En 2009, Sam Raimi revenait au genre qui l'avait vu naître au cinéma : la comédie horrifique. Depuis ses débuts, l'ingénieux bonhomme a cheminé sur des voies totalement différentes. Après plus de cinq ans passés dans la toile de le réalisateur du célébrissime renoue donc avec les forces occultes. Jusqu'en Enfer, tel est son nom, est peuplé de démons, sorcières et autres malédictions. Mais pas seulement. Derrière ces artifices bien connus du genre, se cache une habile critique de la société au plus fort de la crise financière. Le pitch ? Il est simple. Une employée de banque réservée, appâtée par la promotion, refuse à la vieille Ganush d'étendre son prêt. Manque de bol, la vieille Ganush, en plus d'être humiliée, est une gitane très au fait des malédictions. Christine, l'employée de banque, se trouve pourchassée par le lamia, esprit démoniaque, chargé d'emporter son âme en Enfer après trois jours de hantise. Raimi se plaît à salir tant l'héroïne, petite blonde sage, que le décor, pavillons de banlieue proprets. Jusqu'à cette scène de dîner avec la belle famille bourgeoise, où la part de gâteau se voit investit d'un œil curieux. Fou rire garanti lorsque Christine entreprend de détruire l'intrus avec sa fourchette dans une grotesque giclée de sang et de pu, le tout au milieu de la belle vaisselle, des bouquets de fleurs et des beaux-parents tirés à quatre épingles. Avec ce petit bijou, Raimi prend du recul par rapport aux forces maléfiques, pour dénoncer le véritable Mal : une société égocentrique et carriériste prête à toutes les compromissions, notamment rouler à grande vitesse sur ceux qui sortent des clous.
#4.Le gargantuesque gâteau au chocolat de Bruce Bogtrotter.
Voilà un incontournable de notre enfance : , réalisé par le prolifique Dany DeVito et sorti en 1996. Dans le livre comme dans son adaptation cinématographique, une scène a marqué nos esprits d'enfants gourmands : le supplice hyper chocolaté de Bruce Bogtrotter. , c'est une petite causette vive et futée des temps modernes dont les parents sont d'horribles énergumènes. Alors qu'elle entre à l'école, la petite fille découvre un monde où elle peut laisser aller sa curiosité et sa créativité, encouragée par son adorable maîtresse. La directrice de l'établissement, en revanche, est une véritable terroriste de la petite enfance. Elle n'a pas son pareil lorsqu'il s'agit de punir ses petits élèves. C'est après avoir dérobé une part de gâteau au chocolat à l'odieuse directrice que le petit Bruce se trouve obligé d'en manger une version démesurée devant tous ses petits camarades. L'ampleur de la tâche a de quoi faire froid dans le dos d'autant plus qu'elle joue froidement avec les plaisirs d'enfance pour les transformer en de longs tourments. Pourtant, le petit Bruce viendra à bout du monstrueux montage au chocolat sous les applaudissements de ses petits camarades. Une aventure qui nous apprendra que quelque soit la taille de l'obstacle à franchir, on peut tout avec de la volonté. Mais aussi que les gros gâteaux caloriques, c'est pas tous les jours ! En 2013, les acteurs se sont prêtés à la reconstitution de la fameuse scène lors de leurs retrouvailles à l'occasion d'une réunion.
#3.Le cultissime gâteau d'amour.
Tout le monde a déjà vu cette mythique scène du de Jacques Demy, où une Catherine Deneuve vêtue de haillons et coiffée d'une tête d'âne s'échine à préparer un gâteau pour séduire le prince du royaume. Dans la lignée des œuvres du réalisateur, c'est en chanson que Peau d'Âne livre la précieuse de recette de ce qui ressemble à un bon vieux quatre-quart ou un gâteau au yaourt. Ce qui est admirable chez Jacques Demy c'est sa capacité à faire émerger le merveilleux d'une mise en scène sobre, par le biais de personnages communs et sans camoufler la noirceur du monde dans lequel ils évoluent. A l'image de Peau d'Âne qui s'exile dans un royaume voisin pour éviter l'inceste. Jacques Demy se plait d'ailleurs à faire cohabiter souillure et beauté, comme deux faces d'une même pièce, à l'image de la vie elle-même, tantôt belle, tantôt austère. Dans un entretien, il expliquait que "plus les personnages [sont] quotidiens, plus ils sont vrais, plus le merveilleux intervenant au milieu du réalisme sera étonnant." Il conclut : "Je pense que c'est la seule façon de raconter un conte de fée." La recette Demy, c'est aussi simple que ça : décors simples ou naturels parsemés de quelques éléments incongrus ou anachroniques ; acteurs cherchant le réalisme du quotidien mais drapés de somptueux costumes : trucages aussi primitifs que la grammaire du cinéma le permet. Rien à voir avec l'acception hollywoodienne de ce que doit être un conte de fée et qui nous laisse parfois de marbre. Dalloyau, célèbre maison parisienne, s'est essayé à réinterpréter la recette, en y glissant une bague dorée en porcelaine. Attention à ne pas étouffer... d'amour.
