Avec Raúl Arévalo, Javier Gutiérrez (II), Antonio de la Torre,
Jesús Castro, Jesús Carroza, Nerea Barros, Salva Reina, Manolo Solo
Le réalisateur Alberto Rodriguez est fasciné par les années 80, celles-ci ayant constitué une période charnière en Espagne, à savoir l'époque post-franquiste, où le pays a tenté une transition démocratique après avoir subi le fascisme du général Franco.
L'Espagne post-franquiste des années 1980.
Les deux hommes, malgré leurs différences, vont devoir travailler ensemble sur une affaire de meurtre. Ils se rendent en Andalousie où deux adolescentes, considérées comme "faciles", ont été sauvagement assassinées
Alors que la région connaît des violences sociales dues à des révoltes d'ouvriers, les deux policiers vont devoir affronter une situation tendue et tenter de découvrir la vérité au sein d'une société machiste...
Au coeur des marécages de cette région encore ancrée dans le passé, parfois jusqu'à l'absurde et où règne la loi du silence, Pedro et Juan vont devoir surmonter leurs différences pour démasquer le tueur.
Entretien par Alfonso Rivera relevé sur cineuropa.org en septembre 2014.
Plus que le festival, c'est la sortie nationale qui me préoccupe, car c'est là que je vais savoir ce que le public pense de mon film, et c'est le plus important. Pour son rôle dans Les 7 víerges, Juan José Ballesta a gagné le prix du meilleur acteur à San Sebastian, mon film précédent, Groupe d'élite , je l'ai montré à Tribeca, et After est passé à Rome.
Oui, la chaîne a beaucoup misé sur le film et j'espère que cela va continuer. On constate en ce moment que sans une aide comme celle qu'offre la télévision, il est difficile de faire beaucoup d'entrées. Par exemple, les deux films qu'a bien appuyés Telecinco cette année, Spanish Affair et El niño, sont en tête du box-office actuellement.
Nous sommes partis des photos prises par il y a plusieurs décennies sur les rives marécageuses du Guadalquivir. C'est une zone très vaste qui s'est peuplée quand on a commencé à y cultiver du riz, mais avec la mécanisation, ces villages ont été abandonnés pour ne faire plus figure que d'ilots, avec quelques personnes échouées là. Dès le départ, donc, le paysage était un élément clef du projet. C'est un lieu singulier que nous avons filmé, parce que tout en étant complètement diaphane, c'est un vrai labyrinthe : pour aller d'un endroit à l'autre, c'est extrêmement compliqué. Il faut emprunter des chemins impraticables qui peuvent céder sous vos pas et vous engloutir à tout moment.
Absolument : il n'arrête pas de se mouvoir et de s'agiter. Et l'explosion de vie qu'on y trouve est hallucinante. Nous avons tourné près du Parc national de Doñana, qui se trouve sur le territoire de la province de Huelva, mais aussi de celles de Cadix et Séville.
Pourquoi avez-vous choisi d'insérer, dès le générique d'ouverture, ces spectaculaires plans aériens ?L'idée était d'expliquer un peu à quoi ressemble ce lieu si compliqué, et la manière dont le temps y passe, qui est compliquée aussi. On peut passer là des heures sans voir une âme, mais au milieu de l'eau, des oiseaux et de la vie qui frémit partout, même quand on ne voit personne, on est vu. C'est certain.
Parce qu'on peut voir les gens de loin, sur 30 000 hectares de rizières.
Après, il y a les marais sauvages, l'orée du parc, puis le Parc naturel. L'idée des plans aériens se rapporte aussi indirectement au personnage de Javier Gutiérrez qui est obsédé par les oiseaux.
On s'est tout de suite distancié de cette possibilité en établissant très nettement qu'il s'agissait d'une fiction, mais nous nous sommes documentés. Nous avons lu beaucoup de rapports sur les meurtres et les quelques tueurs en série qu'il y a eu en Espagne, mais sans remonter jusqu'à nos jours : il s'agissait toujours de crimes anciens.
Je me souviens mal de l'époque de la transition, parce que j'étais petit, mais on nous l'a tellement racontée que s'est ainsi qu'elle s'est fixée dans nos esprits. Ce qui nous a donné la force de reprendre le scénario (que nous avions laissé de côté en 2005), c'est la découverte de deux documentaires des frères Bartolomé : Atado y bien atado et No se os puede dejar solos. Ils évoquent tous les deux la transition, mais pas avec la manière officielle : depuis la rue, à ce moment précis. Je les ai trouvés très intéressants et c'est cela qui nous a donné l'idée de situer l'intrigue cette année-là.
Un bon nombre des problèmes que nous avions à l'époque sont revenus maintenant... Avons-nous vraiment avancé ? La grande différence, c'est les militaires et le terrorisme, dont on sent moins la présence aujourd'hui. En tout cas, il y a évidmment de nombreuses correspondances, et la tension sous-jacente que cela crée nous a permis de construire un film à deux niveaux : celui du récit et un autre plus voilé, en dessous.
Ces deux personnages sont inspirés de cas réels.
La superbe photographie d'Alex Catalan survole le delta du Guadalquivir et les méandres marécageux d'une Andalousie souvent méconnue. Tout un univers magnifique et inquiétant qui, vu du ciel, pourrait faire penser à des peintures abstraites. Le site survolé fera partie intégrante de l'action.
Dans ces décors naturels, particuliers et inquiétants, la mise en scène de se sixième long-métrage d'Alberto Rodríguez fait preuve d'une grande habilité, d'une belle virtuosité aussi.
Effrayant, trouble et sordide, le scénario quelque peu alambiqué n'épargne pas les effets mais garantit de bout en bout une attention permanente et indispensable. Une certaine émotion se dégage dés les premières images et reste présente pendant la durée du film.
L'essentiel du récit reste assez trouble, comme cette ambiance toute particulière dans laquelle l'action se déroule. D'un côté, une affaire policière, dans la période post-franquiste, avec les prémices d'une démocratie qui peine à trouver sa juste voie. D'autre part l'affrontement de deux policiers chargés de mener l'enquête.
Pour démasquer un tueur, qui a sauvagement assassiné des adolescentes pendant les fêtes locales, ces deux policiers que tout oppose vont se retrouver confrontés devant quantités de situations souvent confuses. Ils devront remettre en cause leurs principes et méthodes respectives, mais également gommer leurs différences et faire face aux non-dits qui placent chacun dans la méfiance de l'autre.
Efficace, troublant et captivant, ce film est un bon moment de cinéma.
Après l'immense succès rencontré par La Isla mínima en Espagne, Alberto Rodriguez est devenu un réalisateur à suivre avec un intérêt certain.