Pas d’accord avec ma camarade Marion concernant Amy.
Alors qu’on aurait pu craindre un documentaire très plat, très lisse, se contentant de reprendre les épisodes connus de la vie d’Amy Winehouse et insistant sur le comportement erratique et autodestructeur de la chanteuse jusqu’à son décès, en 2011, le documentaire Asif Kapadia propose tout autre chose : Un portrait intime de la chanteuse, reposant sur un gros travail de recherche d’images d’archives, puisées dans les photos et films de la famille Winehouse ou des proches d’Amy.
C’est surtout cela qui gêne ma consoeur. L’utilisation systématique d’images d’archives privées, qui semblent dérobées aux proches de la défunte, et qui nous mettent dans une position de voyeur. Elle n’a pas tort. Il y a effectivement un côté impudique dans cette démarche.
Mais ce qui importe, c’est ce que le cinéaste en fait. Ces images d’archives permettent au cinéaste de montrer d’autres facettes de la chanteuse, bien différentes de son image publique. L’objectif du cinéaste est de montrer qu’au-delà de la superstar de la chanson et de la bonne cliente pour la presse à scandales, il y avait une jeune fille sensible, à fleur de peau, animée par une réelle passion pour le chant et la musique. C’est de montrer l’être humain derrière la superstar capricieuse, excessive, rongée par l’alcool et la drogue.
Pour cela, il lui fallait absolument trouver des images où la chanteuse n’incarnait pas ce personnage qu’elle s’était forgé, un peu rebelle et provocateur. Dans les images intimes dénichées par le cinéaste, on découvre une adolescente ordinaire, aimant traîner avec ses copines ou ses frères et soeurs. Et une jeune fille singulière, qui ne rêvait pas de grandeur et de gloire mais juste de faire carrière dans le monde de la musique jazz. Et on comprend, à travers les documents proposés, comment elle s’est laissée déborder par son ascension fulgurante, sa notoriété et sa richesse soudaines.
Le cinéaste a parfaitement atteint son objectif. On sort de la projection en portant un autre regard sur cette chanteuse et son destin tragique.
Le film porte aussi, comme le souligne Marion Filloque, sur la question de la célébrité et des contraintes qui l’accompagnent. Asif Kapadia renvoie chacun à ses responsabilités, des producteurs peu scrupuleux aux fans exigeants de la chanteuse, des paparazzi aux proches de la jeune femme. Mais il ne cherche pas à faire un film à charge. Son idée, encore et toujours, est de montrer le décalage entre l’image publique et l’image privée, mais aussi, paradoxalement, les liens étroits entre la création artistique et le vécu de l’artiste. Car si Amy Winehouse était aussi adulée, c’était, outre sa voix unique, pour ce qui se dégageait de ses chansons. Pour que ses textes aient cette intensité, cette charge émotionnelle, il fallait forcément que la jeune artiste puise dans son mal-être, dans ses blessures intimes, ses drames personnels. C’est l’essence même du jazz, du blues ou de la soul, ces genres musicaux qui inspiraient la chanteuse.
Au delà du portrait de la femme derrière la chanteuse, il y a donc aussi le portrait de l’artiste derrière l’être humain, et cette plongée dans le processus créatif, avec ce qu’il a d’épuisant, douloureux et dévastateur, s’avère absolument fascinante.
A l’arrivée, le film rend un très bel hommage à Amy Winehouse. Il lui redonne son humanité, qui avait fini par se dissoudre dans le personnage public qu’elle s’était forgée et le “monstre” créé de toutes pièces par les tabloïds. Il fait son portrait intime sans pour autant écorner l’aspect légendaire que lui a valu son décès précoce. Et il remet son talent singulier en perspective.
Les fans de la chanteuse y trouveront sans doute leur compte en découvrant des images inédites de leur idoles. Les néophytes, eux, auront sans doute envie de découvrir plus en détails son oeuvre.
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Amy
Amy
Réalisateur : Asif Kapadia
Avec : Amy Winehouse, Blake Fielder-Civil, Mark Ronson, Tony Bennett, Yasiin Bey, Salaam Remi, Mitchel Winehouse
Origine : Etats-Unis
Genre : Amy intime
Durée : 2h07
date de sortie France : 08/07/2015
Contrepoint critique : voir critique “Contre” de Marion Filloque