L’Homme-Fourmi déçoit pour sa première apparition au sein du MCU.
Ant-Man est un film à problèmes avant même son visionnage. En effet, il est déconseillé pour un critique d’avoir des attentes trop précises envers un produit, ou d’imaginer certains éléments d’un métrage en prévision, car il risque de se fourvoyer, d’être déçu, et surtout de le juger pour ce qu’il n’est pas, plutôt que d’envisager les qualités et les défauts de l’œuvre qu’il a sous les yeux. Et c’est là qu’Ant-Man devient pénible. Tellement attendu et repoussé qu’il en presque devenu une arlésienne, le projet a longtemps été confié au génial Edgar Wright, pour le plus grand plaisir des cinéphiles. Mais après une dizaine d’années passées à l’écriture, le réalisateur de Shaun of the dead a quitté le vaisseau Marvel pour causes de divergences artistiques. On ne peut d’ailleurs pas vraiment s’en étonner, tant le producteur Kevin Feige a resserré les boulons de la créativité du studio suite au succès mondial d’Avengers, privilégiant la sûreté et la cohérence de son univers à la prise de risques. Pourtant, le simple fait d’adapter Ant-Man sonnait comme une prise de risques, tant l’histoire de Scott Lang (Paul Rudd, toujours aussi drôle) sort des carcans de ce que l’on peut attendre d’un film de super-héros. Pas ici de super-intelligence, de super-force ou de super-pouvoirs mythologiques. Juste un as des braquages qui se retrouve avec une combinaison lui permettant de rétrécir à la taille… d’un insecte.
Bien sûr, si l’idée peut être très justement prise au sérieux, elle prête tout de même à sourire. Et c’était la voie qu’avait choisi Edgar Wright pour approcher ce personnage quelque peu outsider au sein du MCU, sans pour autant le ridiculiser. Il est même assez clair que le film aurait sans doute remis en question certains codes, voire la construction entière de l’empire Marvel. Vous me direz que je tombe dans le travers que je critiquais plus haut, mais comment faire autrement ? Si Kevin Feige avait eu l’intelligence de confier les rênes du projet à un autre auteur, on aurait presque pu lui pardonner le départ de Wright. Sauf qu’Ant-Man se tire lui-même une balle dans le pied en ayant à sa tête un yes-man de bas étage : Peyton Reed. Certes, on est encore loin de la catastrophe, mais dès lors, le film n’est qu’un ensemble trop maigre de fulgurances visuelles et scénaristiques (pour beaucoup dues aux travaux de Wright) au milieu d’un ensemble sans vie. A l’image des changements de taille de Scott, le réalisateur crée des contrastes de rythme et de mise en scène vraiment dérangeants. Pour quelques scènes à l’état macro rendues majestueuses par des mouvements et une scénographie inspirés, combien de champs contre-champs fixes et insipides faut-il subir ?
Mais le véritable problème d’Ant-Man est ailleurs. Au lieu de finir en apothéose la phase II, il confirme la routine artistique inquiétante qu’emprunte Marvel Studios. Jouant perpétuellement d’une déréalisation de son univers par un humour plus ou moins réussi (ici gâché par un montage à la serpe), le scénario du film, comme celui d’Avengers 2, souffre d’une incapacité à créer des enjeux et à construire un build-up émotionnel. On peut faire ce reproche à une bonne partie des blockbusters récents, mais la force des productions Marvel était depuis toujours de privilégier ses personnages et leur accroche avec le spectateur. Hank Pym (Michael Douglas) et sa fille Hope (Evangeline Lilly) ont beau être sympathiques, il est difficile de ressentir face à eux de vraies émotions, la faute à une écriture qui, si elle a pu faire des merveilles par le passé (Iron Man 1 et 3, Avengers, Captain America 2, Les Gardiens de la Galaxie), fonctionne ici en pilotage automatique. Pour les cinéphiles et pour les autres, Ant-Man ne peut donc être qu’une déception, d’autant plus grande qu’elle contient par moments de très bonnes choses, qu’il s’agisse de l’humour improvisé de Michael Peña, de la production design de grande qualité ou encore de deux scènes d’action vraiment intenses (l’une contre un Avenger, l’autre sur un train miniature). Reste à espérer que Marvel Studios retrouve la foi en ses personnages pour retrouver la force de son univers partagé cinématographique, et ne pas se transformer en série télé réservé au grand écran, dont Ant-Man est a l’heure actuelle l’un des plus tristes représentants.