La Mouche ("Brundle mouche")

Par Olivier Walmacq

genre: horreur, épouvante (interdit aux - 12 ans)
année: 1986
durée: 1h36

l'histoire : Seth Brundle est un jeune biologiste très doué. Après avoir fait ses premières armes dans une brillante équipe, il se décide à travailler seul. Il met au point une invention qui doit révolutionner le monde : la "téléportation", qui consiste à transporter la matière à travers l'espace. Les essais sur un babouin sont peu convaincants et après des fuites dans la presse, il décide de se téléporter lui-même. Seulement il ne s'aperçoit pas qu'une mouche fait partie du voyage. 

La critique :

Au milieu des années 1980, David Cronenberg est déjà un réalisateur reconnu dans le milieu du cinéma hollywoodien. Le cinéaste s'est principalement spécialisé dans le genre horrifique. Les critiques et la presse apprécient son style si particulier. On lui doit notamment Scanners, Rage ou encore Vidéodrome. En 1983, Dead Zone, l'adaptation d'un roman homonyme de Stephen King, lui permet de toucher un plus large public. Néanmoins, c'est avec La Mouche, sorti en 1986, que David Cronenberg va acquérir un statut international. A l'origine, le long-métrage est le remake de La Mouche Noire, réalisé par Kurt Neumann en 1958. Le film original a profondément marqué et bouleversé David Cronenberg.

Pour le cinéaste, il n'est pas question de réaliser un remake insipide ou encore un succédané de son modèle. David Cronenberg a bien l'intention d'apporter sa propre vision à un scénario assez complexe, où il est question, entre autres, de téléportation et de transporter la matière en déformant l'espace et le temps. Mais j'y reviendrai ultérieurement...
Au niveau de la distribution, La Mouche réunit Jeff Goldblum, Geena Davis, John Getz, Joy Boushel, Les Carlson, George Chuvalo et Michael Copeman. Quant à David Cronenberg, le réalisateur effectue une courte apparition, néanmoins remarquée. Il interprète un gynécologue...

Au moment de sa sortie, le film obtient un vif succès. Le long-métrage est également salué par la presse et les critiques cinéma. La Mouche obtient même plusieurs récompenses : l'Oscar des meilleurs maquillages pour Chris Walas et Stephan Dupuis, le prix spécial du jury au festival international du film fantastique d'Avoriaz en 1987, et le prix du meilleur film d'horreur lors des Saturn Awards.
Le long-métrage est aussi l'adaptation d'un roman homonyme de George Langelaan. Trois ans plus tard, une suite, La Mouche 2, est réalisée par les soins de Chris Walas, le directeur des effets spéciaux du premier film. Attention, SPOILERS ! Seth Brundle est un physicien très doué. Il met au point une invention qui doit révolutionner le monde : le télépod, qui consiste à transporter quasi-instantanément d'une cabine a une autre un objet ou un être vivant.

Après avoir réussi à téléporter un babouin, il décide de tester la machine sur lui-même. Mais il ne s'aperçoit pas que pendant l'expérience, une mouche s'introduit dans la même cabine que lui. N'étant pas conçue pour reconstituer en même temps deux corps différents, la machine va fusionner Seth Brundle avec l'insecte. Ainsi, au terme de l'expérience, Brundle a toujours son apparence humaine, mais les gènes de la mouche vont progressivement modifier sa nature : sa force va d'abord s'en trouver décuplée, puis son comportement deviendra plus agressif, enfin des mutations vont apparaitre et changer totalement son apparence: un être vivant entre l'homme et la mouche.
L’expérience lui ayant fait perdre tout raisonnement, il décide de fusionner avec sa petite amie, la journaliste Véronica Quaife
, enceinte, afin de créer l' "être parfait".

A ce jour, La Mouche reste probablement le film le plus populaire de David Cronenberg. Au moment de sa sortie, les fans exultent et considèrent le film comme une métaphore sur les ravages du sida. En l'occurrence, David Cronenberg aborde des thématiques totalement différentes : le vieillissement et son irréversibilité, les apprentis sorciers et le monstre qui se tapit en chaque individu.
En vérité, La Mouche est un magnifique condensé de toutes les obsessions du réalisateur, en particulier la dysmorphophobie et ses conséquences sur la psyché humaine. Plus accessible qu'à l'accoutumée, La Mouche ne pose jamais le doute sur la bonne santé mentale de son héros principal.

Seth Brundle ne souffre pas de délires paranoïdes et zoopathiques. Cette transformation en une créature dolichocéphale est bien réelle. Surtout, elle est inéluctable, inexorable et incoercible. A partir de là, le film oscille entre plusieurs genres et registres : le drame, le fantastique, le gore et l'épouvante. Seth Brundle est le nouveau génie, le nouvel Einstein du XXe siècle.
Il a inventé une machine révolutionnaire, le télépod, qui devrait révolutionner l'humanité toute entière. Vaste chimère. En déformant l'espace et le temps, en jouant avec la matière, en annihilant la chair humaine et nos chromosomes, Seth Brundle cherche néanmoins à retranscrire le vivant et non un être synthétique, ou une simple retranscription ou copie génétique.  

Pour David Cronenberg, les lois de nature et celles de la physique quantique sont indissociables. Attention à ne pas contrarier Dame Nature ! A l'instar de tous ces apprentis sorciers, Seth Brundle aspire au divin. Cette entité mystérieuse et inexpugnable va décider de fusionner le scientifique avec un insecte. C'est la seconde partie du film. A partir de là, le comportement de Seth Brundle change radicalement.
La transformation est rédhibitoire. Elle a évidemment des conséquenes morphologiques, physiques, psychologiques et morales. Dans un premier temps, Seth Brundle devient un véritable Apollon, une sorte d'athlète désormais capable de varapper sur les murs de son laboratoire. Puis, peu à peu, le corps du scientifique se délite, son humanité aussi.

Seth pense et raisonne de plus en plus comme une mouche, un insecte prédateur, hostile, terrifiant, monstrueux, fallacieux et animé par la cruauté, la jalousie, la domination et la vengeance. Le cas de Seth Brundle s'apparente aussi à une sorte de malédiction. Son corps s'émacie, se transforme, dépérit pour devenir une sorte de cacochyme hideux et à l'agonie.
C'est probablement pour cette raison que certains fans considèrent le film (encore une fois) comme une métaphore sur le sida. David Cronenberg renforce cette tragédie par une histoire d'amour avec une jeune journaliste. Pourtant, dans la dernière partie, le film s'apparente à une sorte de huis clos étouffant et effrayant. Seth Brundle est ramené aux conditions primitives de l'existence : le besoin de nourriture, les satyriasis du personnage, ou encore une hygiène corporelle qui laisse clairement à désirer.
En ce sens, La Mouche n'est pas sans rappeler le roman de Kafka, La Métamorphose, qui abordait lui aussi les mêmes thématiques. Aujourd'hui, et à juste titre, La Mouche est considéré comme un film culte et même comme un classique du cinéma d'épouvante.

Note: 17.5/20

 Alice In Oliver