Un documentaire très sobre et dépouillé qui explore implacablement les souvenirs d'un ancien kamikaze devenu recruteur lors de la seconde guerre mondiale. Plus qu'un documentaire, c'est véritablement un portrait de Fujio Hayashi que nous donne à voir Masa Sawada, teinté des propres peurs et questionnements du cinéaste à propos de la mort et du nationalisme. Une sorte de portrait psychanalytique en miroir donc. Ce documentaire laisse la parole à l'homme, à ses souvenirs, son expérience et ses sentiments. Il laisse aussi une grande part à ses silences, ses hésitations et ses non-dits. Ces moments, où Fujio Hayashi s'interrompt au milieu d'une phrase, sont autant de moments de vérité où l'on parvient presque à toucher du doigt les remords et les doutes de ce septuagénaire, âgé de seulement 21 ans lors de son engagement. Aucune image d'archive ne venant ponctuer ses déclarations, ces moments d'interruption et de réflexion sont autant de manifestations de ce qui se joue plus profondément. Ils donnent à la thématique une portée plus incarnée et vivante de ce pan de l'histoire longtemps débattu à grands renforts de faits, d'images et de mythes. Un portrait sans concessions : tendre et cruel à la fois, optimiste et désespéré, en un mot : vrai.
En somme, Parole de Kamikaze est bien différent des documentaires que l'on a pu voir sur le phénomène des kamikazes. Il replace l'humain au centre du débat et nous donne une fine analyse psychologique de ce qu'un ancien mercenaire a pu ressentir. Entre humiliation d'être en vie et fierté d'avoir servi son pays, Fujio Hayashi reste a jamais marqué par ces morts qui ont été ses amis ou ses élèves et par ces idéaux qu'il a vu s'effriter jusqu'à disparaître.
American Radical : The Trials of Norman Finkelstein
Encore un documentaire qui nous vient des Mutins de Pangée ( souvenez-vous). Cette fois, on nous propose de suivre l'universitaire Norman Finkelstein, disciple de Noam Chomsky et spécialiste du conflit israélo-palestinien. La liberté de ton et les thèses de Finkelstein déplaisent, à tel point que l'enseignant a été licencié de l'université DePaul à Chicago et peine aujourd'hui à trouver une stabilité professionnelle. Ses convictions et ses thèses lui valent aujourd'hui de mener une vie instable : entre menaces, déconvenues professionnelles et difficultés personnelles. Un documentaire édifiant sur l'intégrité intellectuelle et le statut d'essayiste dans un monde entièrement régit par la géopolitique, gangrené par la compromission et définit par le conformisme. Avec de telles normes, il n'est pas étonnant que Norman Finkelstein dérange : il sort des cadres, défie les étiquettes et bouleverse la position classique de l'intellectuel. A travers cette figure, David Ridgen et Nicolas Rossier nous montrent l'illusion et la fragilité de la liberté d'expression dans nos sociétés qui font mine de l'ériger en valeur suprême. Le documentaire nous montre également la facilité avec laquelle on juge une thèse sur le prétendu bien fondé de la personne qui s'exprime, les détracteurs de Finkelstein l'accusant d'être un self hating jew comme tant d'autres. Et l'essayiste de se demander " [...] en quoi cela change-t-il les faits ? Pour un individu rationnel, la seule question doit être : est-ce que ce qui est dit est vrai ou faux ? " American Radical : The Trials of Norman Finkelstein est une vraie leçon de courage, ou comment un intellectuel tente de rester droit dans ses bottes quand ses principaux adversaires l'accusent de schizophrénie, d'antipatriotisme et de haine. Autant d'arguments qui ne débattent pas du fond de ses thèses mais simplement du bien fondé de celui qui les soutient. Humiliant.
American Radical c'est l'éternelle histoire du pot de terre contre le pot de fer. C'est aussi un documentaire qui soulève la problématique suivante : la pollution du lobbying et des experts dans la pensée rationnelle et logique. A ce propos, j'évoquerai prochainement le documentaire Merchants of Doubt qui soulève la question de la légitimité de tels personnages à s'exprimer. Quel que soit votre avis sur la question israélo-palestinienne, ce documentaire est d'un intérêt certain pour les défenseurs des libertés fondamentales.
Bears
Réal. : Alastair Fothergill et Keith Scholey
Durée : 1h18
Sortie : 5 Novembre 2014
<3 <3 <3
Les documentaires de Disneynature, il faut l'avouer, jouissent d'une mécanique et d'un marketing bien rodés. Sorti aux Etats-Unis au moment du Earth Day comme ses prédécesseurs, s'affiche comme un documentaire animalier engagé. Une portion des bénéfices issus de l'exploitation du film dans les salles américaines a d'ailleurs été reversé au Parc National de Katmai (Alaska), où vit la famille d'ours que nous propose de découvrir . A l'occasion de la sortie, les utilisateurs de Facebook pouvaient également débloquer des dons pour l'association Save Our Species en partageant la bande-annonce du film. Le tournage aura duré deux ans pour capturer l'évolution de cette famille intrépide. Le Parc de Katmai étant un environnement très protégé -devenu monument historique national en 1918-, les ours n'ont pas eu de réticences particulière à approcher l'équipe technique. Anecdote amusante à signaler : les techniciens étaient munis de k-way pour parer une éventuelle charges de leurs acteurs, les ours n'appréciant pas du tout le bruit de ces vêtements. nous offre une belle plongée dans le quotidien de ces ours bruns dont la survie dépend entièrement des activités humaines qui modifient leur milieu et les rendent vulnérable. De belles images, un son impeccable et un storytelling millimétré, autant de caractéristiques qui nous assurent qu'il s'agit bien là d'une superproduction des studios Disney.
En définitive, nous fait passer un agréable moment ! On déplore cependant le storytelling trop assumé et la musique un brin tire-larme, attributs essentiels aux productions Disney. Soit. Vous n'en sortirez pas transformé, mais vous aurez eu un petit moment d'émerveillement devant ces jolies frimousses et ces magnifiques paysages. Plaisant et dépaysant.