M. Night Shyamalan, c'est quelques grands films au début des années 2000 (on rajoutera au moins Le Village à la liste du titre) puis une suite de déceptions jusqu'à aujourd'hui. Mais malgré cela, on espère encore qu'il reviendra un jour avec un film de la qualité de ceux dont nous allons parler dans cet article, car le génie qu'il avait à cette époque ne peut pas être définitivement perdu. J'ai décidé de réunir ces trois films car je trouve qu'ils forment un ensemble très cohérent, presque comme une trilogie.
Tout commence en 1999, avec le film qui l'a révélé et qui reste aujourd'hui celui pour lequel il est le plus connu, Sixième Sens. Pour moi, ce qui fait de ce film et des deux suivants des films presque parfaits tient au fait que Shyamalan contrôle tous les éléments qui font qu'un film serra bon ou pas. Le plus important étant qu'il est à la fois le scénariste et le réalisateur de ces films. Ce qui impressionne d'abord chez Shyamalan, c'est l'atmosphère, la sensation de réalisme. Car si ces trois films sont des films surnaturels, ils commencent tous de façon normale, dans un monde en apparence comme le notre (si on pense qu'il n'y a pas d'événement surnaturels dans notre monde). Cette impression de réalisme est due à des plans longs, un jeu d'acteur très sobre (presque dans le sous-jeu) et une photographie belle et naturelle. Shyamalan veut nous faire croire que son monde est notre monde et que ces personnages sont les mêmes que l'on croise dans la rue tous les jours.
Cette ambiance va ensuite servir le film, car à chaque fois que le surnaturel pointe le bout de son nez, on est d'abord perplexe, dans le doute, comme le personnage principal dans les 3 films d'ailleurs. Est-ce qu'il y a vraiment des fantômes ou c'est juste le petit qui hallucine ? Ce mec est un super-héros ou il a juste eu de la chance ? Les extra-terrestre envahissent la terre ou c'est juste encore la télé qui raconte des conneries ? Ce passage de doute est très important puisqu'il représente ce que tout être humain ressentirait dans ce genre de situation. Et quand il s'avère que les fantômes, les super-héros ou les extra-terrestre existent bien, on y croit. En tout cas moi j'y crois, même si j'ai beau être dans la vie quelqu'un de plutôt " scientifique " et athée. Cette sensation de merveilleux, d'incroyable qui devient réel, est l'une des plus belle que j'ai ressentis au cinéma et peut-être le plus grand charme des films de Shyamalan.
Cette ambiance réaliste est aussi celle qui va donner aux scènes horrifiques leur effet, particulièrement dans Signes et dans Sixième Sens. On est avec les personnages, à leur place et y on croit, on a peur avec eux.
Même si Shyamalan mise sur le réalisme, ce n'est pas pour autant que sa mise en scène n'est pas inventive et remplis de plans excellents et ingénieux. Je pense ici au travail sur les mouvements de caméra entre les personnages, souvent en plan séquence. Ou aux cadrages ayant une influence sur notre vision des personnages (les plans en plongée avant que Cole ne rentre à l'école dans Sixième Sens, ou les plans sur-cadrant David Dunn au début d' Incassable). Comme dit plus haut, la photographie est souvent très belle et le montage fait toujours son effet, que ce soit la peur, l'émotion ou l'association d'idées. Tout ceci participe à une esthétique, un style Shyamalan assez reconnaissable. Et les réalisateurs qui arrivent à trouver leur propre styles dans les années 2000 ne sont pas légion.