#2.Le strudel du Colonel Landa.
Dans cette séquence d' Inglorious Basterds, Quentin Tarantino nous offre une belle leçon, un brin irrévérencieuse, de ce que doit être la tension au cinéma. Et la tension ça peut très bien passer par un café serré, un strudel et sa crème chantilly. Et peut-être aussi par la prestation de Christoph Waltz et Mélanie Laurent. Le cinéaste joue avec les nerfs de son spectateur dans une scène apparemment interminable, sans cesse interrompue par la nourriture et les rituels qui y sont rattachés. Ici, le dessert devient une véritable arène, un échiquier sur lequel le colonel Hans Landa se plaît à poursuivre et acculer Shoshanna. Cette scène est d'une rare intensité pour diverses raisons. Tout d'abord, le repas est a priori un moment que l'on partage en famille ou entre amis. Le partager avec un ennemi c'est s'exposer à la menace d'être empoisonné ou attaqué à un moment de vulnérabilité ( Game Of Thrones ne contredira pas la chose). Or, Shoshanna se retrouve à devoir partager un dessert avec l'assassin de sa famille. Toute la question est de savoir si Hans Landa la reconnaîtra. Le repas, c'est aussi un indicateur de ce que sont les gens, culturellement et socialement. Et ici, l'occupant belliqueux oblige sa convive à manger un met qui peut être assimilé à l'Allemagne. D'une certaine manière, Landa impose à Shoshanna sa culture, la culture de l'agresseur. C'est un douloureux rappel de la situation géopolitique et à la fois une insulte. Enfin, et nous l'avons déjà esquissé, la nourriture est une puissante force narrative. Ainsi, avec un brin de sadisme, Hans Landa commande un verre de lait à l'intention de son invitée, ce qui renvoie le spectateur à la scène inaugurale du film où Landa débusque la famille de Shoshanna dans une exploitation laitière. Mais c'est aussi une occasion de supputations : Hans a-t-il reconnu la jeune femme ou lui commande-t-il du lait parce qu'il considère les jeunes femmes comme de fragiles enfants ? Quentin Tarantino comprend l'importance de la nourriture et des scènes de repas, on en trouve de nombreuses dans sa filmographi. La nourriture y est à chaque fois signifiante, comme le démontre cette vidéo de Dan Hassler-Forest.
#1.La courtisane au chocolat de chez Mendl's.
Y a-t-il gourmandise plus tentante que la courtisane de chez Mendl's, fameuse pâtisserie imaginée par Wes Anderson pour son Grand Budapest Hotel ? Avec son air chancelant, ses couleurs pastels passées et sa déco kitchissime, cette petite religieuse a tout pour plaire. Le Grand Budapest Hotel relate les folles péripéties de Gustave H., concierge d'un hôtel de renommée, et de son groom, Zero, impliqués dans un vol de tableau. Au fil de ses aventures, Zero va faire la connaissance d'Agatha, apprentie pâtissière chez Mendl's, faisant de la pâtisserie un clin d'œil récurent dans de nombreuses séquences. Ce qui rend la courtisane exceptionnelle c'est son esthétique totalement déséquilibrée au sein d'une oeuvre totalement calibrée et symétrique. Peut-être ne le saviez-vous pas, mais Wes Anderson est un adepte de la symétrie, notamment des plans centrés ( comme le démontre cette compilation de plans issus de ses films). Peut-être le réalisateur cherche-t-il à ébranler les fondations du quatrième mur en nous faisant un clin d'œil appuyé à son style visuel légendaire. Quoi qu'il en soit, il est d'autant plus jubilatoire de voir le réalisateur jouer avec une imperfection pittoresque qu'il se plaît à traquer dans l'élaboration de ses plans. Plus qu'un accessoire, plus qu'un tenant de l'intrigue, ce petit gâteau devient une sorte de revendication esthétique. Mais c'est aussi une allégorie. L'allégorie d'un monde chic bientôt bouleversé par l'impitoyable marche de l'Histoire. Si l'envie vous prend de réaliser cette douceur décadente, vous pouvez vous reporter à la recette trouvée sur le blog Carnet Magique ; ou tenter la version au chocolat blanc proposé par Make My Lemonade. Bon appétit !