O Brother, Where Art Thou ?

Par Inglourious Cinema @InglouriousCine
Dans le Mississippi profond, pendant la Grande Depression. Trois prisonniers enchaînés s'évadent du bagne : Ulysses Everett McGill, le gentil et simple Delmar et l'éternel râleur Pete. Ils tentent l'aventure de leur vie pour retrouver leur liberté et leur maison. N'ayant rien à perdre et unis par leurs chaînes, ils entreprennent un voyage semé d’embûches et riche en personnages hauts en couleur. Mais ils devront redoubler d'inventivité pour échapper au mystérieux et rusé shérif Cooley, lancé à leur poursuite...

O'brother, Where art Thou ? – 30 Août 2000 – Réalisé par Joel Coen
Ne pas apprécier un film des frères Coen au premier visionnage est une constante assez régulière chez moi !Je suis souvent conquis par la forme, presque toujours irréprochable mais le fond je n'adhère pas tout le temps. Récemment ce fut le cas avec Barton Fink que j'ai trouvé d'un point de vue plastique phénoménal alors que l'histoire me laissait froid comme un glaçon. Et peut être que dans quelques années, je réviserai mon jugement comme avec « O'brother ». Ou par manque de discernement, je n'avais pas vu l'évidence ! Les Coen's nous livraient leur version de l'Odyssée d'Homère à la sauce Cajun !
Il fallait du cran pour s'attaquer a l'Odyssée. Car au delà de l'ampleur manifeste de l’œuvre d'Homère, le plus dur était d’être original et d'en tirer une intrigue suffisamment condensé pour que cela marche. Pour rappel le récit de l'Odyssée, c'est l'histoire d'Ulysse qui cherche a revenir à Ithaque après sa participation a la guerre de Troie, afin de revoir sa chère Pénélope et son fils Télémaque, le tout ponctué d'aventures diverses et de mise a l'épreuve divine. Loin de tout péplum ou de série animée, les frères Coen transforment ça en une quête pour la liberté. Ce récit aussi mythique qu'atypique devient l'histoire d'une bande de prisonniers cherchant a tout prix à récupérer le magot d'un braquage, le tout en traversant l'état du Mississippi.
C'est assez bien écrit, car on y trouve pas mal d'analogie entre les personnages du film et ceux du récit d'Homère. Déja par le prénom Ulysse !!! Il est éloigné de sa femme à cause de la prison (différent du Ulysse antique) et il cherche à rejoindre son foyer. Le cyclope est évoqué par le vendeur de bibles borgne; Poséidon c'est le shérif Cooley ; Penny/Pénélope la femme d'Ulysse ; Tirésias l'aède, le devin est incarné par Lee Weaver et on trouve l'évocation Ménélas dans l'homme politique. Les similarités sont poussées aussi dans quelques situations adaptées à notre film, comme le piège tendu par des femmes aux voix cristallines telles les sirènes de l'Odyssée ou encore la supposée transformation d'un des compagnons d'Ulysse fait référence à la rencontre avec la magicienne Circé. Des détails que l'on ne voit pas forcément au début mais qui apportent tellement par la suite que c'est juste brillant.
Et c'est le style de film que l'on apprécie de plus en plus a chaque vision, les détails apparaissent plus clairement et l'humour au combien absurde, voir illogique prend tout son sens ! L'écriture de Joel et Ethan Coen montre au combien leurs talents, car au delà d'une belle écriture, c'est un film parfaitement maîtrisé par Joel Coen (Ethan n'est pas crédité comme réalisateur). Les notes d'humour sont distillées de manière intelligente tout en donnant plus de profondeur au récit, ainsi qu'a leurs personnages. Servi par un rythme assez lent, qui peut gêner et clairement rebuter les plus réfractaires, le film est très bien mis en scène, les décors sont mis en valeurs avec beaucoup de soins notamment par le boulot du chef op chouchou des Coen, le talentueux Roger Deakins qui fait de l'état du Mississippi, un acteur à part entière de l'histoire. Tout comme la musique, on baigne dans le blues, dans le gospel ou encore dans la country et T-Bone Burnett comme Carter Burwell en tire une B.O aux accents du sud prononcés et chaleureux !
Le casting quant à lui est dans l'autodérision complète, n'hésitant jamais a se caricaturer pour la bonne tenu du film. Le premier en lice pour ça, monsieur George Clooney qui est assez bon, il campe un vieux beauf américain à la naïveté touchante assortie de tics physiques, de tocs de paroles et d'un sourire ultra blanc a toute épreuve. John Turturro est une fois de plus très l'aise dans l'univers des Coen, ou il joue ici un gars aussi caractériel que drole. Et Tim Blake Nelson complète avec brio ce trio de joyeux drilles avec sa belle tète d'andouille, une composition brillante. On peut aussi ajouter le fantasque John Goodman qui traine brillamment sa carcasse après the Big Lebowski mais aussi Holly Hunter, Wayne Duvall, Ray McKinnon, Chris Thomas King ...
Une Odyssée comique d'un nouveau genre ...