Un cinquième volet inégal mais porté par un Schwarzenegger en état de grâce.
Soyons clairs, Terminator Genisys est un film intéressant. Intéressant car représentatif du cinéma hollywoodien de son époque, aussi bien dans ses qualités que dans ses pires travers. Il semble d’ailleurs en avoir conscience, notamment en adaptant son intrigue à son contexte de sortie. Grâce au postulat d’un passé modifié par rapport à celui du premier volet de James Cameron, Kyle Reese (Jai Courtney) rencontre une Sarah Connor (Emilia Clarke) déjà transformée en grande guerrière, épaulée depuis son enfance par un T-800 (Arnold Schwarzenegger). Ensemble, ils parviennent à se rendre en 2017, année de diffusion de Genisys, un système d’exploitation centralisant plus d’un milliard d’appareils électroniques, qui n’est autre qu’une forme déguisée de Skynet. En demeurant l’un des meilleurs représentants cinématographiques du fantasme d’un soulèvement informatique, il était logique que la saga se tourne du côté de l’ultra-connectivité de notre monde, non sans une ironie involontaire. En effet, Hollywood est tout particulièrement concerné par cette évolution de l’information, l’obligeant au fil des années à repenser ses méthodes marketing. Ce nouveau Terminator est alors un exemple évident d’une promotion ratée, oscillant entre affiches d’une rare laideur et gros spoils dans ses bandes-annonces. Des erreurs impardonnables qui ont poussé le public à détester le film avant même de l’avoir vu, reflet des critiques souvent sentencieuses que permettent Internet et les réseaux sociaux.
De ce fait, devant cet accord tacite d’une grande partie des spectateurs quant à la qualité du métrage, on ne peut qu’être agréablement surpris face à ce Genisys. Certes, il est loin d’être parfait, mais il a au moins le mérite d’aller au bout de ses idées, conscient de ses limites sans jamais qu’elles ne le détruisent de l’intérieur. Pour une fois, le manque d’originalité des producteurs s’avère payant. Plutôt que de se perdre dans une volonté de renouveau qui ne ferait que violer la franchise, Paramount a joué la carte d’un reboot déguisé assez malin pour créer un lien rapide avec le public. En reprenant au plan près certaines séquences des deux premiers volets de James Cameron, le réalisateur Alan Taylor accentue le cas particulier de cette réécriture, mettant en avant les ressemblances narratives pour mieux montrer les virages qu’elle va opérer par la suite. Plus encore que Jurassic World, Teminator Genisys se révèle passionnant quand il s’assume comme un fan-film, modèle qui se démocratise à Hollywood au fil des années, et dont les productions de 2015 semblent atteindre une forme de paroxysme. Grâce à ses thèmes, la saga s’est toujours présentée comme une métaphore des possibilités offertes par le septième art. Il n’est que l’emprisonnement d’une parcelle d’espace et de temps et ne se focalise que sur la partie d’un tout. Les personnages, eux, cherchent justement à rejoindre cette parcelle pour voir au-delà, mais aussi pour la réécrire, comme une mauvaise page de script qu’il suffirait de refilmer sous un autre angle. Dès lors, Genisys utilise avec intelligence la notion de grammaire cinématographique la plus importante de son projet : le hors-champ. Avec un profond respect pour l’œuvre d’origine et une certaine humilité, le film dévoile enfin ce que le fan rêvait de voir depuis longtemps, en s’inspirant notamment des designs et story-boards abandonnés par Cameron (à commencer par la machine à voyager dans le temps).
Malheureusement, le film s’avère beaucoup plus bancal quand il s’éloigne de ses modèles pour dessiner sa propre voie. Incapable de gérer la complexité de son récit, Taylor succombe à un humour souvent réussi mais beaucoup trop omniprésent, qui empêche aux enjeux de prendre de l’ampleur. C’est d’ailleurs là que le bât blesse : malgré ses scènes d’action à la mise en scène correcte, sa 3D plutôt bien pensée et son hommage sincère à ses origines, Terminator Genisys ne parvient pas à marquer les esprits comme les deux premiers épisodes. La faute sans nul doute à un emploi abusif de certains travers du blockbuster moderne, à savoir une légèreté de ton made in Marvel qui tue la gravité de la situation, ainsi qu’un rush de l’intrigue parfois exaspérant. Néanmoins, le long-métrage demeure cohérent dans son ensemble, et remplit son devoir de suite en poussant encore plus loin certaines approches thématiques, notamment en ce qui concerne l’humanité du T-800, surnommé par Sarah Connor « Papy ». Si le cinéaste joue du visage ridé et des cheveux blancs d’Arnold Schwarzenegger, ce n’est que pour mieux l’iconiser, afin de lui rendre ce statut de héros qui lui a toujours appartenu. La réussite de ce cinquième volet est indéniablement due à l’implication de son acteur lucide et touchant, conscient qu’il n’est plus celui que la pellicule a immortalisé par le passé. L’évolution du personnage, qui tente de devenir de plus en plus humain avec une maladresse amusante, s’accorde à ce clin d’œil complice en direction du spectateur, comme si Terminator Genisys brisait le quatrième mur le temps d’admettre qu’il est un film nostalgique. A partir de ce moment, le corps de Schwarzy devient une sorte d’allégorie de la notion d’héritage inhérente à la franchise, et aux suites en général, trouvant son plus beau moment dans un duel entre le T-800 originel, retouché numériquement, et le modèle d’aujourd’hui, « vieux mais pas obsolète ». Après tout, cela fait depuis 1984 qu’il nous disait qu’il reviendrait.