A l’occasion de sa ressortie événement sur grand écran, il était bien normal de revenir sur le film méconnu, maudit, mais culte de William Friedkin, sa version de Sorcerer.
Mais ce départ n’est que le premier des gros soucis qui vont encombrer le tournage qui doit avoir lieu aux quatre coins du monde. Car mener une production en pleine jungle équatoriale n’est pas une mince affaire, d’autant plus quand, en plus d’un casting de qualité finalement réuni (Roy Scheider, parfaitement halluciné, et le français Bruno Kremer en tête), il y a deux véhicules à gérer et des cascades particulièrement délicates à mener. Mais malgré les embûches, le réalisateur tient bon et arrivera à finir son film.
Sorcerer, ou le Convoi de la Peur en français, reprend donc la trame du roman et du film original. 4 hommes, malfrats en perditions, se retrouvent coincés en Amérique du Sud. Pour sortir du village et des travaux presque forcés dans lesquels ils ont échoués, il se rendent volontaire pour une mission plus que dangereuse : conduire deux camion remplis de nitroglycérine en pleine jungle jusqu’à un puits de pétrole en feu. A l’arrivée, une somme considérable les attend, seul moyen pour eux de quitter cet enfer. Alors qu’ils ne se connaissent pas et n’ont pas forcément les mêmes buts, ils vont pourtant devoir collaborer pour surmonter les embûches naturelles ou humaines qui les attendent.
Dans une première partie, le film prend le temps d’installer ses personnages, illustrant finalement avec peu de mots comment chacun d’entre eux se retrouve à fuir son propre pays et échouant alors dans l’enfer de la jungle. Cette partie parfois un peu rébarbative manque un peu de rythme mais est nécessaire pour développer les motivations même primaires de ses personnages. C’est alors presque à la moitié du film que les choses décollent, lorsque la nitro est découverte et que chacun se propose de la ramener.
C’est à ce moment là que l’aventure prend son rythme, un meurtre étant le point de départ d’une route sombre et semée d’embûches. Traversée de marais, une pluie battante, un tronc immense bloquant la route, des guérilleros qui s’invitent, rien ne sera épargné aux quatre chauffeurs de fortune pour qui les caprices de la nature sont bien des obstacles pour leur recherche de rédemption et mettent souvent leur espoir à l’épreuve. Et parmi les grands moments, il y a ce passage des camions sur le pont de liane sous une tempête du diable et au dessus d’une rivière en crue. Une séquence qui a été particulièrement difficile à réaliser car tout ce qu’on y voit est réel, et qui, à l’écran, dégage une grande puissance et une énorme tension, accrochant le spectateur au fauteuil. L’homme n’est pas grand chose face à la nature mais va arriver en triompher, non sans séquelles physiques ou morales.
Le film s’oriente alors de plus en plus vers un combat intérieur lors de son final qui n’est pas sans rappeler l’ambiance hallucinée d’un Apocalypse Now qui arrivera juste après. Avant Coppola, Friedkin fait déjà son voyage au bout de l’enfer qui pourrait bien rafler la mise au box office comme ses 2 films précédents. Mais les studios sortent le film à l’été 1977, en même temps qu’un certain Star Wars dont le phénomène va alors totalement éclipser le film de Friedkin. Sorcerer est alors rapidement retiré des salles au profit du space opéra, ne donnant alors plus aucune chance au film de faire le moindre profit et entraînant alors le réalisateur dans une seconde partie de carrière plus confidentielle (mais néanmoins pas privée de grands films comme Police Fédérale Los Angeles jusqu’au récent Killer Joe). Il faut donc bien attendre aujourd’hui la ressortie du film pour l’apprécier à sa juste valeur, celle d’un grand film que le réalisateur reconnait lui-même comme le préféré de sa carrière.