La Machine A Explorer le Temps - 1960 (A la recherche de l'Empyrée terrestre)

Par Olivier Walmacq

genre: science-fiction
année: 1961
durée: 1h43

l'histoire : Un scientifique vivant à l'époque victorienne fabrique une machine à voyager dans le temps et voyage loin dans le futur. Il s'aperçoit alors que la race humaine s'est divisée en deux espèces, une vivant à la surface, et l'autre sous terre. Quand sa machine est volée par le peuple souterrain cannibale, il doit risquer sa vie pour retourner dans son époque.  

La critique :

Au cours de sa carrière, que ce soit en tant que producteur, réalisateur et/ou scénariste, George Pal s'est principalement spécialisé dans la science-fiction, le fantastique et l'aventure. On lui doit quelques petites pépites cinématographiques, notamment Atlantis, Terre Engloutie, Houdini le grand magicien, La conquête de l'espace, Quand la Marabunta gronde, La Guerre des Mondes (la version de 1953)... Vient également s'ajouter La Machine à Explorer le Temps, sorti en 1961.
Le film est une adaptation assez libre du roman homonyme écrit par H.G. Wells. Suite à l'énorme succès du film, George Pal envisage de réaliser une suite qui se serait déroulée dans un futur très lointain, avec une planète en partie irradiée et carbonisée par les rayons mortels du soleil.

Toutefois, le scénario, peu éloquent, sera rejeté par les producteurs. Au niveau de la distribution, La Machine à Explorer le Temps (Time Machine de son titre original) réunit Rod Taylor, Yvette Mimieux, Alan Young, Sebastian Cabot et Tom Helmore. Paul Scofield est le premier choix de George Pal pour interpréter le héros principal, mais l'acteur décline l'invitation.
A l'époque, Rod Taylor est encore un acteur abonné aux rôles secondaires. Cependant, le jeune interprète s'est distingué dans Géant et La Reine des Amazones. George Pal et ses producteurs décident de lui faire confiance. Pour la première fois, Rod Taylor obtient un premier rôle au cinéma.

Attention, SPOILERS ! Le 1er janvier 1900, Georges apparaît fatigué et sale au milieu du groupe d'amis qu'il a convié. Il revient d'un voyage effectué à travers le temps. Avec sa machine, il a parcouru les époques aussi bien contemporaines que préhistoriques. Il découvre, entre autres, sa maison détruite, une catastrophe nucléaire ou bien encore un lieu paradisiaque.
L'air de rien, avec Time Machine, H.G. Wells (l'auteur du matériel original) avait déjà inventé l'ancêtre de la DeLorean dans Retour Vers le Futur. En l'occurrence, George Pal réalise une adaptation de qualité qui sera à la fois saluée par le public et la presse cinéma.

A l'époque, le film dispose d'un budget conséquent (un million de dollars). Le voyage dans le temps est perçu dans le scénario comme une sorte de périple initiatique. Sur ce dernier point, le héros de l'histoire, Georges, un scientifique aussi attachant que taciturne, apparaît comme le nouveau Candide des temps modernes. Comme l'indique le titre du film, le savant a donc inventé une machine à voyager dans le temps. Féru d'astronomie, de physique et même de philosophie, Georges brille surtout par sa naïveté décontertante et même une certaine ingénuité.
En effet, il est persuadé que le temps va aider l'humanité à se bonifier. Il perçoit alors l'homme moderne comme un être pacifique, voué et destiné à améliorer notre monde par le biais de la science, de la connaissance et de la technologie. Vaste chimère.

Ses divers sauts dans le temps vont le faire rapidement déchanter. Effaré, il découvre que le monde a radicalement changé. Deux guerres mondiales. Des hommes qui s'entretuent. Et même une troisième guerre mondiale, une écologie en berne, des radiations nucléaires et une humanité vouée à sa perte et à la déréliction la plus totale. Contrairement à ce qu'il croit, Georges n'est pas un scientifique de l'avenir, mais un génie du passé. Consterné et médusé, il décide de voyager très loin dans le temps et de stopper sa machine infernale en l'an 802 701.
Il atterrit près d'un bâtiment qui a la forme d'un sphynx. Surtout, il découvre un nouvel Eden, un Eldorado, une sorte d'Empirée terrestre, où des arbres gigantesques et des fleurs exotiques jonchent et parsèment de vastes paysages aux couleurs sémillantes et châtoyantes.

Il fait alors connaissance avec les Elois, un peuple qui vit principalement dans l'indifférence et l'insouciance. Surtout, il rencontre la belle Weena avec laquelle il s'acoquine et s'énamoure. Hélas, encore une fois, le scientifique déchante rapidement. Ce peuple est asservi et avili par des monstres verdâtres et assoiffés de chair humaine, les Morlocks. Pire encore, ces créatures sont des cannibales.
Pour Georges, les Morlocks symbolisent alors le retour à la primauté animale. Toutes ces années de science, de découverte et de technologies diverses pour aboutir finalement au cannibalisme... Sous la pression de ces monstres, la société humaine s'est aveulie. Elle est réduite à l'esclavage et à servir de nourriture à ces créatures préhistoriques.

Pire encore, cette nouvelle société a abandonné le savoir et toute trace (littéraire, philosophique, artistique...) des anciennes civilisations humaines. D'abord décontenancé et exaspéré, Georges apparaît peu à peu comme une sorte de prophète et de Messie, qui vient apporter la bonne parole et surtout délivrer un message révolutionnaire et belliciste face à ce nouveau pouvoir hégémonique.
Le long-métrage peut donc s'appuyer sur des thématiques passionnantes, hélas un peu risibles par leur côté kitsch, assez ringard parfois, et qui brillent surtout par leur obsolescence. Parfois, le film prend les allures d'une série B, qui hésite entre l'aventure et la science-fiction, avec ses créatures anthropomorphiques qui prêtent davantage à sourire. Paradoxalement, ces mêmes défauts confèrent à cette adaptation un charme bien particulier, presque indicible.
Enfin, le long-métrage peut aussi s'appuyer sur l'excellente performance de Rod Taylor, totalement investi dans le rôle de ce scientifique pugnace, considéré comme un hérésiarque aux yeux (globuleux) des Morlocks. Bref, un film de science-fiction qui propose un dépaysement total, via un décor aussi kitsch que paradisiaque, et qui s'impose encore aujourd'hui (et malgré les années) comme une production de grande qualité.

Note: 16/20

 Alice In Oliver