Le choix et le jeu des acteurs est aussi toujours très bon. On retrouve toujours un personnage principal très similaire : Le père (spirituel dans Sixième Sens) en proie aux doutes et aux questions existentielles. Similitude supplémentaire, la construction narrative des trois films et principalement ce qui a grandement participé à la renommée du réalisateur : le twist final. Twists qui ont je pense toujours deux effets désirés et obtenus. Le plus évident est celui de surprendre le spectateur et de l'impressionner, de lui " retourner le cerveau ". Et le deuxième est de donner une plus grande dimension à l'histoire et de changer définitivement la vision du personnage principal sur le monde. Dans Sixième Sens, Malcolm Crowe comprend son vrai rôle et l'accomplit en aidant un enfant atteint des mêmes symptômes que celui qu'il n'a pas pu sauver et en communiquant à sa femmes ses dernières et réelles émotions. Dans Incassable, le twist crée l'ennemi ultime de David Dunn, le Némésis nécessaire à tout super-héros. Et enfin dans Signes, Graham Hess retrouve la foi qu'il avait perdu lors de la mort de sa femme en croyant aux signes que lui adresse l'univers. On pourra ajouter un troisième effet, qui est celui de donner au réalisateur une identité et qui nous donne envie de voir ses films au moins pour leurs twists, mais on sort de l'analyse de film. Même si ces retournement sont très bien réalisés dans les films de Shyamalan, je pense qu'ils ont eu un effet négatif en créant ou en tout en cas en amplifiant une " culture " du twist dans le cinéma moderne, ce qui pousse les studios à toujours chercher le retournement de situation ultime et les spectateurs à toujours l'attendre, souvent pour être déçu.
Dernière similarité dans ces trois films, le compositeur : James Newton Haward, qui crée à chaque fois des partitions magnifiques correspondant parfaitement à l'ambiance des films et qui sont devenues aussi connues que les films eux-mêmes.
A travers ces trois films fantastiques, M. Night Shyamalan traite de diverses thématiques et on peut même penser qu'elle prennent parfois plus d'importance que l'intrigue, faisant ainsi de ses films des paraboles, plus particulièrement Signes.
Dans Sixième Sens, le film parle de la différence à travers le personnage de Cole, mais aussi de la nécessité de la communication grâce aux relations entre les personnages. Entre Malcolm et sa femme, car son seul regret et de ne pas lui avoir dis qu'elle était plus importante que son travail. Entre Malcolm et Cole, puisque c'est en se livrant au docteur que Cole va pouvoir avancer. Entre Cole et sa mère, car de la même manière qu'avec Malcolm, en avouant ses secrets à sa mère, Cole ouvre une nouvelle page de leur histoire. Et entre Cole et les fantômes, puisque c'est en parlant avec eux et en s'y intéressant qu'il va réussir à vivre avec les fantômes qui l'entourent, c'est-à-dire avec ses peurs.
Dans Incassable, la signification du film est résumée en une phrase par Elijah : " You know what the scariest thing is ? To not know your place in this world " : " Vous savez quelle est la chose la plus effrayante ? De ne pas connaître sa place dans ce monde ". Mais Incassable est aussi un magnifique hommage aux super-héros et aux comics, en reprenant tous leurs codes fondamentaux mais en les cachant sous le voile du réalisme habituel à Shyamalan.
Enfin, dans Signes, Shyamalan expose la puissance des médias et surtout des croyances. Le parcours de Graham étant symbolique de la pensée du réalisateur, celle qu'il ne faut pas croire aux coïncidences et que tout est lié et créé spécialement par une puissance supérieur. Même si l'on n'est pas d'accord avec cette théorie, ce qui est mon cas, la façon dont elle est exposée et le fait que le film laisse sa place à l'idéologie opposée (dans le dialogue entre Malcolm et son frère sur les 2 types de personnes peuplant le monde) permettent quand même d'apprécier grandement le film.
En 3 films sorti en seulement 3 ans, M. Night Shyamalan a lancé un renouveau dans le cinéma américain dit " grand public ", en lui donnant les doses de sérieux et de mise en scène qui lui manquait. Malheureusement, cela n'a pas duré, puisque le réalisateur à vite arrêté de faire de bons films, et personne n'a vraiment repris le flambeau. Si un cinéaste peut se rapprocher de Shyamalan en terme de recherche de réalisme dans le cinéma grand public, c'est Christopher Nolan. Mais sa mise en scène, bien que très bonne, est plus classique et ses films n'ont pas cet aspect " conte " si fascinant dans les films de Shyamalan.