genre: science-fiction
année: 1995
durée: 2h10
l'histoire : Nous sommes en l'an 2035. Les quelques milliers d'habitants qui restent sur notre planète sont contraints de vivre sous terre. La surface du globe est devenue inhabitable à la suite d'un virus ayant décimé 99% de la population. Les survivants mettent tous leurs espoirs dans un voyage à travers le temps pour découvrir les causes de la catastrophe et la prévenir. C'est James Cole, hanté depuis des années par une image incompréhensible, qui est désigné pour cette mission.
La critique :
En 1962, Chris Marker réalise un court-métrage, La Jetée, qui va largement marquer les esprits. En effet, cette oeuvre de science-fiction est construite comme un roman-photo et aborde des thématiques assez complexes, entre autres, le voyage dans le temps traité ici comme une boucle temporelle incoercible, la mémoire et la science moderne, qui appartient désormais aux apprentis sorciers.
Très vite, La Jetée se taille une certaine réputation dans le milieu artistique. Certains fans le considèrent même comme un classique mondial. Marqué et influencé par le court-métrage de Chris Marker, Terry Gilliam décide de réaliser un remake, L'Armée des 12 Singes, sorti en 1995.
Ce n'est pas la première fois que Terry Gilliam se lance dans la science-fiction. En effet, par le passé, le cinéaste s'est déjà distingué avec Brazil. Pour ne pas être trop influencé par le court-métrage de Chris Marker, Terry Gilliam refuse de voir La Jetée. En l'occurrence, c'est un détail assez surprenant tant la séquence de l'aéroport ressemble à un copier-collé du film original.
Néanmoins, les deux films sont assez différents. Ensuite, L'Armée des 12 Singes est une production hollywoodienne avec un budget conséquent. Ce qui inclut la présence d'acteurs célébres : Bruce Willis, Brad Pitt, Madeleine Stowe, Christopher Plummer et David Morse.
A l'origine, Terry Gilliam voulait engager Nick Nolte dans le rôle de James Cole et Jeff Bridges dans celui de Jeffrey Goines. Mais la production lui impose les noms de Bruce Willis et de Brad Pitt. En contrepartie, Terry Gilliam demande à ses producteurs de lui laisser une totale liberté sur le style et le scénario du film. Attention, SPOILERS ! En 1996, la surface de la Terre est devenue invivable pour l'humanité. Un virus mortel d'origine inconnue a tué 5 milliards d'humains et a contraint les survivants (1 % de la population mondiale) à vivre sous terre pour éviter leur contamination.
En 2035, pour tenter de trouver un remède au virus, des scientifiques utilisent des prisonniers et les envoient dans le passé recueillir des informations sur la forme non mutée du virus.
L'un d'eux, James Cole, est choisi pour une expérience ayant pour but de l'amener en 1996. Il doit y recueillir des informations au sujet de ce virus, dont les scientifiques pensent qu'il a été libéré par une organisation terroriste de défense des animaux et connue sous le nom d'« Armée des douze singes ». Cole, qui est régulièrement hanté par le rêve d'une poursuite et du meurtre par balle d'un homme dans un aéroport sous les yeux d'un petit garçon, sera gracié s'il réussit cette mission.
Grand admirateur de La Jetée, Terry Gilliam revisite cette thématique de la boucle temporelle. En l'occurrence, cette bouche est inextricable, incoercible et inexpugnable. A partir de là, le cinéaste multiplie les symboles.
Le titre du film, donc L'Armée des 12 Singes (au cas où vous n'auriez pas suivi...), est inspiré du roman de Lyman Frank Baum, Le Magicien d'Oz, dans lequel le magicien persuade douze singes de le servir comme soldats. Ensuite, le singe est un animal symbolique. Il représente à la fois l'espèce qui se rapproche physiologiquement le plus de l'homme et un animal voué à servir d'expérience aux savants de notre temps. Ce n'est pas un hasard si l'épidémie qui foudroie la quasi totalité de la planète est une création humaine et si elle épargne tous les animaux.
Pour Terry Gilliam, ce virus signe également le retour à la primauté animale. Quant aux survivants humains, ils sont finalement réduits à l'état d'animaux, condamnés à errer dans les égoûts.
Le chiffre « 12 » est fort en sens. Le « 12 » représente les chiffres du cadran et symbolise le temps, le temps qui s’avère être un des thèmes les plus importants du film. Terry Gilliam décrit un monde futuriste effrayant, totalitaire, désormais gouverné par les militaires et une certaine intelligentsia scientifique. Cette petite communauté détient le savoir. Tout du moins, c'est ce qu'elle croit...
Le reste de la civilisation humaine est désormais parquée dans des prisons étroites. Certains d'entre eux servent de cobayes pour voyager dans le temps afin de retrouver les origines du virus, et ainsi espérer revenir à la surface de la planète.
James Cole est l'un d'entre eux. Il n'est qu'un instrument de leur avidité, de leur cupidité et de leur soif inextinguible de jouer aux apprentis sorciers. C'est l'une des principales thématiques du film : le Complexe d'Icare. En envoyant James Cole dans le passé, les scientifiques tirent profit de lui. Le but n'est pas d'empêcher l'épidémie, mais d'assouvir de plus grandes ambitions, en particulier celle de toucher et d'aspirer au divin. A partir de là, le film embarque James Cole et le spectateur dans une boucle temporelle inextricable entre plusieurs époques.
Dans un premier temps, James Cole est envoyé en 1990, époque dans laquelle il fait la rencontre de la psychiatre Kathryn Railly et d'un malade mental du nom de Jeffrey Goines. Puis, James Cole atterrit sous les bombardements de la Première Guerre Mondiale.
Enfin, James Cole se retrouve en 1996, date fatidique qui marque les prémices de l'épidémie et la fin de notre monde. "La science n'est pas une science exacte", nous dit Terry Gilliam. Tous ces sauts dans le temps vont évidemment avoir des conséquences sur le scénario, sur le destin tragique de James Cole et sur sa propre personnalité. C'est une autre thématique essentielle du film : le Complexe de Cassandre.
Durant toute sa première partie, le long-métrage interroge le spectateur sur la santé mentale de James Cole. Cette épidémie inéluctable et cette fin du monde ne seraient que les purs produits de son imagination débordante et de ses délires paranoïdes. James Cole sera presque convaincu par le diagnostic de Kathryn Railly.
Hélas, la vérité ne pas tarder à éclater au grand jour... James Cole n'est pas un affabulateur. Encore une fois, il n'est qu'un cobaye et un instrument destiné à servir les ambitions de scientifiques guidés par l'imprudence et une certaine autosatisfaction. Quant à la conclusion finale, elle vient confirmer les dynamiques complexes et ineffables de la boucle temporelle.
Le rêve récurrent de James Cole, qui se déroule dans un aéroport, n'est pas seulement une réminiscence onirique, mais bel et bien une réalité imperceptible. Tout en s'inspirant de La Jetée, Terry Gilliam parvient néanmoins à réaliser une version très différente de son modèle. Le style de Gilliam, plus tempéré qu'à l'accoutumée, est immédiatement identifiable.
Dans L'Armée des 12 singes, chaque détail compte. Chaque rebondissement, même mineur, a une incidence sur le passé, le présent et l'avenir, totalement confondus. En vérité, il est difficile de comparer La Jetée à L'Armée des 12 Singes. En l'état, Terry Gilliam signe un remake de grande qualité, parfois assez nébuleux, mais qui continue de tarauder le spectateur longtemps après son visionnage. Bref, ce remake ou plutôt cette nouvelle version a bien mérité son statut de film culte.
Note: 17/20
Alice In Oliver