" Derrière les mélodies irrésistibles des Beach Boys, il y a Brian Wilson, qu’une enfance compliquée a rendu schizophrène. Paul Dano ressuscite son génie musical, John Cusack ses années noires, et l’histoire d’amour qui le sauvera."
Alors que la moitié de l’année est passée, que remplir un top 10 est pour l’instant impossible, que le cynisme s’invite en masse dans nos salles sous la forme de suites honteuses de sagas cultissimes, et que le public semble en redemander, il est temps de se poser. De se demander si l’on veut supporter ça. Ma curiosité maladive me pousse à aller voir le désastre en salles, mais pour ne pas tenter le diable (ou toi cher lecteur), je retiendrai ma prose à propos de ces films. Et je vais vous inciter à aller en voir d’autres. Des films dont j’ai entendu parler deux semaines avant leurs sorties. Des films qui ne me parlent pas forcément sur le papier, mais vers lesquels je vais me tourner. Et aujourd’hui, je vais vous parler du biopic du leader des Beach Boys, Love and Mercy.
Pour commencer, je dois vous dire que je ne connais pas les Beach Boys. Enfin, je connais de nom, et j’ai dû entendre certains de leurs tubes à la radio. Je ne suis familier ni avec leur univers musical, ni avec l’histoire du groupe. Et c’est cette méconnaissance du groupe qui m’a bloqué face au film, et me fait dire que ce n’est pas un film à adresser à un néophyte qui voudrait se plonger dans le groupe (à l’inverse de films comme Walk The Line ou Cloclo).
Le film évolue sur deux time-lines différentes, l’une à l’époque de la création de l’album Pet Sounds (dont j’ignorais l’existence même avant de voir le film, je sais j’ai une culture à me faire) et une autre des années plus tard, lors de la rencontre entre Brian Wilson (le protagoniste principal donc) et Melinda Ledbetter, une femme qui changera sa vie. Et ici arrive le problème principal, la construction du récit.
Loin d’avoir choisi les mauvaises époques (voir un génie au sommet de sa gloire et au fond du trou c’est très intéressant narrativement), le réalisateur Bill Pohlad, dont c’est la première réalisation (et qui s’en sors assez bien) mais qui a produit quelques excellents films (comme Brokeback Mountain, Into the Wild, The Last Show et The Tree of Life) et quelques autres pas forcément aussi géniaux (comme The Runaways, Fair Game ou Wild le film préféré de @tanguybosselli ), équilibre très mal ces deux périodes. Ainsi, on assiste à un making of accéléré de l’album dans une des time-lines, là où on voit plus en détail la psyché du personnage dans l’autre.
Mais le problème c’est que chacune des time-lines mérite son film. D’un côté celle de Pet Sounds, avec Paul Dano dans le rôle principal, aurait été idéale à développer pour un biopic plus classique, entièrement centré sur l’aspect musical et qui aurait effleuré les parts d’ombres du personnage et l’autre, menée par John Cusack (dans le rôle du sosie de Lee Pace et de James d’Arcy dans Broadchurch (si si je vous assure la ressemblance est frappante)), aurait pu être celle de l’Homme déchu, coincé entre des gens qui veulent son bien, et d’autre tentant d’exploiter son génie passé en ayant une immense emprise sur lui. Et le défaut du film est de mêler ces deux aspects, mais en arrivant jamais à intéresser complètement le spectateur étranger à ces évènements (j’ai d’ailleurs été voir le film avec un fan des Beach Boys qui, lui, a adoré le film justement pour les renseignements complémentaires qu’il apporte sur une période avec laquelle il était déjà familier).
Mais au-delà de cet aspect extrêmement rebutant, le film reste très intéressant. S’il ne passionne jamais par rapport à ces périodes, et que l’on ne ressent pas de frissons à l’idée d’un album culte qui serait en production, il contient un aspect « informatif » qui, lui, empêche le spectateur de se détacher complètement du récit. Mené par une cohorte d’acteurs plus qu’excellents, avec en tête les performances de Dano et Cusack, tellement justes que l’on a l’impression d’être face au même acteur, on se rend bien compte des méthodes de travail de Wilson, de ses sentiments, et de la manière dont il est manipulé et quasiment privé de son identité à une certaine période de sa vie.
La grande force du film (qui lui vaudra certainement une nomination aux Oscars), c’est le son. Il est très rare (et surtout pour un film à budget plus limité qu’un blockbuster) de voir un film où l’intégration de l’élément sonore est aussi bien pensée. L’utilisation du son colle non seulement bien au sujet, mais permet une immersion émotionnelle souvent complète lors des séquences où il est le mieux utilisé (le début du film rappelle d’ailleurs légèrement l’intro de Zero Dark Thirty, dans l’implication émotionnelle qui est requise de la part du spectateur. Donc si vous voyez le film, voyez-le dans les meilleures dispositions sonores possibles, sinon vous raterez quelque chose.
Si le grand défaut de Love and Mercy est d’être un film peu accessible aux néophytes, il ravira sûrement les grands fans du groupe, de par son aspect non conventionnel, et via les périodes qu’il traite. Moins intéressant pour les non-initiés, il sera tout de même intéressant pour son aspect informatif sur l’histoire du groupe.