genre: drame, trash, extrême, inclassable, expérimental (interdit aux - 18 ans)
année: 1974
durée: 1h21
l'histoire : Un jeune homme vit entièrement seul dans sa ferme, entouré d’animaux. Étant sa seule compagnie, il partage leur quotidien jusqu’à entretenir des rapports contre nature avec sa truie.
La critique :
Passionné par l'art et l'ethnologie, Thierry Zéno est un cinéaste et plasticien belge. Après avoir réalisé un court-métrage sur un patient d'un hôpital psychiatrique namurois qui pratique l'art brut, Thierry Zéno tourne son tout premier long-métrage, Vase de Noces, sorti en 1974. On connaît essentiellement Thierry Zéno pour ce film muet, en noir et blanc et à la réputation sulfureuse.
En 1981, il réalisera un documentaire, Des Morts, qui se taillera lui aussi une réputation trash et morbide, sans atteindre la notoriété de son prédécesseur. Que les choses soient claires. Avec Vase de Noces, Thierry Zéno signe un film choc, ultra dérangeant, à l'atmosphère froide et lugubre.
Les âmes sensibles sont donc priées de quitter leur siège et d'aller faire un petit tour... En l'occurrence, le scénario est plutôt laconique et se résume en deux petites lignes. Attention, SPOILERS ! Un jeune homme, dont on ne connaît pas l'identité, vit entièrement seul dans sa ferme, entouré d’animaux. Étant sa seule compagnie, il partage leur quotidien jusqu’à entretenir des rapports contre nature avec sa truie. Attention, Vase de Noces n'est pas un film gore et extrême au sens classique du terme !
Contrairement à ce que laisse supposer le synopsis, le long-métrage ne se résume pas à une succession de séquences sanglantes et peu ragoûtantes. Loin de là.
Vase de Noces aborde de nombreuses thématiques passionnantes. La première concerne la civilisation humaine et sa véritable nature. Dès l'introduction, le film nous présente le "héros" du film, un jeune fermier isolé du monde, qui s'amuse à glisser des têtes coupées ou arrachées de poupées sur le crâne de plusieurs poussins. Pourtant, Thierry Zéno ne sombre jamais dans le gore putassier et outrancier.
Il n'est donc pas question ici de torturer des animaux. Bien au contraire. Mieux encore, Vase de Noces est une véritable éloge et un cri d'amour à Dame Nature. A l'inverse, le film est aussi un portrait au vitriol sur la nature humaine et nos pulsions les plus archaïques.
Sur ce dernier point, Thierry Zéno brosse le portrait d'un homme anonyme qui vit dans la solitude la plus totale, à tel point que le film donne parfois l'impression de se dérouler après une Troisième Guerre Mondiale. Coupé du monde, ostracisé par son entourage, le fermier va peu à peu s'abandonner à des rituels mordides et à des pratiques contre nature.
Thierry Zéno aborde ainsi des thèmes très particuliers, tels que la coprophilie et la zoophilie. Pour l'anecdote, le film est aussi connu sous le nom de The Pig Fucking Movie. Très vite, notre héros se rapproche de sa truie, avec laquelle il s'acoquine et s'énamoure. Le choix de cet animal (donc un porc) est tout sauf aléatoire.
Ostracisé dans certaines cultures et/ou religions (par exemple, chez les Hébreux) en raison de son impureté, le porc est en revanche synonyme de prospérité dans d'autres contrées. Dans Vase de Noces, tous les animaux sont vénérés, mythifiés et déifiés. Cependant, c'est bien le cochon qui prend la place la plus importante dans cette vaste ferme. La truie est ici sacralisée.
Pour le héros anonyme, c'est encore le seul animal qui le rattache au monde et à une certaine humanité. Sur ce dernier point, le personnage principal apparaît comme une sorte d'enfant sauvage qui se gargarise et se galvanise au contact des animaux. Néanmoins, le film ne donne aucune explication sur les raisons de son mutisme et de son isolement social.
Pour cet homme délaissé par les siens, le rapport avec la nature semble être le point culminant et sans retour d'un semblant de contact avec la réalité. Ainsi, le film se concentre davantage sur la vie animale que sur le quotidien de ce fermier esseulé. On assiste alors à de nombreuses séquences animalières, notamment leur rapport avec la nourriture, avec leur propre mère et même à des scènes de copulation.
Vase de Noces signe donc le retour à la nature primitive et à nos pulsions les plus reptiliennes. En ce sens, Vase de Noces n'est pas sans rappeler les films de Pier Paolo Pasolini, entre autres, Salo ou les 120 jours de Sodome, mais aussi et surtout Porcherie.
Hélas, l'équilibre mental de notre fermier, qui se comporte à la fois comme un père et un amant envers ses animaux, va rapidement vaciller et basculer vers la folie la plus totale. Lorsque sa truie décède, le fermier a perdu tout espoir et sombre dans la scatologie. Thierry Zéno montre sans complaisance la déchéance de cet homme confiné dans la solitude, la déréliction, l'avilissement et la psychasthénie mentale.
Vous l'avez donc compris. Vase de Noces n'est pas un film trash et extrême comme les autres. Impression qui est renforcée par de nombreux symboles et aussi par cette tonalité sombre, étrangement silencieuse, et à la fois poétique et morbide. Clairement, Vase de Noces ne plaira pas à tout le monde et s'adresse à un public particulièrement averti.
Note: ?
Alice In Oliver