Massacre à la tronçonneuse, réalisé par l'américan Tobe Hooper, est ressorti ce 29 octobre 2014 dans les salles françaises en version restaurée, pour fêter les 40 ans de sa sortie originale. N'ayant jamais vu le film avant la semaine dernière sur grand écran, je me sentais un peu obligé d'en parler pour partager mon expérience. Bien sûr, si vous n'avez pas vu le film, ne lisez pas cet article, sauf si il vous importe peu qu'une grande partie de l'intrigue vous soit révélée.
La première chose dont on se rend compte quand on voit le film, c'est que l'idée reçue d'un film très gore que l'on a est en fait totalement fausse. Très peu de gouttes de sang seront versées durant ces 1h23 intensives. Pas plus qu'on ne verra de membres arrachés ou autres choses du genre. Mais alors d'où vient cette réputation ? Si le film n'est pas gore, il n'en est pas néanmoins très puissant. Car la surcharge d'horreur est bien là, mais la plupart du temps bien plus suggérée que montrée frontalement.
D'abord, le scénario est construit comme une montée en puissance, qui commence par une chute de fauteuil roulant et qui finit sur un homme fou " dansant " avec une tronçonneuse accompagnée d'un son qui restera longtemps ancré dans la tête du spectateur. Mais revenons en au départ. Dès le début, le réalisateur souhaite installer une ambiance glauque, avec de très rapides plans sur ce qui semble être des parties d'un corps putréfié. De cette façon, le spectateur n'est pas sûr de ce qu'il voit, rendant ces images très suggestives et laissant ainsi la place à son imagination. Le générique fonctionne sur le même modèle, avec des images abstraites rouge sang. Commence ensuite l'histoire. Les 5 jeunes protagonistes principaux traversent le Texas dans un van. Si la chute de l'un d'eux est un très faible annonciateur de l'horreur qui suivra, leur rencontre avec un homme plus que louche qui finira par ouvrir le bras de l'un d'entre eux à coup de couteau est déjà beaucoup plus claire. Déjà, on comprend que quelque chose ne va pas. L'effet est accentué par de lent travellings n'ayant pas vraiment de but à part celui de sous-entendre que quelque chose n'est pas normal, ou certains plans (je me rappelle d'une étrange contre-plongée vers la Lune lors d'un passage dans une station-essence). Le contraste avec la situation des jeunes et surtout des 2 couples qui semblent très heureux crée une ambiance de malaise très inquiétante. Mais à ce moment là, l'horreur n'a pas encore commencé.
La dernière partie est celle ou Leatherface et sa famille tentent de se débarrasser de la dernière survivante : Sally. A ce moment, le travail fait sur le crescendo de la tension a normalement porté ses fruits et le spectateur est à 100% dans le film. Il y a d'abord une un peu trop longue course-poursuite entre un Leatherface brandissant sa tronçonneuse avec plus de vigueur que jamais et Sally, filmée de nuit à travers des arbres squelettiques, mais qui ne fait pas sortir le spectateur du film tant tout est encore très bien exécuté par le réalisateur malgré la longueur de la scène. Après s'être fait récupérée par le père de Leatherface dans la station-essence du début et avoir observé longuement des morceaux de viandes en train de griller encore une fois très suggestifs, Sally va alors participer à un dîner très particulier, qui est pour moi l'apogée du film. Tout dans cette scène est extrêmement dérangeant, glauque et horrible. Les plans en plongées et les gros plans sur les yeux de Sally, le décor sombre et morbide, la musique puissante, les trois personnages de fous ultra-perturbants et l'arrivée du grand-père qui l'est encore plus. L'horreur est à son maximum. Alors quand Sally arrive à s'enfuir par une fenêtre et cri à genou dans la poussière le visage recouvert de sang, le spectateur ressent déjà une certaine délivrance. La course-poursuite finale reste toujours horrible et très bien faite, mais sentir que la fin approche apporte un certain soulagement. Pourtant, les derniers plans sur un Leatherface plus fou que jamais, ayant perdu sa proie, nous montre que l'horreur n'est jamais finie et achève le spectateur. Comme dit plus haut, le film se coupe sur un son de tronçonneuse d'une puissance rare, nous marquant à jamais.
Créé avec un très faible budget et dans des conditions rudimentaires (la tronçonneuse était une vraie et l'acteur a manqué de se tuer au moins une fois), Massacre à la tronçonneuse est un chef d'oeuvre de l'horreur, un film matriciel pour tous les suivants à venir. Dans notre époque où la visualisation de la violence et de l'horreur s'est en quelque sorte banalisée, le film a certes perdu de sa puissance, mais on ne peut qu'imaginer le choc qu'il fut à sa sortie et comprendre ainsi qu'il ait mis si longtemps à sortir dans certains pays pour cause de censure (8 ans après la sortie originale en France par exemple). Bravo Mr. Hooper.