Fourmidable !
L’adaptation d’Ant-Man bourdonnait dans nos oreilles depuis près de dix ans sans pourtant jamais montrer le bout de ses antennes. En 2006, Edgar Wright, au faîte de sa gloire suite au succès de Shaun Of The Dead, avait pour ambition d’écrire et réaliser les aventures de ce super héros à la taille de guêpe. Les fans bavaient d’impatience de voir ce facétieux réalisateur s’emparer de ce projet. Néanmoins, malgré leurs enthousiasmes, le projet se larvait sur les bureaux du studio, laissant Iron Man, Captain America, Thor et la troupe des Avengers lui griller la priorité – question de réputation, sans doute. Finalement, sept ans plus tard, Ant-Man obtient le feu vert du studio. Wright revoit alors sa copie avec son camarade Joe Cornish afin d’accorder ses violons avec ceux de l’univers déjà mis en place. Mais, un an plus tard, piqué par la mouche de l’autoritarisme, Kevin Feige, responsable de la division cinéma de la Marvel, met finalement un terme à cette collaboration en brandissant l’imparable argument du différent artistique. À la volée, le producteur le remplace par Peyton Reed, un Yes Man déniché sur le marché aux puces de Hollywood Boulevard, confie la ré-écriture du script à Paul Rudd et Adam McKay, et l’adaptation d’être tournée dard-dard par la nouvelle équipe afin d’assurer la sortie du long métrage pour la période estivale. Cependant, cette révision ne suffit pas à masquer les indécisions narratives papillotant le long de la phase d’exposition, partie qui semblait poser le plus de soucis lors du développement du scénario. Monotone, sans grand intérêt, la présentation de Scott Lang, robin des bois des temps modernes prêt à tous les sacrifices pour obtenir un droit de visite sur sa petite fille à de quoi filer le bourdon, et ce malgré les Rudd efforts pour rendre le personnage attachant. De ses frêles mandibules musclées sur de médiocres comédies de seconds rangs, le réalisateur, durant cette première demie heure, ne parvient à faire pénétrer dans ce portrait un soupçon d’intensité dramatique. On se demande alors si le costume que le producteur lui a précipitamment gratifié n’est pas trop grand pour lui, ou si ce dernier n’a pas rétréci à force de lavage. Et Pym ! D’un battement d’aile, le récit sort finalement de sa chrysalide et balaye d’un revers notre défiance lorsque il nous fait comprendre, une fois révélé le réseau psychologique unissant les personnages, que la qualité de cette narration se joue sur une échelle plus grande que celle d’un seul individu. Ainsi, la force de cette colonie de bannis réside dans leurs quêtes communes pour regagner l’estime d’une figure paternelle ingrate et distante, pour obtenir la bénédiction de celui qu’ils considéraient comme leurs pères. Simple et cohérente, cette dramaturgie, aussi inoffensive que nécessaire, permet d’enrichir sensiblement un spectacle de plus en plus séduisant, sans pour autant rompre avec cette frivolité que souhaitait griffer le réalisateur et son malchanceux prédécesseur. Drôle, parfois même hilarant par l’entrelacement de truculentes performances (Michael Pena et Michael Douglas en tête) et de dialogues gentiment absurdes, l’empreinte laissée par Ant-Man sur nos rétines ne finit plus de grandir. Réduisant alors peu à peu nos craintes au fil des minutes, et concluant son éveil sur un vigoureux final fourmillant de surprenantes trouvailles comiques et visuelles, ce long métrage, dont la vision manque sans doute d’un peu de gigantisme pour le hisser à la dernière marche du podium, est la preuve que l’on peut voir petit et néanmoins offrir un puissant divertissement. (4/5)
Ant-Man (États-Unis, 2015). Durée : 1h57. Réalisation : Peyton Reed. Scénario : Adam McKay, Paul Rudd, Edgar Wright, Joe Cornish. Image : Russell Carpenter. Montage : Dan Lebental, Colby Parker Jr. . Musique : Christophe Beck. Distribution : Paul Rudd (Scott Lang/Ant-Man), Michael Douglas (le docteur Hank Pym), Evangeline Lilly (Hope Van Dyne), Corey Stoll (Darren Cross/Yellowjacket), Michael Pena (Luis), Bobby Cannavale (Paxton), Judy Greer (Maggie Lang).