Carpe diem.
Depuis l’envol du petit Astro sous la plume du docteur Osamu Tezuka, la robotique a emprunté de nombreuses rocades sur l’autoroute du manga, jusqu’à récemment adopter la structure du « Slice Of Life » (littéralement « tranche de vie ») particulièrement en vogue dans l’animation japonaise. Ainsi, après avoir attisé les ponts d’Einstein-Rosen avec Steins; Gate, le scénariste Naotaka Hayashi dessine un monde futuriste au sein duquel les robots sont des visages familiers, des fils, des pères, des mères et des sœurs accompagnant affectueusement celles et ceux que la vie a oubliée. Mais la présence de ces dons du ciel, venant parfaire cette nature imparfaite, est malheureusement éphémère, la plasticité neuronale de ces Giftias se crispant brutalement une fois leurs horloges cérébrales arrivées à terme. La section Terminal de la société en charge de leurs maintenances se charge alors d’encadrer cette fin de vie, l’opération consistant à effacer de manière irréversible cette mémoire artificielle afin d’éviter que ces machines ne deviennent de dangereux vagabonds, errant sans passé et sans avenir. Pour ceux qui reste, il faut faire le deuil de ces moments de joies et de tristesses partagées, ou bien tout reconstruire, main dans la main, pour redonner un nouvel écrin à ces moments disparus. Parmi la brigade d’inadaptés, d’alcooliques, d’écervelées, d’érotomanes et d’impuissants œuvrant pour le bien du service Terminal 01, se distingue Tsukasa. L’handicap de ce jeune homme souriant à la santé fragile, qui a fraîchement rejoint l’équipe après avoir échoué à ses examens d’entrée à l’université, c’est Isla, la séduisante androïde avec laquelle il est contraint de collaborer. Atrocement gauche, distante, le regard éternellement plongé dans un océan de mélancolie, elle semble mettre un point d’honneur à tenir le bonheur à bonne distance d’elle-même, se contentant pour cela de jouer les marionnettes serviables en préparant le thé avec les aromates qu’elle cultive dans son jardin secret. Ce comportement étrange soulève en son partenaire des inquiétudes autour de la santé mentale de sa coéquipière… à moins que les composants électriques de cette dernière ait finalement grillé sous l’effet d’un violent coup de foudre. À cet instant, Plastic Memories se branche sur le canal de la romance en omettant volontairement de présenter davantage les exigences de ce travail d’opérateur funéraire 2.0. La courte poignée de missions que le scénariste et les animateurs du studio Doga Kobo choisissent de mettre en scène, révélant laconiquement les écueils d’une mission sociale dont les cadres négligent l’humain pour le bien la rentabilité économique de l’entreprise, sont d’ardentes braises venant attiser l’intimité des deux héros. De magnifiques et déchirantes émotions traversent ainsi ces treize épisodes tiraillés entre l’euphorie de l’instant – avec cet art consommé de l’humour à caractère sexuel propre à l’animation japonaise – et le chagrin d’un inéluctable destin, marchant avec poésie et conviction sur le fil d’une existence fragile, souhaitant à ce binôme de pouvoir cueillir le moment présent sur l’arbre de la félicité. Éveillée par le timbre cristallin de la chanteuse Eri Sasaki, ce captivant récit dramatique ne cesse donc de tracer sur nos cœurs des liserés de larmes et des sourires de consolation, nous encourageant, par la douceur céleste de ses images, à nous laisser nous envelopper par cette déchirante relation platonique. Et lorsque arrive l’instant de passer l’anneau de la fortune au doigt de celle qui s’apprête à lâcher prise dans l’étincelante lumière d’un émerveillement passager, on alors est conscient d’avoir vécu un moment unique et précieux. (4.5/5)
Purasutikku Memorizu (Japon, 2015). Format : 13 épisodes. Studio : Doga Kobo. Réalisation : Yoshiyuki Fujiwara. Scénario : Naotaka Hayashi. Musique : Masaru Yokoyama.