Retour en enfance.
« L’idée n’était pas de se glisser dans les chaussures de John Williams, mais de créer de nouvelles paires » déclare avec humour Colin Trevorrow au sujet de la marche à suivre par le compositeur Michael Giacchino sur ce Jurassic World. Cependant, les intentions les plus simples sur le papier ne sont pas moins les plus délicates à mettre en œuvre. S’affranchir de l’héritage légué par son créateur tout en commémorant l’esprit, voilà le délicat défi que se doit de relever celui qui avait brillamment succédé à Jerry Goldsmith sur la franchise Star Trek. Mais si elle peine à égaler la gracile virtuosité williamsienne lorsque cette dernière s’invite à la fête, sa signature s’impose en revanche d’elle-même lorsque elle se libère de cette encombrante ascendance pour laisser son sens de la mélodie, du gimmick (le menaçant motif au tuba présentant l’Indominus Rex) et de la combustion orchestrale (Chasing Dragon, Raptor Your Heart Out, Costan Rican Standoff) marquer plus concrètement son territoire. Ainsi, à la différence de Don Davis, qui avait parfaitement assimilé le style du maître au point de s’y effacer totalement, Giacchino choisit de mesurer sa force à celle du vieux dinosaure en proposant une discrète et belle alternative musicale à son univers. (4/5)
Avant d’entamer ses fouilles sur la terre des dinosaures, Michael Giacchino se lançait à la poursuite de demain, « quelque part entre le romantisme de Richard Strauss et le minimalisme de John Adams ». Deux points cardinaux pertinents au regard l’univers déplié par Brad Bird au sein duquel se détache la silhouette du prédicateur Zarathoustra, dont la poésie, traduite en note par Strauss en 1896, est venue par la suite couvrir l’odyssée spatiale peinte par Stanley Kubrick en 1968. Avec ce Tomorrowland, le compositeur, s’inspirant également du désordre symphonique et de l’Harmonium de choeur dirigé par Adams (très prégnant dans la scène se déroulant dans la sphère de tachyon projetant le futur de l’humanité), vogue donc avec ardeur sur l’ode de l’idéalisme romantique, fort d’un thème enchanteur transporté par une joviale canonnade de cuivres. À l’image de ce qu’il avait pu composé pour les deux derniers Star Trek, cette trépidante partition, mariant le lyrisme au ludisme, s’impose rapidement comme un petit bijou d’écriture du merveilleux et de l’action (All House Assault, The Battle Of Bridgeway). (4.5/5)
Retrouvant son ami de Là-Haut, Michael Giacchino stimule notre îlot des plaisirs avec un nouveau kaléidoscope de couleurs, un manège enchanté miroitant une délicate berceuse dont le cœur battant au rythme de quelques frêles notes de piano fait éclore une inoubliable mélodie. Confiant la gestion de son attraction à Tim Simonec, son fidèle orchestrateur qui fit éclater l’an passé son Big Band sur l’inoubliable Whiplash, le compositeur fait pétiller dans nos oreilles mille est une émotion, son talent traversant, de manière bien malicieuse et toujours avec allégresse, les plaines du jazz (totalement libéré de ses chaînes avec le fiévreux Abstract Thought), les ambiances poupines (Imagination Land) et de frissonnants sommets d’émotions (Rainbow Flyer) avant d’amerrir sur une mer vibrante de mélancolie. Ainsi, sans jamais faiblir, même lorsque l’effervescence de la fanfare laisse place à la nuit, ce magnifique carrousel continue de rayonner de son immortelle lumière sur ce parc au sein duquel s’épanouit encore notre âme d’enfant, laissant alors en nous le souvenir impérissable d’un inoubliable moment de bonheur musical. (5/5)