûr » à chaque début de phrase ( Pour sûr, moi j’adore!). Mais surtout et plus sérieusement, ils veulent susciter, éveiller notre curiosité. Vous savez cette curiosité qui pousse le lecteur à tourner avidement la page suivante pour savoir la suite; à découvrir qui est le fameux Colorado Kid et qui l’a tué. Cependant, il est possible que ce ne soit pas l’arrivée le plus important mais la traversée. Vous me suivez?
Je vois dans cette nouvelle un hommage aux romans notamment policiers; ce genre de romans qui tient en haleine le lecteur. Il met en évidence aussi notre besoin quasi obsessionnel de vouloir tout savoir et ce, tout le temps. Sous peine, d’être déçu quand il n’y a que des demi- vérités, des suppositions et non, des faits avérés. D’où vient ce besoin de tout savoir? Ou de vouloir tout savoir plutôt?
Stephen King dit à un moment qu’il vaut mieux vouloir savoir que savoir. Il dit même que » c’est la beauté du mystère qui nous permet de rester sains d’esprits ». Je dois dire que j’aime cette idée car souvent il m’arrive d’être déçu à l’annonce du meurtrier car soit un, je le savais déjà ou de deux, il se révèle pas à la hauteur du crime et de trois, c’est trop évident, banal.
Mais, SK a l’air d’avoir une autre hypothèse, une raison presque thérapeutique de ne pas toujours savoir. Le fait de ne pas savoir nous préserve? Est-ce parce que le fait de ne pas savoir stimule notre imaginaire? Ou bien de ne pas savoir rend tout possible, n’est-ce pas le vœu pieux de tout lecteur?
J’écris pour découvrir ce que je pense.
( Stephen King)
Je n’ai pas de réponse à vous donner. Lisez Le Colorado Kid et vous verrez par vous-mêmes. Je me rends compte que cette nouvelle tient plus de l’essai que de la nouvelle quelque part. D’ailleurs, l’ouvrage m’a marqué sans que je sache vraiment dire pourquoi.
J’ai adoré le dernier propos de Stephen King qui donne au final tout son sens, sa beauté et sa légitimité. Par contre, si cela n’avait pas été fait j’aurai eu l’impression de rester sur ma faim avec presque l’envie de crier au scandale tant la couverture nous vendait autre chose.
Je vais commencer par souligner la réussite de la couverture et de la quatrième couverture. Il semblerait que Albin Michel est retenu la leçon après les critiques reçues pour celle de Joyland. La couverture est fidèle au récit mais si on voulait être tatillon, on peut regretter l’élément spoiler. Ceci dit, le roman le révèle assez vite alors pas vraiment de révélations faramineuses.
Commencer un livre de SK c’est la garantie de ne plus le lâcher. Et, autant vous avertir de suite, Mr Mercedes ne déroge pas à la règle. L’écrivain a le chic pour construire son histoire, accrocher son lecteur avec ses personnages toujours plus humains; quitte parfois à changer complétement d’ambiance après un chapitre affolant.
La vérité c’est l’obscurité et la seule chose qui importe c’est de produire son manifeste avant de s’y enfoncer. Inciser la peau du monde pour y laisser une cicatrice. Ce n’est que ça, après tout, l’Histoire : du tissu cicatriciel. »
Dés le premier chapitre, SK ne lésine pas sur les détails et sur la profondeur des personnages. Le décor y est aussi pour quelque chose: un coin d’Amérique comme tant d’autres rongée par la crise économique et notamment, le chômage. Le lecteur se dit alors qu’il aura droit à une critique sociale de notre société actuelle mais, SK l’écrivain d’horreur n’est jamais loin. Ses expressions tellement politiquement incorrectes mais tellement kingiennes non plus. Cette fois-ci, vous aurez droit à de la » confiture de fraise » mais d’un genre particulier.
On aime aussi les références à Grippe Sou ou à Christine: ses premiers livres, ses plus grands succès….bref en dirait un retour aux sources.
Eh oui, on bascule vers l’horreur en même temps, à quoi vous vous attendiez avec lui? Cependant, l’écrivain a plus d’un tour dans son sac et après nous avoir livré une fin de premier chapitre terrifiant, la pression retombe ou presque. Oui, SK joue avec nos nerfs; et c’est pas nouveau non plus!
On est à mi-chemin entre un épisode d’Esprits Criminels et des romans noirs américains. L’auteur prend vraiment le temps d’introduire ses personnages, méchant ou gentil d’ailleurs. Et puis, il y a l’enquête qui piétine; et le récit alternant les pensées de Mr Mercedes et du vieux flic retraité.
Néanmoins, l’horreur ici prend un visage très contemporain. En effet, on est pas dans l’horreur pure et dure mais dans quelque chose de plus sournois. A travers elle, c’est une remise en question sociale qui se pose. Le portrait d’une Amérique, de l’illusion du rêve américain, de la déficience ou/et de l’absence du lien familial. La société a elle aussi sa part responsabilité, pleine de préjugés; et de son incapacité à venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin. Comme si au fond, tout le monde avait fini par lâcher l’équipe comme dirait SK.
A travers la psychologie des personnages, c’est SK qui s’interroge sur son pays et sur le monde entier peut-être aussi. Qu’avez-nous raté? Qu’aurions-nous pu faire pour éviter d’engendrer des Mr Mercedes?
Et d’un côté et c’est que je remarque de plus en plus chez l’auteur, c’est qu’il y a toujours une note d’espoir d’ailleurs peut-être un peu plus que dans ses œuvres précédentes que je trouvais particulièrement sombres. Néanmoins, d’un autre côté, il dit aussi que l’espoir aussi minime soit-il est (bien trop) souvent payé au prix fort…