Adapté d'une géniale bande-dessinée de Manu Larcenet, primée à Angoulême, Le Combat ordinaire est quasiment un cas d'école pour les problèmes schizophréniques de l'adaptation, tant pour celui qui la fait que pour celui qui la regarde. ( NdR : le rédacteur de cette critique a lu et aimé cette bande-dessinée) Pour le réalisateur qui adapte, il doit, au delà de l'œuvre originale, poser sa vision. Ce qu'il en a ressenti, ce qui pour lui est la clé de voûte de la lecture qu'il en fait. Des cinéastes comme Hitchcock prenaient des livres médiocres comme matériau de base, plus facilement malléables pour les plier à leur vision. Kubrick de son côté pouvait s'attaquer à des chefs-d'œuvre mais parvenait à les transcender par son œil unique. Laurent Tuel le réalisateur n'est pas un débutant mais c'est sa première adaptation. Et il est difficile quand on connait bien le travail de Larcenet de comprendre précisément ses intentions. Couvrant trois des quatre volumes de la bande dessinée, le film va survoler un morceau de la vie de ce photographe entre dépression et renaissance, zappant d'un moment à l'autre, dans un ordre parfaitement chronologique mais avec des sauts dans le temps. Bien que chapitré le tout semble bancal la faute à une construction temporelle défaillante et provenant du mélange inégal entre scènes poétiques assez réussies, voix off et séquences plus traditionnelles. On en ressort comme subissant le tempo du long métrage plus que porté par lui. Si Laurent Tuel a de bonnes idées de réalisation, la construction scénaristique pèche beaucoup plus. Le rythme de la bande dessinée était extrêmement construit alternant pages noires et blanches en forme d'introspection, scènes de vie de Marco et sauts dans le temps. Comme il était inenvisageable de tout adapter sans couper, les suppressions effectués cassent le rythme global.
Dans une adaptation, le ton a également son importance. Transformer un drame en comédie ou l'inverse ne peut se concevoir que si le message de l'oeuvre se plie à ces modifications. Or la bande dessinée de Larcenet raconte des événements pas toujours drôles mais avec un personnage principal qui, bien que dépressif, est la plupart du temps rigolo et un peu décalé. Entre maladresse et auto dérision, Marco est attachant même dans ses moments de doute ou de drame. Et cela ne transparait absolument pas dans le film. Le choix de Nicolas Duvauchelle ( Manu Payet fut pressenti) plombe littéralement le personnage. La faute n'en revient pas uniquement à Duvauchelle qui livre une prestation correcte mais qui lui ressemble terriblement. Un côté beau gosse ténébreux et torturé. Or Marco n'est pas dessiné aussi séduisant que peut l'être le comédien et il est même un peu ridicule. Entre le jeu et le physique de Duvauchelle, et avec un script qui expurge beaucoup de l'humour de la bd, on se retrouve avec une histoire très classique de crise existentielle. Comme si Laurent Tuel avait eu peur que l'humour empêche l'émotion. Or c'est exactement l'inverse qui se produit à la lecture des aventures de Marco. En s'amusant et en s'attachant à lui via le biais de l'humour notamment, ses drames nous touchent d'autant plus. Le film ne va que reprendre le squelette d'une histoire point par point en cherchant à trop en dire et du coup se bornant à survoler plus qu'autre chose. Le combat ordinaire, le film, parle de la guerre d'Algérie, du deuil, de la montée de l'extrême droite en France, de création artistique et d'amour. Beaucoup de thèmes pour une heure quarante de film. Comme si le réalisateur n'avait pu se décider sur quoi couper, et il n'a d'ailleurs simplement pas adapté le tome 4 de la bd, qui en plus d'aborder la paternité apportait un épilogue bienvenu à cette aventure humaine. Finalement il reste un film plutôt joli esthétiquement grâce aux paysages bien mis en valeur, des acteurs ayant trop peu à défendre pour vraiment marquer et surtout un sentiment d'inachevé. Autant sur la mise en images qui aurait pu être plus osée (adaptée d'une bd avec un personnage photographe !) que sur le fond au ton trop grave pour une histoire à la fois simple et belle.
Titre Original: LE COMBAT ORDINAIRE
Réalisé par: Laurent Tuel
Genre: Drame
Sortie le: 15 juillet 2015
Distribué par: Haut Et Court
PAS GÉNIAL